La plume du calamar? C'est le squelette de la bête, laquelle doit être retirée avec précaution afin d'éviter qu'elle ne se brise à l'intérieur du manteau...
Avant d'en arriver à l'épisode décisif et prémonitoire, quoique mystérieux, de cette plume, il va se passer quelques années dans l'amitié entre le narrateur et Léo.
Même si Léo prétend qu'ils se sont croisés auparavant, le narrateur n'en a aucun souvenir. Mais il se souvient de la première fois où Léo est entré dans l'atelier François Corbin.
Il y est en effet entré dans une tenue de cow-boy qui n'est pas passée inaperçue: jean noir, boucle de ceinture démesurée, chemise à carreaux rouges, santiags, stetson sur la tête...
Mécanicien de formation, Léo en a eu assez de bouffer de l'huile de vidange matin et soir: pour lui, l'horlogerie, c'est comme le moteur d'une voiture, mais en plus simple...
Après sa venue, puis celle de nouveaux apprentis, l'atelier ressemble à un carnaval où se font la guéguerre d'un côté Léo et le narrateur et de l'autre des collègues trop sérieux.
Un carnaval? Parce que l'on s'y rie des règles en les transgressant avec une inconséquence des plus légères: un carnaval, où l'insignifiant [prend] des proportions inimaginables.
Quand Claudia arrive plus tard dans l'atelier, il suffit à Léo de plonger son regard dans ses yeux tempétueux et d'apercevoir la profondeur abyssale de ses seins... pour en être obsédé.
Or Claudia - le narrateur parle de veuve noire - s'avère femme fatale pour Léo dans le plein sens de l'expression. La façon dont elle tisse sa toile pour l'entortiller est... un cas d'école.
D'une telle toile il est impossible de se dépêtrer et Sven Bodenmüller le montre à l'envi dans son récit jusqu'à l'énigmatique épisode de la plume, symbolique de la fin...
Francis Richard
La plume du calamar, Sven Bodenmüller, 292 pages, Éditions Encre Fraîche