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Abominable. Retour au spécisme

Par Balndorn
Abominable. Retour au spécisme
Résumé : Tout commence sur le toit d’un immeuble à Shanghai, avec l’improbable rencontre d’une jeune adolescente, l’intrépide Yi, avec un jeune Yeti. La jeune fille et ses amis Jin et Peng vont tenter de ramener chez lui celui qu’ils appellent désormais Everest, leur nouvel et étrange ami, afin qu’il puisse retrouver sa famille sur le toit du monde. Mais pour accomplir cette mission, notre trio de choc va devoir mener une course effrénée contre Burnish, un homme puissant qui a bien l’intention de capturer la créature car elle ressemble comme deux gouttes d’eau à celle qu’il avait fortuitement rencontrée quand il était enfant.
Avec Abominable, DreamWorks a très clairement tenté un coup commercial aussi réussi que Dragons. Mais, comme bien souvent, l’imitation ne vaut pas l’original…
La Chine, la nature… et aucune industrie
Abominable ne manque pas de vertus, bien entendu. On ne peut même pas dire qu’il soit raté. Notons le traitement de la vie en Chine. Très quotidienne, replacée dans le contexte d’une émergence de la classe moyenne dans les grandes villes, la représentation de la Chine contemporaine évite les clichés exotiques si fréquents à Hollywood (et particulièrement dans les films d’animation, qui se plaisent très souvent à caricaturer les nationalités).Néanmoins, tout en rendant hommage à la beauté de ses paysages, l’odyssée qui mène Yi, Jin, Peng et leur jeune camarade yéti Everest de la côte orientale à l’Himalaya contourne les questions qui fâchent. Au plan géopolitique, on remarquera que pour ne pas déplaire à ses investisseurs chinois (via sa filiale PearlStudio), DreamWorks passe soigneusement sous silence le sort du Tibet, que traverse fatalement la petite troupe. Mais surtout, le scénario s’écarte délibérément de l’épopée industrielle – et des désastres écologiques qu’elle engendre – de la Chine contemporaine pour privilégier le thème rebattu du retour à la nature. Compte tenu du caractère sino-américain de la production, difficile d’estimer dans quelle mesure la guerre commerciale que se livrent les deux géants depuis deux ans pèse dans cette négation volontaire de l’économie chinoise réelle à l’écran.
Chassez le spécisme, il revient au galop
Même sans ces spéculations diplomatiques, je crois toutefois que le retour de la séparation nature/culture après la parenthèse utopique de Dragonsrappelle en creux à quel point cette dernière saga était une exception. Comparons le traitement d’Everest et de Krokmou, dragon fétiche de la saga en question, et attardons-nous sur la rencontre entre la créature et le personnage humain. Lorsque Harold rencontre Krokmou et qu’il s’apprête à le tuer, c’est le regard animal du dragon qui a raison de sa volonté meurtrière. À ce moment-là, Harold prend conscience de la communauté sensible à laquelle appartiennent hommes et dragons. La découverte d’Everest, réfugié sur un toit, par Yi est toute autre : c’est en l’attirant avec les raviolis à la vapeur de sa grand-mère que la jeune fille parvient à débusquer le yéti de sa cachette. Et celui-ci d’adopter aussitôt des mimiques humaines, quoique volontairement exagérées pour susciter le « oooh » de mignonnerie. Quelle sensibilité ont en commun Yi et Everest, alors qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’une domestication – certes provisoire – du yéti par une humaine ?En un mot, Abominable réintroduit le spécisme que Dragons avait effacé avec brio. Si dragons et dragonniers finissaient par adopter les mêmes gestes et expressions par la force du compagnonnage, ici, seul Everest emprunte les habitudes humaines. Pire encore, avant même sa rencontre avec le monde humain, Everest s’inscrivait dans un système social humano-centré, en l’occurrence hétéro-centré. On s’en rend compte à la toute fin, en regardant le jeune Everest retourner à son papa et sa maman (« on ne ment pas aux enfants »)…Bref, Abominable standardise le monde animal et opère un retour à la normale après les expérimentations antispécistes de Dragons. Espérons qu’une autre saga saura un jour prendre la relève.
Abominable. Retour au spécisme
Abominable, Jill Culton et Todd Wilderman, 2019, 1h37
Maxime
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