Dans le sillage des attaques du 11 septembre 2001, les États-Unis avaient lancé une vaste initiative de dématérialisation de l'encaissement de chèques. La crise sanitaire de 2020 sera-t-elle alors le déclencheur de la transition vers un dollar digital ? Un sénateur a déposé un projet de loi en ce sens et il ne manque pas d'arguments en sa faveur.
La mise en place d'un programme d'aide d'urgence aux citoyens les plus fragiles dans le contexte de la pandémie de COVID-19 va probablement agir comme un révélateur des difficultés spécifiques auxquelles sont confrontés les plus de 8 millions de foyers non bancarisés (représentant 14 millions d'adultes), sans même compter les millions d'autres qui sont mal équipés et doivent recourir à des services complémentaires.
En effet, selon toute vraisemblance, les subsides gouvernementaux seront versés à leurs bénéficiaires sous la forme de chèques. Or ce mode de paiement est loin d'être optimal. Pour les personnes exclues du système, incapables de transmettre le précieux document via l'application mobile de leur banque, le seul moyen de collecter leur dû consistera à s'adresser à des établissements spécialisés ou à des commerçants, au prix de commissions parfois prohibitives et de risques supplémentaires de contamination.
La solution proposée par Sherrod Brown au comité du sénat en charge des affaires bancaires, baptisée « FedAccount », se présente d'abord comme un porte-monnaie électronique gratuit ouvert à tous. Concrètement, il s'agirait d'un compte virtuel en dollar, tenu par la banque fédérale, dont la gestion serait déléguée aux bureaux de poste et à des banques locales, et auquel serait attaché un ensemble de services essentiels : accès en ligne, carte de débit, règlement de factures, retraits sur distributeurs…
Certes, le plan esquissé – qui se résume finalement à un compte bancaire universel dématérialisé, donc à la fois efficient et adapté au monde moderne – est beaucoup moins « glamour » que les rêves engendrés par les promesses (généralement fallacieuses) de la blockchain au service de « monnaies virtuelles de banque centrale ». Mais il a le mérite indiscutable de chercher à résoudre des problèmes réels et immédiats, qui concernent toutes les économies du monde (M-Pesa en offre un autre exemple, au Kenya).
Pendant ce temps, la Banque de France reste résolument fixée sur ses objectifs initiaux, aussi détachés des exigences du moment soient-ils, et vient donc de lancer, comme elle l'annonçait en décembre dernier, son appel à candidature autour d'un projet de mise en œuvre d'une monnaie virtuelle dans les échanges interbancaires.