Contrairement à son grand rival Alibaba, dont la filiale spécialisée Ant Financial couvre tous les métiers de la finance, Tencent se contentait jusqu'à maintenant de fournir uniquement un porte-monnaie virtuel aux utilisateurs de sa plate-forme de messagerie sociale WeChat. Depuis quelques jours, une option de crédit vient toutefois s'y ajouter.
Annoncé en septembre 2019 et expérimenté auprès de quelques testeurs au cours de ces derniers mois, « Fen Fu » est désormais en cours de déploiement à grande échelle et permettra progressivement à la majorité du milliard d'adeptes de WeChat Pay de bénéficier d'une fonction « achetez maintenant, payez plus tard » sur leurs emplettes, en ligne ou en boutique, pour toutes leurs dépenses (restaurant, cinéma, shopping…), à la seule exception des transferts d'argent à destination d'un particulier.
Le nouveau service est parfaitement intégré au cœur de l'expérience utilisateur (notamment pour les achats réalisés depuis la messagerie elle-même), puisqu'il suffit d'activer le recours au crédit au moment de valider le paiement, s'il est proposé. Les conditions associées sont aussi simples et transparentes que possible : nuls frais fixes, aucune échéance imposée, des intérêts calculés quotidiennement sur le capital restant dû, une seule exigence de remboursement mensuel de 10% de l'encours total…
« Fen Fu » se présente donc comme un véritable substitut à la carte de crédit, totalement dématérialisé, en lui ajoutant la flexibilité du choix du règlement comptant ou différé sur chaque transaction. En arrière-plan, le positionnement de Tencent comme plate-forme universelle de services – et la fenêtre ainsi ouverte sur la vie quotidienne de ses clients – lui procure un avantage considérable pour maîtriser les risques de défaut, et ce, en temps réel (ou presque). La décision d'octroyer un prêt peut alors être prise pour chaque opération, selon les circonstances immédiates et le contexte général.
Profitant d'un terrain quasiment vierge en matière de services financiers et à la faveur de l'explosion du e-commerce, les géants technologiques chinois ont littéralement absorbé, en quelques années, leur marché interne des paiements. Forts de leur domination incontestée, il ne fait guère de doute qu'ils vont maintenant s'emparer du crédit à la consommation, en attendant l'extension de leur emprise sur d'autres domaines.
Comme toujours, il serait naïf de croire que ces modèles représentent une menace directe imminente pour les acteurs traditionnels des pays occidentaux, dont l'histoire et l'environnement sont très différents. En revanche, ils devraient constituer une référence essentielle pour comprendre et intégrer ce qui les rend extraordinairement pertinents, dans leurs fondations, pour les consommateurs. Ils pourraient, par exemple, offrir des pistes sur des modalités de mise en place du concept de « banque invisible »…
Information repérée par F. Risterucci (merci !)