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La Chine ou l’art de la guerre sur le marché de la voiture électrique

Publié le 12 mars 2020 par Infoguerre

Station D'Essence Actuelle, Elektrotankstelle

La question de l’avenir de l’industrie automobile illustre parfaitement la complexité stratégique du monde. L’avenir de la planète en termes d’environnement, les stratégies de puissance, les choix faits par les industriels, les besoins immédiats des consommateurs. La Chine a choisi de privilégier ses enjeux de puissance. L’Union Européenne opte pour la protection de l’environnement au même titre que la France qui n’a toujours pas pris en considération la guerre économique comme élément potentiellement perturbateur  de sa vision moralisatrice.

L’alibi écologique de l’Europe : la voiture électrique

En France, les transports représentent 30 % des émissions de CO2, un gaz à effet de serre qui, selon les scientifiques accroît les changements climatiques. Pour les pouvoirs publics, le responsable principal de tous les maux est tout trouvé ; c’est le véhicule à moteur thermique. La France a même acté, qu’en 2040, la vente de voitures thermiques serait prohibée. Le 24 décembre 2019, les députés français ont entériné la fin de la vente de véhicules à énergies fossiles bannissant également, de ce fait, les véhicules hybrides. La prise de conscience écologique du corps législatif français n’avait pas eu lieu en 2004, lorsque la Charte de l’environnement avait été intégrée au préambule de la constitution. Il a fallu attendre le scandale Volkswagen, et le reproche fait aux législateurs européens, de complaisance à l’égard des industriels de l’automobile, pour voir les législateurs plonger dans l’excès inverse durcir leur législation. Cécile Fée indique, très justement, dans ses « Maximes et pensées », qu’« un excès qu’on veut fuir fait passer à l’excès opposé ».

Des impacts majeurs sur l’industrie automobile européenne

Pour les pouvoirs publics, la réponse aux enjeux climatiques et économiques est la voiture électrique. La voie du tout électrique est séduisante car elle semble résoudre nombre de problèmes. En 2018, l’Agence Internationale de l’Énergie estime que le gain en émission de CO2 pour une voiture électrique est de 33 % par rapport à une voiture thermique. Pour autant sur un plan écologique, la voiture électrique est loin d’être un véhicule propre. En effet, la construction d’un véhicule électrique demande beaucoup plus d’énergie que la construction d’un véhicule thermique. En outre, l’extraction des métaux qui le composent cause de graves dommages environnementaux. Par ailleurs, pour recharger la batterie d’une voiture électrique, il faut produire cette électricité en amont. Les sources de production d’énergie électrique, dans le monde, sont encore le charbon et le pétrole. Et ces sources demeurent très polluantes.

Sur un plan économique, la filière automobile affronte une véritable révolution. Les constructeurs sont contraints de changer toute leur chaîne de production. Ainsi, l’Alliance Renault-Nissan a investis 4 milliards d’euros dans sa gamme électrique, et Volkswagen prévoit 20 milliards d’investissements d’ici à 2030. Au-delà des investissements, la fabrication d’un modèle électrique ou hybride nécessite 50% de temps de fabrication supplémentaire à celui d’un véhicule thermique. Se pose également la question de la qualification de la main d’œuvre nécessaire à la fabrication de ces nouveaux modèles et de la capacité des équipementiers présents sur les moteurs à combustion à se renouveler.

La marche contrainte et forcée vers le véhicule électrique et la fin du véhicule thermique nécessite donc des ajustements conséquents de la part des industriels européens dans un contexte de mutations technologiques et d’incertitudes commerciales (Brexit, remise en cause des traités commerciaux, sanctions prises à l’égard de l’Iran, enjeux pétroliers…). « C’est un défi énorme », car cela va contraindre les constructeurs à « réduire les émissions de CO2 de 20% entre 2019 et 2020, alors qu’il ont mis 10 ans pour les réduire de 25% », estiment les analystes d’Euler Hermès. Ce changement de paradigme industriel va faire chuter l’activité des usines européennes de moteurs thermiques tout en dopant l’activité des équipementiers de batteries majoritairement entre les mains des groupes chinois.

La volonté chinoise de mettre fin à la dépendance vis à du pétrole sous couvert de politique environnementale

C’est en 2011 que l’amélioration de l’efficacité énergétique est élevée au rang de priorité nationale dans le 12e plan quinquennal (2011-2015) du gouvernement chinois. C’est dans ce plan que le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’Information a défini comme objectif pour 2015 la production de 500 000 véhicules électriques et hybrides, première étape d’un plan plus ambitieux visant 5 millions de véhicules électriques en 2020.

Il s’avère que cette politique industrielle énergique et ambitieuse est étroitement liée à sa dépendance pétrolière. En effet, la Chine a dépassé les Etats-Unis pour devenir le plus grand importateur de pétrole au monde en 2017. Les experts prévoient une augmentation marginale de l’importation de pétrole vers la chine, en 2018, avec un pic cyclique possible en 2020 ou juste après. Quant à la question de savoir quand les importations chinoises de pétrole brut atteindront leur pic, les experts chinois répondent : « Bientôt. ».  Car, Face aux défis de l’approvisionnement énergétique, la Chine diversifie ses sources énergétiques en augmentant la part du gaz et des énergies renouvelables dans son mix énergétique. Cette dépendance pétrolière encore étroitement liée à la consommation de carburant des voitures thermiques se devait d’être maîtrisée puis diminuée. La transition énergétique, pour la Chine, est la voie du milieu pour retourner à l’équilibre voire acquérir l’autonomie énergétique.

La régulation comme instrument de contrainte industrielle et de barrière au libre-échange

Développer une industrie automobile électrique de masse était un projet innovant et nécessitait de repenser l’ensemble de l’organisation et des moyens industriels pour ne pas basculer dans la conception artisanale caractérisant les organisations des constructeurs occidentaux. En effet, la production de véhicule électrique nécessite la production de batteries, un design attractif pour le client, une production de qualité, ainsi que la mise en place de bornes de recharge. De la volonté à la réalisation, il n’y a qu’un pas qu’a franchi la Chine : en 2018, la Chine est le leader mondial du véhicule électrique et entend bien garder son avance sur le marché automobile du futur. L’Empire du milieu abrite désormais 65% des capacités de production de batteries électriques du monde et la moitié des ventes mondiales de voitures électriques.

Sans une forte impulsion étatique, ce résultat ne serait pas le même. En effet, l’état chinois, en plus du plan quinquennal imposant l’efficacité énergétique (2011-2015), multiplie les mesures d’incitation au développement du véhicule électrique de manière régulière depuis 2011. De plus, la Chine privilégie les constructeurs de véhicules électriques chinois en les faisant bénéficier d’une prime si la batterie est chinoise et répond à des normes strictes de densité énergétique. Ces normes impliquent des investissements conséquents en recherche et développement pour atteindre les niveaux d’efficacité énergétique imposée. Les constructeurs de véhicules électriques occidentaux s’ils veulent rentrer sur le marché chinois doivent faire appel aux industriels chinois pour les moteurs et répondre à des normes environnementales chinoises drastiques.

La mainmise sur les terres rares pour alimenter l’industrie de la voiture électrique

Afin de gagner son pari sur le véhicule électrique, la Chine a rapidement compris qu’elle devait d’abord sécuriser ses approvisionnements en terres rares nécessaires à la plupart des moteurs électriques. Le terme « terres rares » désigne un ensemble de 17 éléments métalliques (le scandium, l’yttrium et 15 lanthanides). Ignorant les règles du commerce international, la Chine a mis en place des restrictions à l’exportation des terres rares dès 2011, en imposant des quotas et des permis d’exporter pour limiter l’offre à l’exportation. Cette entorse a fait l’objet d’une procédure de règlement de litige par l’OMC qui a trouvé son épilogue en 2015. La Chine maîtrise la quasi-totalité de ce marché. Sur les 170.000 tonnes produites en 2018, 71% (120.000 tonnes) l’ont été par cette dernière, selon l’US Geological Survey. Les autres producteurs -Australie (20.000 tonnes) et États-Unis (15.000) – sont loin derrière.

Les constructeurs chinois visent désormais l’international…

Les groupes chinois visent désormais l’international : les complexes procédures d’homologation des moteurs thermiques liées aux émissions entravaient l’accès aux marchés américain ou européen, mais le moteur électrique élimine cette barrière à l’entrée. BYD, géant chinois du véhicule électrique a ainsi annoncé le 6 décembre avoir remporté « la plus importante commande d’autobus électriques jamais enregistrée en Europe dans le cadre d’un accord avec Keolis Nederland BV, la filiale néerlandaise de Keolis » précise le constructeur chinois dans un communiqué.

Meriem Allier

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