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Macron a besoin du Coronavirus

Publié le 29 février 2020 par Juan
Macron a besoin du Coronavirus
Le crash est arrivé de là où on l'attendait pas, au cœur de l'un des symboles de la mondialisation capitaliste : une épidémie virale en Chine, dans l'une de ces nouvelles mégalopoles, un site d'implantation privilégié pour les entreprises françaises dans le pays, avec 11 millions d'habitants dont quelques millions d'esclaves sous-payés. Deux mois après l'alerte, le monde tremble, une soixantaine de pays sont touchés, et les bourses paniquent.
Le coronavirus est davantage qu'un virus hivernal, c'est la grippe saisonnière de tout un système dont on réalise trop tard la vulnérabilité. On s'acclimate du moins-disant social, sanitaire et écologique, de ces échanges qui entretiennent la compétition des Etats, le nivellement vers le bas, la crise écologique. Voici le résultat, une peur panique qui précipite l'Italie du Nord en quarantaine et régénère le racisme ambiant, une crise inattendue qui plonge l'Europe dans la stupéfaction et effraye les spéculateurs.
"Avec une chute de 11,94%, le CAC 40 accuse sa plus mauvaise performance hebdomadaire depuis la grande crise financière de 2008. Et la troisième plus mauvaise de son histoire. La globalisation du coronavirus fait paniquer les investisseurs, qui se délestent en masse de leurs actions." Les Echos, 28 février 2020 

Jour après jour, heure après heure, on scrute la progression du virus, puis sa propagation. La séquence ressemble à un spin-off de World War Z alors que le virus ne tue que 2% de ses victimes, bien loin des pandémies du siècle d'avant (qui se souvient de la grippe espagnole il y a cent ans ?).
Le coronavirus isole "l'atelier du monde", résume Jean-Luc Mélenchon sur son vlog: 90% des médicaments y sont fabriqués.
En France, Macron prend la pose dans un hôpital public, maltraité comme les autres par la cure austéritaire de ce gouvernement. Il est énervé par les critiques. Un professeur des Universités, chef de Service à l'Hôpital Beaujon à Clichy (Hauts-de-Seine) lui répond dans une tribune le lendemain: "le personnel non médical est écrasé en raison de salaires de misère, de plannings sans cesse modifiés, de l'impossibilité de se loger à proximité des hôpitaux, de la destruction des équipes attachées à un service (...). Les infirmières n'ont plus les moyens d'accomplir leurs tâches dans le temps imparti… On doit fermer des lits par secteurs entiers, restreignant les capacités d'accueil. Il n'y a plus d'assistantes sociales pour accompagner la prise en charge des patients précaires." Et de conclure: "nous sommes à un point de non-retour où l'hôpital public va s'effondrer comme une barre obsolète de banlieue sous le regard avide de l'hospitalisation privée."
Macron s'énerve qu'on lui fasse porter le chapeau de difficultés qui ne datent pas d'hier - il a raison, il n'est pas responsable de tout. Mais que fait-il depuis 3 ans ? Au lieu d'investir, il réclame un milliard d'euros d'économies annuelles aux hôpitaux publics pour contenir la progression naturelle de leurs dépenses. Pire encore, le manque à gagner des exonérations de cotisations sociales n'est pas compensé par l’État. A peine Agnès Buzyn remplacée, son successeur promet uen grande étude sur le "mal-être" des soignants... A défaut d'agir, il faut prétendre que l'on agit.
La Présidence des Riches s'embourbe.  
Alors que les Bourses s'effondrent, les godillots macronistes tentent de progresser dans l'examen de la loi de réforme des retraites qui visent à forcer à la retraite par capitalisation les classes moyennes et supérieures du pays. Le cas des avocats est exemplaire. La mise en oeuvre de la réforme des retraites devrait faire fermer environ 40% des cabinets, incapables de compenser par épargne boursière le système mutualisé existant.
Sur les bancs de l'Assemblée, un député macroniste explique pourquoi il ne faut pas s'inquiéter de cette hécatombe: "Pourquoi le nombre d'avocat va baisser ? Parce que la profession va évoluer. Ce que l'on fait aujourd'hui en contentieux de masse n'existera plus parce que les algorithmes le feront bien mieux." Remplacer les avocats par des algorithmes... On n'y avait pas pensé...
Les députés godillots de cette Présidence des riche couinent, braillent et protestent, parfois désertent l'hémicycle pour signifier leur désaccord contre les 40 000 amendements déposés par l'opposition. Obstruction ? Non, résistance. L'opposition s'oppose, à gauche comme à droite, contre cet examen bâclé et rapide. A gauche, on s'oppose à l'obligation de cette retraite repoussée et diminuée. On jette des amendements par milliers pour ralentir le procès de la retraite par répartition et faire entendre une autre voix. La majorité des amendements ne sont là que pour cela: ralentir d'une part, exposer ses critiques sur le texte d'autre part.
Macron a besoin du Coronavirus
Le nouveau rapporteur macroniste pète un câble en perdant 5 précieuse de minutes à ironiser sur le choix de l'année de naissance d'entrée en vigueur de cette réforme puis il lâche à Mélenchon : "la République c’est nous et vous, vous n’êtes rien!" avant de présenter plus tard ses excuses.
La Présidence des Riches est exposée.
Même la Cour des Comptes s'y met. Évidemment, elle s'inquiète du dérapage des comptes publics: les exonérations de cotisations sociales, couplées aux dépenses imprévues que Macron a lâché en 2019 pour calmer le mouvement social, ont coûté cher aux finances publiques. Mais la Cour jette une lumière noire sur un autre bilan: les aides au logement, qui concernent 6,6 millions de personnes. Elle ont été réduites de 3 milliards entre 2017 et 2019, et seront encore réduites de 3 milliards en 2020 (pour atteindre 12 milliards d'euros, contre 18 sous François Hollande). Une fois n'est pas coutume, la Cour rappelle l'effet anti-social de cette cure: les aides au logement, rappelle-t-elle, "jouent de fait un rôle central dans la redistribution monétaire au profit des plus modestes : elles représentent près de 30 % de l’effort de redistribution en direction des ménages du premier décile de niveau de vie, qui constituent plus de 75 % des bénéficiaires."
Voilà ce que font les autoproclamés "nouveaux progressistes" de cette Présidence des Riches: couper drastiquement dans les dépenses les plus redistributives... Qui dit mieux ?
Autre symbole de cette Présidence des Riches, la réforme du Bac. Un premier bilan de l'Inspection Générale est dévoilé par le site Café pédagogique, et confirme le caractère élitiste et inégalitaire de la réforme Blanquer: "les choix de spécialité restent très genrés, parfois jusqu’à la caricature" écrivent les inspecteurs. La disponibilité des options dépend des chefs d'établissement ... et de "variables lourdes" comme l’origine sociale des élèves.
Troisième exemple de la semaine, 27 associations écologistes réclament la suppression de la cellule DEMETER: c'est le nom d'une cellule de répression des militants écolos et opposants à l’agriculture productiviste. Cette cellule de la gendarmerie, mise en place par Christophe Castaner, est abilitée à surveiller et réprimer des "actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole", dixit le dossier de presse du ministère. Macron utlise déjà l'arsenal répressif destiné à la lutte antiterroriste - gardes à vue étendues, absence d'avocat, privation de liberté sur simple soupçon, etc - à toutes sortes d'opposants - Gilets Jaunes, étudiant(e)s, lycéen(ne)s, infirmier(e)s, pompiers, professeurs.
Abimer les retraites, taire le débat parlementaire, réduire les aides aux logements, asphyxier l’hôpital public, réprimer les opposants... cette République des Riches promeut un neo-Darwinisme social qui se dévoile.
Samedi, Macron joue au chef de guerre, et l'ennemi, c'est le méchant virus. Exit le débat sur les retraites, la "crise morale" dont souffrirait la France, les références à Maurras. Macron se veut Clémenceau, c'est la mobilisation généraaaaale ! Il se fait photographier dans sa "War Room", en plein "Conseil de Défense" et conseil des ministres "exceptionnel" sur le Coronavirus. L'ambiance est militaire, il faut frapper l'opinion, montrer qu'on est "sur le pont". La réunion n'est pas au Palais de l'Elysée mais dans une salle plus confinée qui fait penser à un bunker militaire. On annonce l'interdiction des rassemblements de plus de 5000 personnes dans des espaces confinés.
"Après avoir échangé avec les professionnels de santé, Emmanuel Macron réunit aujourd’hui un Conseil de défense suivi d'un Conseil des ministres pour mobiliser tous les moyens de protéger les Français." Site de l'Elysée, 29 février 2020.

Quelle est la compétence de Macron en matière de pandémie ? Nulle, et personne ne lui reprochera. Les autorités sanitaires attendaient-elles ce mini-show présidentiel pour agir ? On n'espère pas. Convoquer un conseil de défense n'est qu'un spectacle de trop, une façon de poser le monarque au-dessus de la mêlée.
Au passage, le gouvernement décide de passer en force sur la réforme des retraites, en appliquant l'article 49-3 de la Constitution - un chantage à la démission du gouvernement qui sert habituellement à discipliner une majorité récalcitrante. Cette fois-ci, il s'agit de faire taire l'opposition. Ce n'est pas une surprise, juste une confirmation.
Socialistes, communistes et insoumis se retrouveront pour une motion de censure, symbolique.
Ami castor, où es-tu ?
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