Le quartier du canal Saint-Martin est toujours animé. Il regorge de bars et de petits restaurants très sympathiques. L’été, de nombreux piques-niques sont organisés le long des rives. Après s’être restaurés et surtout après avoir bien picolé, une bonne partie des gentils bobos imbibés se dirige vers la bouche de métro ou la station Vélib’ la plus proche et descendent la rue Lucien Sampaix, la rue des Vinaigriers ou la rue de Lancry. De nombreuses soirées sont également organisées dans notre rue. Dieu qu’il est délicieux de se retrouver à cinquante dans un trente mètres carrés, sentir le poney, s’imbiber d’éthanol et de fumée de cigarette, écouter de la musique expérimentale et vomir par la fenêtre jusqu’au bout de la nuit.
Nous avons également la chance d’avoir notre propre mascotte, surnommée Joe l’indien par Snooze. Joe est un sans abris qui erre depuis des années dans notre quartier. Lorsqu’il croise un passant, il commence par éructer de drôles de mots puis par lui cracher dessus. Il passe la plupart de son temps à chanter d’affreuses chansons indiennes. Il a surtout une passion pour la vitrine du tailleur situé face à notre immeuble. Une grande glace est à sa disposition. Il peut ainsi se caresser ou se masturber tout en se regardant. Les parents ayant inscrit leurs têtes blondes à la garderie Franco-allemande adjacente à la boutique adorent le voir trainer dans la rue l’après-midi. Comme son bazar est gros.
Le matin est tout aussi animé. Le boulevard Magenta étant embouteillé en permanence, les automobilistes bien impatients coincés dans notre rue prennent un malin plaisir à klaxonner pour par grand-chose. Leur mauvaise humeur matinale ne sert qu’à réveiller de gentils habitants innocents qui ne demandent qu’à dormir entre six et sept heures. Il y a aussi un crétin propriétaire d’un scooter tout pourri garé face à la fenêtre de notre chambre. Son injection est fichue et il met un bon quart d’heure à démarrer en pétaradant tous les jours à 6h30. Je ne mets même plus de réveil depuis des mois et commence ma journée d’une humeur de chien toute la semaine.
Je me transforme donc petit à petit en vieux con, maudissant voisins fêtards et autres automobilistes fort peu civilisés. Mon cerveau bouillonne et je sens parfois une énergie destructrice s’échapper de mon esprit. Tout se passe la nuit. Mes muscles tétanisent, ma nuque se raidit. Mes doigts picotent pour enfin libérer un fluide ravageur. Je me suis ainsi réveillé avant-hier découvrant avec effroi que l’ensemble des scooters stationnés dans la rue avaient été brulés, et que le balcon de mon voisin fêtard avait également eu un coup de chaud, l’empêchant ainsi d’exhiber des grappes de pétasses bruyantes le week-end.
Même si j’ai un peu peur de ne plus contrôler mon super pouvoir, je m’entrainer à faire cramer les circuits des consoles de Snooze.
Je me donne jusqu’à la fin du mois pour y arriver. C’est bon le pouvoir. 
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble