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Fatima M : « Nos vies ne pèsent pas lourd par rapport à leurs profits »…Par Catherine Walgenwitz

Publié le 09 avril 2020 par Particommuniste34200

Salariée dans un grand supermarché marseillais, Fatima M. raconte comment les employés ont dû se démener avec la CGT pour que de premières mesures de sécurité soient appliquées.

Les salariés des grandes surfaces et des commerces de première nécessité sont avec le personnel médical, les rares corps de métier à travailler pendant le confinement. Fatima M.*, qui est caissière et chargée d’achalander le rayon textile d’une grande surface, explique comment tout a basculé, le jour où est arrivée l’épidémie de Covid-19.

La Marseillaise : Lorsque la France a commencé à être touchée par la pandémie, comment la gestion de crise s’est-elle organisée sur votre lieu de travail ?
Fatima M. : Dans le supermarché où je travaille, heureusement qu’il y avait des élus CGT. Au début, la direction voulait à tout prix nous mettre la pression. Quand il y a eu le confinement, que les écoles fermaient, automatiquement des caissières ne pouvaient plus travailler. Ceux qui restaient devaient travailler sans masque et sans gel hydroalcoolique. La file unique de clients n’était même respectée. Il a fallu que l’on s’impose avec la CGT. Il était hors de question pour nous de travailler sans être protégés. Il y a eu un début de panique, parce que le représentant de la CFDT acceptait de travailler sans masque. Ce qui a pu provoquer des tensions. Les élus CGT ont commencé la tournée de toutes les caisses, pour dire aux filles qu’elles pouvaient exercer leur droit de retrait, parce qu’elles n’avaient pas à travailler sans sécurité. Nous avons fini par obtenir des masques. Des Plexiglas ont été installés dans la nuit du 17 mars. Puis le délégué CFDT, qui avait accepté de travailler sans masque, s’est rangé à nos côtés. À partir de là, on a pu commencer le filtrage des entrées des clients .

Est-ce qu’il vous est arrivé d’avoir peur ?
F.M. : Bien sûr que j’ai eu peur, d’autant que le premier à avoir été contaminé a été le chef de caisse, puis le boucher et le responsable du rayon fruits et légumes. Nous avions exigé des tests pour savoir si nous avions été contaminés à notre tour. Nous sommes même allés jusqu’à menacer le magasin de porter plainte contre lui. À partir de là, ils ont commencé à prendre les choses au sérieux.

Est-ce que, depuis, tout est rentré dans l’ordre ?
F.M. : Pas vraiment, puisque la fermeture des rayons de produits qui ne sont pas de première nécessité nous a été refusée. Tout comme la fermeture de l’étage de 16 000 m². On ne comprend pas pourquoi la direction nous refuse ces changements, alors qu’en temps normal, elle modifie fréquemment l’organisation du magasin. 15 caisses sont restées ouvertes à l’étage pour les rayons textile et bazar qui ne sont pas des produits de première nécessité. Très vite, avec le manque de personnel c’est devenu la folie. Ils nous parlaient toujours de chiffres. Je suis depuis 15 jours en arrêt maladie et il n’est pas question pour moi de reprendre le travail. J’ai la boule au ventre. On n’a pas réussi à obtenir des tests mais on nous a promis une prime de 1 000 euros.

C’est un cercle vicieux qui a permis d’acheter beaucoup de monde. Des filles sont revenues travailler, parce qu’elles avaient peur de ne pas pouvoir la toucher. Je préfère rester en vie. Je suis payée 1 270 euros net par mois. À la dernière réunion du CSE du mois de mars, il y avait 4 sujets à l’ordre du jour : le classement du magasin, l’absentéisme et le chiffre d’affaires devaient être discutés en priorité. Ce n’est qu’à la fin qu’il était question du Covid-19. Comme quoi nos vies ne pèsent pas lourd par rapport à leurs profits.

*Le prénom a été changé.

Fatima M : « Nos vies ne pèsent pas lourd par rapport à leurs profits »…Par Catherine Walgenwitz
09 avril 2020

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