Le 14/04/20
Croyez-moi ou non, j'adorerais pouvoir saluer ce matin, comme mes confrères conquis de BFM ou du Monde, une cohérence enfin retrouvée, une perspective claire de sortie de crise, un cap.
J'adorerais jouer comme tout le monde au jeu du churchillomètre. J'adorerais pouvoir retrouver cette sacrée confiance.
Mais hélas, le mensonge entraîne le mensonge. Et ce virus du mensonge a contaminé l'annonce par le président de la réouverture " progressive ", à partir du 11 mai, des crèches, des écoles, des collèges et des lycées.
Pourquoi si tôt, alors que les porte-parole officieux du JDD avaient laissé entrevoir une rentrée en septembre ? Pour lutter contre la fracture numérique, assure Macron :trop d'enfants sont privés d'école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents."
Bien entendu, c'est une blague.
Le gouvernement souhaite ré-ouvrir les établissements scolaires, pour que les parents des enfants ainsi re-scolarisés puissent retourner au travail.
Le gouvernement sait que cette ré-ouverture précoce fera des contaminations, et des morts. Il sait que des enfants de quatre ans ne feront pas les "gestes-barrière". Mais l'économie réclame ses droits. Cela s'appelle, même si le terme maudit n'est pas prononcé, "l'immunité collective contrôlée", dont chacun pouvait pressentir qu'elle ferait partie de la panoplie de solutions.
Je ne conteste pas ce choix du 11 mai, je n'ai nullement la compétence qui permettrait de choisir entre des mauvaises solutions (puisqu'il n'en est que de mauvaises). Mais le seul fait qu'on refuse de l'appeler par son nom, bloque toute confiance. Et je ne crois pas être le seul. D'ailleurs, Macron refait avec la pénurie de tests le coup de la pénurie de masques : cela ne servirait à rien de tester tout de monde, glisse-t-il, comme le gouvernement nous expliquait en mars que le masque pour tous n'était pas une solution. Spirale du mensonge, spirale de la défiance.
Quel serait un discours de vérité ? Il serait tout simple. Il consisterait à dire ceci : " du fait de nos erreurs, et de celles de nos prédécesseurs, nous n'avons aujourd'hui le choix qu'entre des mauvaises solutions. Nous allons tenter de choisir la moins mauvaise, et de nous en sortir le moins mal possible. Françaises français, merci de votre attention ". Simple, non ?
D'ailleurs, avez-vous remarqué ? Le président n'a pas parlé de son " conseil scientifique ". Quand on nous confina, le " conseil scientifique " était omniprésent. Ensuite, on en créa un autre. Disparus aujourd'hui. Macron a " consulté ", assure-t-il aujourd'hui. Où est l'avis du "conseil scientifique" préconisant la date du 11 mai ? Qu'on le publie tout de suite ! comme le demande, avec raison le socialiste Olivier Faure.
Je n'ai pas à dire aux profs, ou aux parents d'élèves, ce qu'ils doivent faire. Je sais simplement que je serais prof, ou parent d'enfants d'âge scolaire, j'hésiterais beaucoup avant de reprendre, ou de faire reprendre, le chemin de l'école.
Au moins, j'exigerais que chaque élève, chaque adulte, soit testé avec un test incontestable (ce qui est peut-être possible dans un délai d'un mois, si l'on croit aux miracles). Faute de quoi, et si j'avais l'esprit moins rebelle je me lancerais dans la fabrication de masques. Pour les miens, pour les autres. C'est peut-être le plus sage conseil donné par l'invité de notre émission de la semaine, le médecin Christian Lehmann.
Puisque preuve est faite qu'on ne peut pas compter sur eux, comptons sur nous.
Daniel Schneidermann
P.S
Je n'ai retenu de la chronique, que ce qui concerne l'allocution d'hier soir. La chronique dans totalité peut être lue ici :
Je pressentais que cela devait se passer ainsi et je l'ai laissé entendre dans mes précédents articles. Macron et ceux qui le soutiennent (encore?) ne peuvent se permettre un confinement plus long. Effectivement, il coûte très cher à l'économie française et je reconnais que, jusqu'à présent Macron a mis le paquet pour sauvegarder l'emploi des salariés ; 8 millions de salariés au chômage partiel et indemnisés à 80%, ce n'est pas rien.
Mais encore une fois, au lieu de nous dire la vérité, il nous ment en voulant nous faire croire qu'il rouvre les écoles pour ne pas accentuer la fracture numérique.
Celle-là il fallait l'oser ! Mais Macron ose tout, c'est à ça qu'on le reconnaît.
Si la fracture numérique existe effectivement (la faute à qui ?) elle ne saurait excuser d'envoyer au casse-pipe des millions d'enseignants et de parents d'élèves !
Comme par hasard, une étude de la Société Française de Pédiatrie démarre ce mardi pour tenter de démontrer que les enfants ne sont pas aussi contagieux, tout en étant sains, qu'on le croit depuis le début de la pandémie. À ce que sache, elle est la première de ce genre. Vous avez dit bizarre ? A voir ici :
Je présume que les enseignants et les élèves seront impérativement dotés de masques pour cette " Rentrée scolaire de la peur " mais ce ne sont pas les enseignants, en principe, qui seront dangereux mais les élèves sans symptômes de coronavirus. Or, vous n'êtes pas sans savoir que le port du masque sur une longue durée est soumis à des règles strictes que même les adultes ont du mal à respecter : ne pas se gratter, ne pas enlever le masque, faire très attention pour le mettre et l'enlever etc. Vous pensez sérieusement que les élèves vont respecter les consignes relatives au port du masque en particulier et les gestes barrières en général ?
Comme je l'ai déjà écrit, depuis le début Macron, comme Johnson à l'époque, avait en vue l'immunisation de masse. Vu la gravité de l'épidémie et compte tenu de la pénurie en matériel sanitaire adéquat il a été contraint d'imposer le confinement partiel (l'économie n'a pas été complètement stoppée). Là encore, en raison essentiellement de la pénurie de tests, il s'avère que le confinement pour réussir devrait durer encore plusieurs mois. Mais cela coûterait trop cher et notre économie déjà à genoux, ne s'en relèverait pas.
Alors, comme d'habitude, Macron sort de son chapeau un argument foireux pour cacher les vraies raisons de ce énième changement de politique.
En étant persuadé comme d'habitude que les Français seront tellement contents de sortir du confinement qu'ils ne verront pas le piège mortifère qui les attend.
Sauf que les Français sont beaucoup moins stupides que leur président ne le croit. Dans les récents sondages ils étaient une majorité à penser que le confinement était encore très loin de devoir se terminer.
Tant il est vrai que si la plupart des Français ne sont certes pas stupides ils ne sont pas encore capables d'imaginer la duplicité de leur président. Et de ceux qui le soutiennent.
Comme le dit très bien l'auteur de cette chronique, qui tranche avec le ronronnement ambiant : " Puisque preuve est faite qu'on ne peut pas compter sur eux, comptons sur nous"