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Confinement J 25

Publié le 15 avril 2020 par Alexcessif

Confinement J 25
Les journées étaient belles et inaccessibles comme la femme d'un ami. Elles ne cessaient d'aguicher les taulards en roulant des hanches, la beauté pornographique devenait désir, appétit, l'eau venait à la bouche des fauves nourris à la salade depuis 25 nuits déjà. Bientôt les barreaux et les geôliers ne suffiraient plus Vingt-troisième jour, vingt quatrième La comptabilité à deux chiffres promettait de tenir une addition salée à trois, les synapses peinaient à choper le neurone d'à coté, aucun pont n'unissait les rives d'une pensée, seul le cœur battait sans conviction, miné par le chômage affectif. Ce jeûne d'une extrême toxicité, les autorités l'avaient pudiquement nommée"confinement". La plupart des prisonniers ne bougeaient plus, hésitant désormais à quitter leur lit pour se traîner jusqu'au frigo et au canapé. A quoi bon, ils n'avaient plus envie de rien. Les écrivains n'écrivaient plus, les amoureux s'empressaient moins, les solitaires manuels étaient au chômage technique et même les enfants s'éteignaient craignant de remplir l'espace de leurs rires qui attiraient les baffes. Ce lundi de Pâques, période autrefois bénie de l'affection des bouchers pour les agneaux, les permissions de sortie étaient contrôlées par la troupe. Le virus était bien gardé. Dans la soirée une grand messe télévisée devait se tenir Ceux qui ne voulaient rien savoir auraient du mal à trouver quelque distraction de ce côté-là. Les plus inventifs auraient le loisir d'écouter de la musique, un requiem de Mozart, une marche funèbre ... ou faire une vaisselle histoire de remonter les niveaux des éviers La prestation présidentielle aurait pour sujet les prochaines semaines d'enfermement. Avec pour les plus prévoyants des spectateurs, à portée de main, qui le valium, qui la vodka, qui de la crème au chocolat.

Le jour était aussi beau et inaccessible que le mari d'une amie, le ciel bleu, le vent doux, les oiseaux narguaient les détenus, qui de leurs fenêtres aux barreaux virtuels n'avaient que trop le loisir empoisonné de contempler la belle nature leur tendant les bras. Au loin l'avenir grimaçait des bientôt menteurs et non avenus
Il fallait de nouveau semer l'espoir ce faussaire intermittent capable de vous refiler des graines parfois stériles qui laisseraient des trous dans vos semis pour le monde d'après. Y avait du taf! D'abord bander l'arc d'Ulysse, crever l’œil de Polyphème TV, faire tomber le colosse de Rhodes et patienter Pénélope, rénover les Pyramides, lifter la Joconde, ravitailler le radeau de la méduse, mettre les convives de la Cène au régime sans pixels et le scribe accroupi au télétravail, oublier les livres de René Barjavel, de Robert Merle et de Pierre Lemaitre et clouer le bec à Sylvain Tesson et à ce Cohn de Bendit, régler son compte à Sponville et chouraver l'épée de Finkielkraut, rafraîchir la nuque d'Elkrief et écharper Barbier Christophe, rémouler le ciseau des Parques et commander des LBD 40, caresser la chiourme dans le sens de l'armure, faire le plein de gaz pour vider les yeux de l'arme jaune, armer le béton et désarmer l’enthousiasme, contrôler la solidité des grilles, prévoir des camisoles et du Lotus triple épaisseur puis rappeler les visiteuses de prison car les détenus/lampistes venaient de prendre une prolongation de peine sans supplément d'âme pour crime de bouc émissaire. L'enfermement était prolongé d'un mois. 

Minimum!  Les avions/père Noel n'avaient pas apporté assez de cadeaux/masques mais chut, le monde devenait un scénario des frères Coen sans Jeff Bridges filmé par les sœurs Wachkowsky. Ensuite, comme on donne un bonbon à un enfant, un Lexomil à Yves Calvi et un Viagra à DSK, on allait remettre en route les écoles/garderies pour que les parents repartent au boulot faire tourner la loco de l'économie.
C'était un temps où tout le monde congratulait tout le monde. Pâques aux balcons, la claque de 20 heures pour les soignants/pompiers, le blues des infirmières démasquées et sans blouses, les télé-enseignants/gardiens, les députés lobbyistes, les ourdisseurs de complot, les sénateurs repus, les ministres Hugoliens et intègres (bon appétit messieurs) même les détenus commis d'office au ramassage des poubelles étaient chaudement félicités pour leur bonne volonté à ne pas courir après le boulot/dodo-pas-métro, dans les rues de Paris, les jardins de Babylone, les voies sur berges, la gare de Lyon, un chemin de fer d'un tableau d'Hopper dans un TGV terminus Anne si où patiente Pénélope-lisant et tous lieux infestés de postillons. Car le postillon était l'ennemi number one et il y avait la plage sous les pavés.  Les virologues et les cantonniers avaient fait dix ans d'études, on pouvait les croire.

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