"Finalement, il se dit qu'il était plutôt mieux loti que les types qui avaient du travail. C'étaient des esclaves. Ralph était bien placé pour le savoir. Il savait ce que ça voulait dire de travailler dans un service d'expéditions à se crever la paillasse, à écouter les gros bonnets vous traiter d'imbéciles, vous montrer ci, vous monter ça, vous dire de faire ceci et de faire cela, et vous demander où vous étiez le jour de la distribution de matière grise. Et les paquets, et les colis, et les jurons, le papier, la ficelle. Et la poussière, la sueur, et tous les employés fatigués, déprimés, marmonnant des injures, haïssant le patron, se détestant les uns les autres, qui attendent et espèrent seule chose : l'heure de la sortie, et qui prient pour qu'il soit cinq heures et demie le plus tôt possible, parce qu'il y a des limites à ce qu'un homme peut supporter. Et c'était cela, avoir un emploi. C'était ce qu'on appelait "faire quelque chose"."
David Goodis - La blonde au coin de la rue (Rivages / Trad. Jean-Paul Gratias)