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Immigration. Pas de répit pour les jeunes étrangers. Par Émilien Urbach

Publié le 09 avril 2020 par Particommuniste34200

En pleine période de confinement, un adolescent guinéen a été expulsé du logement dont il bénéficiait dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance.

Le conseil départemental du Vaucluse n’a visiblement pas pris acte du vote par les députés de l’amendement à la loi instaurant un « état d’urgence sanitaire » interdisant les « sorties sèches » de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Le 3 avril, il n’a pas hésité à mettre à la rue, en pleine période de confinement, un adolescent guinéen, le jour même de ses 18 ans. Ce vendredi-là, Mohamed Lamine Camara devait fêter son anniversaire. Alors qu’il est confiné depuis plusieurs semaines dans la chambre d’hôtel où il est hébergé par l’ASE à Avignon, une assistante sociale est venue frapper à sa porte et lui indiquer qu’il devait quitter les lieux . « Je lui ai dit que je n’avais nulle part où aller, raconte le jeune homme au téléphone. Elle m’a répondu que ça ne la regardait plus, puisque j’étais devenu majeur. »

Mohamed Lamine n’en est pas à sa première déception. Depuis deux ans, sa vie est un véritable cauchemar. À l’été 2018, après la mort de sa mère et de son grand-père, il décide de fuir la Guinée avec sa sœur aînée. Il la perd de vue lors de leur arrivée en Libye et reste sans nouvelles d’elle depuis. Comme beaucoup d’autres, Mohamed Lamine tente ensuite de traverser la Méditerranée à bord d’un bateau pneumatique. « On est restés deux jours et trois nuits à dériver, avant qu’un bateau militaire nous porte secours », se souvient l’adolescent. Il parvient à rejoindre l’Union européenne, puis la France, il y a tout juste un an. Avec l’aide de différents collectifs et associations, il tente d’être pris en charge par l’ASE à Marseille, Clermont-Ferrand, Valence… Chaque fois, sa minorité est contestée. Il trouve finalement refuge à Avignon, au sein d’un centre d’accueil autogéré fondé par l’association Rosmerta. Fin février 2020, le tribunal pour enfants d’Avignon ordonne sa prise en charge par l’ASE. Mohamed Lamine peut se consacrer à son CAP maçonnerie. « Je souhaitais faire une formation dans l’aide à la personne, mais il n’y avait plus de place, confie-t-il. Ça n’est pas grave. Le plus important est que je fasse des études. » Mais sa soif d’apprendre est vite stoppée par la crise sanitaire et la fermeture des établissements scolaires.

Mis à la rue le jour de ses 18 ans, il saisit la justice

Vient son anniversaire. « Pour beaucoup de jeunes de mon âge, c’est une fête, écrit Mohamed Lamine sur les réseaux sociaux. Pour moi, ça a été une dure journée. » Expulsé de son logement, il prend contact avec Jean-Pierre, son parrain durant la période où aucun service social ne l’aidait. « Quand il m’a expliqué ce qui se passait, j’ai pensé qu’il avait mal compris, explique le retraité. Mais non : Mohamed a dû se rendre seul, à pied, avec juste quelques affaires, et sans avoir mangé, à un foyer de la Croix Rouge. Tout ça le jour de son anniversaire ! » Le jeune homme passe quatre nuits dans une chambre partagée avec deux inconnus. Pendant ce temps, l’association Rosmerta saisit la justice.

Ce mardi, le tribunal administratif de Nîmes a ordonné finalement que Mohamed Lamine puisse bénéficier des services de l’ASE jusqu’à la fin de l’année scolaire. Mercredi matin, l’adolescent a retrouvé la chambre d’où il avait été expulsé le jour de ses 18 ans. « La personne qui l’a reconduit à l’hôtel a été très désagréable avec lui, indique Jean-Pierre. Elle lui a même reproché d’avoir saisi la justice. » L’adolescent lui aurait répondu qu’il n’avait «  rien à déclarer » ! Mais à l’Humanité, des sanglots dans la voix, il ajoute : « J’ai perdu ma sœur en venant ici et je n’y vis que malheurs… »

Immigration. Pas de répit pour les jeunes étrangers. Par Émilien Urbach
09 avril 2020

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