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Les Oiseaux ne se retournent pas, la chronique ornitho-pas-logique

Publié le 27 avril 2020 par 7bd @7BD

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Les Oiseaux ne se retournent pas, une BD entre récit et poésie

Les Oiseaux ne se retournent pas, la chronique ornitho-pas-logique


Titre : Les Oiseaux ne se retournent pas
Auteur : Nadia Malkhé (scénario et dessin)
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
Année : 2020
Page : 224

Résumé d'un voyage pas uniquement spirituel:

Amel vit dans un pays en guerre. Son cerf-volant ne trouve plus le chemin des nuages, entre les ruines et les avions militaires. La liberté n'est plus accessible... Les grand-parents de la jeune fille ont décidé qu'elle devait partir pour la France. Changement d'identité et Amel, douze ans, devient Nina, seize ans. Aidée par une autre famille qui entame le grand voyage, elle s'embarque pour un long périple. Perdra-t-elle son chemin ? Perdra-t-elle son identité ? Se perdra-t-elle ? Autant de questions en suspens dans le début de cette longue quête.

Scénario d'une odyssée onirique:

Cette histoire pourrait être un documentaire dramatique sur les galères des immigrés qui tentent de fuir leur pays pour rejoindre la France. Mais non ! En fait, ce récit est l'histoire d'une jeune fille orpheline qui tente de rejoindre Paris, un Paris espoir d'une vie meilleure. Mais son voyage n'est pas que cette marche rude vers le Nord, il s'agit aussi d'une aventure spirituelle. Amel doit cacher qui elle est pour survivre. Vraiment ? Au gré des rêves, des rencontres, elle va se rapprocher d'un autre temps, d'un autre monde, d'un autre voyage, celui des oiseaux. Référence à la Conférence des oiseaux, l'histoire de ces oiseaux qui partent chercher leur reine, le trajet de Amel va croiser de différentes manières le vol des oiseaux.
Le récit se situe donc à deux niveaux, qui se croisent et s'entremêlent pour délivrer une histoire magnifique, dure, triste mais jamais glauque, sordide. De quel pays part-elle ? Quelle guerre fuit-elle ? Ce n'est pas précisé. Et cela n'a pas d'importance, car Amel représente tous les enfants qui fuient la guerre et la violence, la folie des hommes destructrice et rapace. Et Amel devient fascinante, intrigante, attachante, unique par son universalité.
La BD mélange poésie et texte, dialogues et pensées. Utilisant les deux plans du voyage, elle se décompose et joue sur différents formats de textes. Le récit gagne en profondeur et l'on s'attarde avec plaisir sur certains vers avant d'être happé par le destin de la jeune fille. Mais elle n'est pas seule dans ce périple. Chaque rencontre va être importante et clé, sur le moment ou plus tard. Comme une forme d'Odyssée, Amel va croiser des gens qui vont l'aider, d'autres la ralentir, ou la freiner totalement. Pourtant, vaille que vaille, elle marche, elle avance, car c'est là son seul espoir, continuer à marcher, malgré la peine, la peur et les difficultés.
Le livre offre citations en début de chapitre, mais aussi poésie donc, écrite en Français et en Arabe. A la fin, toutes les références sont données à ceux que la magie des vers ont emporté et qui veulent voyager plus loin.
Mais à côté du plaisir littéraire, il y a aussi le plaisir visuel.

Le dessin poignant aux noirs denses:

Nadia Makhlé effectue un vrai travail artistique autant narratif que graphique. Les cases disparaissent au profit de limites posées par le décor qui entourent les personnages. Son trait semi-réaliste devient rapidement léger, magique. elle utilise différentes techniques, jouant sur le crayonné, le fusain, allié à des noirs très denses. On pourrait penser noir et blanc mais très vite, quelques ponctuations de couleurs, quelques traces d'espoir se parsèment au long des pages. Le rouge du cerf-volant qui ne s'envole plus, le bleu des fleurs, le mordoré des feuillages, le jaune d'un sac. Et le trait de crayon léger qui esquisse décors en noir, ou encore cordes de l'oud en blanc.
A côté de cela, il y a tout le travail de motifs, intégré dans le décor comme avec les feuillages, entourant les pages ou s'étalant sur les titres de chapitres. Tout en délicatesse, ce tracé léger, aérien, s'impose discrètement ou devient plus massif selon le message, l'ambiance. Arabesque florale ou architecturale. Plaisir des yeux.
Mais l'obscurité est importante et entoure Amel-Nadia tout au long de son aventure. Obscurité rendue par un mélange de noir très dense et de grisé sombre. Où parfois quelques lignes blanches tracent un chemin.
La composition pose un enchaînement classique qui vole tout d'un coup en éclat au détour d'une page. Les dessins s'entremêlent, les formes se mélangent, et tout reste pourtant clair. Symbolique et réalisme se croisent en fonction des drames que traverse la jeune fille.
Parfois aussi de magnifiques illustrations pleine pages nous entraînent ailleurs, là-bas, sur la trace des oiseaux.

Conclusion d'un périple magique :

Cette très belle BD aborde un problème grave, les immigrés mineurs et les horreurs qui peuvent les attendre sur la route. Mais "Les Oiseaux ne se retournent pas" demeure une BD sombre et solaire, une BD volant entre rêve et réalité, entre la musique et les mots. Une histoire émouvante et réussie présentée en plus dans un très beau recueil. A lire absolument.


Zéda et Amel sur les traces des oiseaux...

Les Oiseaux ne se retournent pas, la chronique ornitho-pas-logique


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