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Les confessions de foi réformées continentales sont théonomiques

Par Monarchomaque

Une version téléchargeable de cette étude est disponible ici .

Dans cette étude, nous verrons que les principales confessions de foi, catéchismes et autres standards doctrinaux des chrétiens réformés d'Europe continentale datant de la Réformation des XVIème-XVIIème siècles promeuvent la (c'est-à-dire la doctrine biblique & protestante du Sola Scriptura appliquée en droit).

L'article 39 de la , adoptée au Synode national de Paris en 1559 - souvent appelée Confessio Gallicana ou Confession de foi des Églises réformées de France Confession de foi de La Rochelle parce que ratifiée au Synode national de La Rochelle en 1571 - stipule ( cf. Olivier Fatio, Confessions et catéchismes de la foi réformée, Éditions Labor & Fides, 1re éd., 1986, p. 127 ) :

[... Dieu] a établi des royaumes, républiques et toutes autres sortes de principautés [... et] à cette cause a mis le glaive en la main des magistrats pour réprimer les péchés commis, non seulement contre la Seconde Table, mais aussi contre la Première . [...]

L'article 40 de la Confessio Gallicana, quant à lui, se lit comme suit ( cf. Confession de La Rochelle, Éditions Kerygma, 1998 (1988), p. 67 ) :

Nous affirmons donc qu'il faut obéir à leurs lois et règlements, payer taxes, impôts et autres charges, et consentir à cette obéissance d'une bonne et franche volonté - quand même ils seraient infidèles [ex. : Cyrus le Grand] - pourvu que la souveraineté absolue de Dieu demeure entière.

Ainsi, nous réprouvons ceux qui voudraient rejeter toute hiérarchie [= anarchistes], établir la communauté et le mélange des biens [= communistes] et renverser l'ordre de la justice [= absolutistes].

Voici une remarque du pasteur de l'Église réformée de France (ÉRF) et doyen de la Faculté libre de théologie réformée d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) - aujourd'hui appelée la Faculté Jean Calvin - Pierre Courthial (1914-2009) sur l'inadéquation entre les gouvernements postmodernes qui sévissent en Occident et ceux visés par les articles 39 et 40 de la Confessio Gallicana ( cf. Commentaire sur la Confession de foi de La Rochelle, 1979, p. 127 ) :

Mais, à notre époque, ces articles, tels qu'ils ont été rédigés, prennent une signification ambigüe en dépit des excellentes choses qu'ils contiennent. Les États contemporains, en effet, situent volontiers la source du droit en eux-mêmes [plutôt qu'en l'Éternel et sa révélation écrite], tendent de plus en plus vers le totalitarisme et confisquent à leur profit monstrueux des libertés qu'ils ont cependant vocation de défendre.

Dans leur réédition légèrement modernisée de la Confessio Gallicana en 1988, le pasteur Pierre-Charles Marcel (1910-1992), docteur en théologie en France, et le professeur Charles van Leeuwen, docteur en théologie aux Pays-Bas, prirent le soin de préciser ceci ( cf. Éditions Kerygma, 1998, p. 78-79 ) :

L'article 39 et la première partie de l'article 40 supposent l'existence d'États où l'autorité est exercée dans le respect de la souveraineté absolue de Dieu , les autorités se considérant elles-mêmes comme les lieutenants de Dieu , établis pour exercer une charge légitime et sainte. Ce n'est guère le cas à présent.

Cela étant dit, la Confessio Gallicana ne se contente pas d'affirmer la normativité des deux Tables du Décalogue en droit pénal. Selon l'article 5 de ce standard doctrinal, c'est l'ensemble de la Bible qui doit être prééminente, et cela dans l'ordre social en entier ( cf. Éditions Kerygma, 1998, p. 23 ) :

Cette Parole est la règle de toute vérité et contient tout ce qui est nécessaire au service de Dieu et à notre salut ; il n'est donc pas permis aux hommes, ni même aux anges, d'y rien ajouter, retrancher ou changer. Il en découle que ni l'ancienneté, ni les coutumes, ni le grand nombre, ni la sagesse humaine, ni les jugements, ni les arrêts, ni les lois, ni les décrets, ni les conciles, ni les visions, ni les miracles ne peuvent être opposés à cette Écriture Sainte, mais qu'au contraire toutes choses doivent être examinées, réglées et réformées d'après elle .

La presbytériennes , flamandes, néerlandaises et frisonnes. L'article 36 de la Confession de foi belge ou (1561) fut rédigée par le réformateur & martyr Confession de foi des Pays-Bas à Tournai (Hainaut). Ce standard doctrinal exprime la foi chrétienne des communautés réformées pédobaptistes Confessio Belgica stipule :

[...] Non seulement leur office [= des magistrats] est de prendre garde et veiller sur la police, mais aussi de maintenir le sacré ministère, pour ôter et ruiner toute idolâtrie et faux service de Dieu ; pour détruire le Royaume de l'Antéchrist et avancer le Royaume de Jésus-Christ, faire prêcher la Parole de l'Évangile partout, afin que Dieu soit honoré et servi de chacun, comme il le requiert par sa Parole. [...] {≠ Éditions Kerygma}

Voici une analyse de l'article 36 de la Confessio Belgica par le théologien réformé néerlandais Willem Ouweneel ( cf. The World Is Christ's, Ezra Press, 2017, p. 16 ) :

Ce texte dit sans équivoque qu'il appartient à la mission donnée par Dieu au gouvernement [civil] de promouvoir " le Royaume de Christ ", et de faire avancer " la prédication de la Parole de l'Évangile partout ", afin que Dieu puisse être honoré par tout un chacun. En outre, la version modifiée rédigée par le Synode de l'Église chrétienne réformée [= Christelijke Gereformeerde Kerk (CGK), aux Pays-Bas] en 1958 dit toujours que les autorités civiles accomplissent leur mandat " afin que la Parole de Dieu puisse être diffusée librement, que le Royaume de Jésus puisse progresser, et que chaque pouvoir anti-chrétien soit résisté " [...]. Ceci inclut les puissances anti-chrétiennes qui dominent la plupart des États-nations autour du globe. La Confession belge ne reconnaît aucun domaine neutre à cet égard.

Et voici un sur l'article 36 de la commentaire Confessio Belgica par le pasteur réformé canadien Clarence Bouwman :

Insister sur la séparation de l'Église (religion) et de l'État (gouvernement) revient à prétendre qu'il y a une partie de la vie (gouvernement) sur laquelle le Christ n'est pas souverain. Christ est maître de toute la vie [...]. En tant que citoyens qui reconnaissent la souveraineté de Christ sur toute la vie, nous devons exiger de nos politiciens qu'ils reconnaissent qu'ils sont responsables devant le Roi des rois. De plus, nous devons exiger pour que la nation reconnaisse Jésus-Christ dans l'espace public. Puisque les chrétiens connaissent le Roi des rois, ce sont d'abord les chrétiens qui doivent se porter volontaires pour la fonction publique. Le gouvernement [civil], après tout, n'est pas une entité " mondaine ", mais un don de " notre Dieu miséricordieux ".

Le Catéchisme de Heidelberg (1563) fut rédigé par les théologiens & professeurs Caspar Olevianus (1536-1587) et Zacharias Ursinus (1534-1583) sous la supervision et avec la collaboration du Prince-Électeur (1515-1576), Frédéric III le Pieux Comte palatin du Rhin . Ce standard doctrinal exprime la foi chrétienne des communautés réformées pédobaptistes presbytériennes allemandes, néerlandaises et hongroises/transylvaines. Sa question-réponse 50 énonce :

Question 50 : Pourquoi ajoute-t-on [dans le ] : " Il est assis à la droite de Dieu le Père Tout-Puissant " ?

Réponse 50 : Pour marquer, que Jésus-Christ est monté au Ciel, afin que de là, il se fit connaître pour le Chef de son Église chrétienne, par lequel le Père gouverne toutes choses.

Voici une analyse de la question-réponse 50 du Catéchisme de Heidelberg par Willem Ouweneel ( cf. The World Is Christ's, Ezra Press, 2017, p. 15) :

Ces termes nient implicitement que Christ, le Logos Sarkos (le " Verbe incarné "), est seulement Roi au-dessus d'un domaine spirituel, l'Église ; il est celui " par lequel le Père gouverne toutes choses ". Le Catéchisme réfère ici à Matthieu 28:18 (où Jésus, en tant qu'homme ressuscité, dit " tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre " [S21]) et Colossiens 1:18 (" il est la tête du corps qu'est l'Église ; il est le commencement, le premier-né d'entre les morts, afin d'être en tout le premier " [S21]).

C'est le même individu ayant accompli la purification des péchés qui exerce maintenant l' autorité suprême à la droite de Dieu (Hébreux 1:3-4). C'est l'homme ressuscité " Jésus-Christ qui est monté au Ciel, a reçu la soumission des anges, des autorités et des puissances et se trouve à la droite de Dieu " (1 Pierre 3:21-22 [S21]). C'est simplement faux d'affirmer que l'homme glorifié Jésus-Christ est Roi au-dessus d'un " Royaume de Dieu " dans le sens limité de l'Église visible, mais pas au-dessus d'un domaine temporel. Éphésiens 1 rend très clairement cette distinction fautive : Dieu " a tout mis sous ses pieds [de Christ] et il l'a donné pour chef suprême à l'Église qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous " (Éphésiens 1:22-23 [S21]). Celui qui est la tête du corps - l'Église - est la même personne qui, en même temps, est la tête au-dessus de " toutes choses ". [...]

Si Christ est Roi au-dessus du Royaume de Dieu, ce Royaume contient non seulement l'Église, mais dans les propres mots de Jésus, il contient le monde entier (cf. Matthieu 13:38 où " le champ " est " le monde "). Les " magistrats et autorités " terrestres (Tite 3:1) se tiennent aussi sous la royauté de Christ ( Éphésiens 1:20-21 , Colossiens 1:16-18 , 1 Pierre 3:21-22 ).

4. LA CONFESSIO HELVETICA POSTERIOR (1566)

La Confessio Helvetica Posterior ou Confession helvétique postérieure (1566) fut rédigée par le réformateur & prédicateur Heinrich Bullinger (1504-1575) à Zurich. Ce standard doctrinal fut formellement adopté par les Églises réformées pédobaptistes presbytériennes de Suisse, de Hongrie-Transylvanie et de Pologne-Lithuanie . De plus, il fut officiellement approuvé par les Églises réformées correspondantes des Palatinats , de France et d'Écosse. Dans son préambule, ce texte confessionnel reproduit et endosse l' Édit de Thessalonique (380) de l'Empereur romain Théodose Ier le Grand (346-395), qui est éminemment théonomique ( cf. Olivier Fatio, Confessions..., 1re éd., 1986, p. 200) :

Les Empereurs Gratien, Valentinien et Théodose, augustes. Au peuple de la ville de Constantinople : Nous voulons que tous les peuples qui vivent sous l'Empire de notre clémence suivent la religion que l'apôtre saint Pierre a enseignée aux Romains. [...] Nous voulons qu'on donne le nom de chrétiens universels à ceux qui suivent cette loi , et qu'au contraire les autres, que nous regardons comme des extravagants et des insensés, portent la flétrissure du titre d'hérétique, et que leurs conciliabules ne portent point le nom d'Église, et qu'après la vengeance divine qui les attend, ils soient aussi punis de la manière que le Ciel nous l'inspirera.

Dans le corps de cette Confession helvétique postérieure, le chapitre 30 - intitulé Du Magistrat - stipule ( cf. Olivier Fatio, Confessions..., 1re éd., 1986, p. 304-305 ) {Au besoin, comparer avec la traduction française de Donald Cobb parue dans le N° 212 de la Revue réformée en mars 2001} :

Si donc il [= le magistrat] est ennemi de l'Église il peut grandement empêcher et faire beaucoup de troubles ; mais si au contraire il est ami et membre de l'Église, il est très-utile et très-excellent membre d'icelle, et lui peut grandement aider et profiter. Le principal office d'icelui est de procurer la paix et tranquillité publique, ce qu'il ne peut jamais mieux faire plus heureusement qu'en étant vraiment religieux et craignant Dieu, et qu'à l'exemple du peuple du Seigneur il n'avance et donne cours à la prédication de la vérité et de la pure et sincère foi, empêchant tout mensonge, et mettant bas toute superstition avec toute impiété et idolâtrie, et défendant l'Église de Dieu. Nous enseignons aussi que le soin de la religion est des principaux points d'un fidèle et saint magistrat. [...] Qu'il mette ordre qu'on ne prêche rien [de] contraire à icelle ; item, qu'il gouverne par bonnes lois conformes à la Parole de Dieu le peuple que Dieu lui a commis, et qu'il le contienne en bonne discipline, devoir et obéissance. [...] Car il n'a pas reçu de Dieu le glaive en vain [ Romains 13:4 ]. Qu'il dégaine donc ce glaive de Dieu contre tous les méchants, [...] blasphémateurs, parjures, bref contre tous ceux que Dieu veut punir et qu'il a commandé qu'on mît à mort. Qu'il châtie aussi et punisse ceux qui sont vraiment hérétiques, à savoir incorrigibles, et qui ne cessent de blasphémer la majesté de Dieu et troubler son Église, voir même la ruiner et détruire. [...] Et le magistrat faisant ces choses en foi sert Dieu par [de] telles œuvres, comme vraiment bonnes, et reçoit bénédiction de Dieu.

Les Canons de Dordrecht furent adoptés par le Synode de Dordrecht (Hollande-Méridionale, 1618-1619), une assemblée délibérante de théologiens ayant à la fois les caractéristiques et les attributs :

  • D'un procès ecclésiastique national de l'Église réformée néerlandaise - la Nederduitse Gereformeerde Kerk (NGK) créée en 1571 - impliquant 14 meneurs arminiens libéraux dits " remonstrants " (les accusés), 53 délégués des sept synodes provinciaux constitutifs de la NGK, cinq représentants des cinq universités réformées néerlandaises et 18 commissaires civils des sept provinces composant la République des Pays-Bas ;
  • D'un concile international réformé réunissant - en plus des Néerlandais - 26 délégués officiels des Églises réformées de la Ville libre d' (Frise-Orientale), de la Ville libre de (Basse-Saxe), du Landgraviat de Hesse-Cassel (Basse-Hesse), du (Haute-Hesse), du Duché de , de l'Électorat du , de quatre cantons de Suisse alémanique (Zurich, Bâle, Berne & Schaffhouse), de la République de Genève, de l'Église d'Écosse et de l'Église d'Angleterre, ainsi que quelques observateurs (l'ambassadeur de la Principauté d' , le messager de la congrégation réformée néerlandaise de Londres, etc.).

Ce standard doctrinal est la référence classique de la "). Dans son étude doctrinale consacrée aux sotériologie réformée orthodoxe (couramment résumée par l'expression " cinq points du calvinisme Canons de Dordrecht, titré (Éditions La Rochelle, 2019), Paulin Bédard écrit (p. 13 et 15) : Le solide fondement du salut

L'un des principaux fruits du Synode de Dordrecht a été de mettre par écrit les Canons (ou décisions) de Dordrecht, qui ont d'ailleurs été rédigés en néerlandais, en français et en latin, puis traduits plus tard en plusieurs langues. Contrairement aux confessions de foi du XVIème siècle qui ont été rédigées par des individus, ce texte a été écrit par une assemblée ecclésiastique. En 1620, au Synode national d'Alès, les Églises réformées de France ont reçu et approuvé ces Canons comme étant conformes à la Parole de Dieu. Tous les pasteurs et anciens devaient prononcer publiquement le " serment d'approbation " prévu à cet effet. [...]

Les Canons de Dordrecht sont ainsi structurés selon ces cinq points. Chacun de ces cinq points est d'abord expliqué par une [première] série d'articles qui exposent positivement la doctrine orthodoxe, puis par une deuxième série d'articles qui réfutent et rejettent les erreurs arminiennes, cette deuxième série d'articles portant le nom de " rejet des erreurs ".

L'article 3:4:4 des (1619) dispose :

Il est vrai qu'après la Chute, il a subsisté dans l'homme quelque lumière de nature ; grâce à elle, il conserve encore une certaine connaissance de Dieu et des choses naturelles, il discerne entre ce qui est honnête et malhonnête, et montre avoir quelque pratique et soin de la vertu et d'une discipline extérieure. Mais tant s'en faut que, par cette lumière naturelle, il puisse parvenir à la connaissance salutaire de Dieu, et se convertir à lui, puisqu' il n'en use même pas droitement dans les choses naturelles et civiles, mais plutôt, telle qu'elle est, il la souille de diverses manières et la maintient dans l'injustice ; ce que faisant, il est rendu inexcusable devant Dieu.

Voici une analyse de l'article 3:4:4 des Canons de Dordrecht par le théologien réformé néerlandais Willem Ouweneel ( cf. The World Is Christ's, Ezra Press, 2017, p. 17-18 ) :

Ce point de vue conflicte radicalement avec l'idée de [Michael] Horton et [David] VanDrunen d'une loi naturelle régnant dans le royaume séculier sans aucun besoin que la lumière de la Parole-Révélation de Dieu ne soit jetée sur cette loi naturelle. [...] En opposition à ces derniers, Joseph Boot décrit la loi naturelle comme " un concept originellement stoïc [= païen] bourré de difficultés, dont personne ne semble être certain du contenu réel avec une clarté quelconque ". Remarquez la référence des Canons à Romains 1:18 : " La colère de Dieu se révèle du Ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui par leur injustice tiennent la vérité prisonnière " [S21]. Assurément, il y a une certaine connaissance de Dieu et de sa loi dans les personnes naturelles : " Ils montrent que l'œuvre de la loi est écrite dans leur cœur " (2:15) - mais en combinaison avec 1:18 cela montre que cette connaissance est totalement corrompue par le péché [...]. Quelle que soit la conscience des choses divines qu'ils puissent avoir, elle est supprimée par leur méchanceté. C'est impossible de fonder un État ou une société sur la loi naturelle seule de manière à ce qu'un tel État ou une telle société soit acceptable et honorante pour Dieu.

Pour conclure, constatons qu'en matière de théologie publique, la théonomie est indiscutablement une doctrine confessionnelle orthodoxe des chrétiens réformés pédobaptistes presbytériens originaires d'Europe continentale.


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