L'évolution prend plus de temps que je ne l'aurais imaginé mais, progressivement, un véritable écosystème est en train de se constituer autour des cryptodevises. Ainsi, après les porte-monnaie aux multiples variantes, les plates-formes d'investissement, les solutions de crédit…, apparaissent maintenant des comptes d'épargne à intérêts.
Dans une probable volonté de différenciation concurrentielle au sein d'un marché plutôt encombré, l'israélienne ZenGo ajoute ainsi à son « wallet » mobile plusieurs possibilités de faire fructifier les avoirs disponibles en bitcoin, ether… Celles-ci se présentent comme des produits d'épargne classiques, avec des taux de rendement parfois attractifs (variables), des fonctions de suivi (en temps réel) dans l'application, et autorisant l'utilisateur à effectuer des dépôts et des retraits à sa convenance.
En arrière-plan, différents mécanismes sont mis en œuvre pour générer les intérêts promis. Le plus simple reproduit plus ou moins fidèlement le modèle traditionnel des banques, sous un format décentralisé : par l'intermédiaire du protocole Compound, les détenteurs de fonds peuvent participer à des réserves de liquidité qui sont ensuite mises à disposition d'emprunteurs qualifiés. Ce n'est qu'une déclinaison dans l'univers des monnaies virtuelles du vieux concept de financement du crédit par les dépôts.
Une autre option, reposant sur les propriétés exclusives de certaines blockchains (Tezos, notamment), consiste à partager les tokens détenus afin de contribuer au fonctionnement de ces systèmes – ceux-ci exploitant un principe de preuve d'enjeu, à travers laquelle l'enregistrement des transactions est certifié par les participants capables de démontrer leur détention d'une certaine quantité de la monnaie gérée – et en percevoir les revenus dérivés, à savoir les commissions (éventuelles) sur les mouvements.
Composant après composant, un environnement financier parallèle se développe de la sorte sur les fondations des cryptodevises, combinant des pratiques ancestrales avec des approches radicalement nouvelles, le tout constituant un ensemble de plus en plus cohérent et, surtout, extraordinairement efficace d'un point de vue technologique et opérationnel, grâce à l'automatisation native et sécurisée de tout ce qui peut l'être dans des métiers encore largement dominés, aujourd'hui, par des interventions humaines.
Il ne fait guère de doute que ces progrès, surtout quand ils touchent à des domaines aussi sensibles que l'épargne et le crédit, risquent de renforcer la nervosité des régulateurs, dans le monde entier. Il serait pourtant intéressant que les autorités et les dirigeants d'institutions financières se penchent attentivement sur ces innovations, ce qui leur permettrait de mieux comprendre les frictions existantes dans leur processus et, peut-être, d'imaginer des solutions (sans obsession pour l'outil sous-jacent, la blockchain).