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28/04/2020 -MONDE. « Après le narco trafic, le médoc trafic : pourquoi le crime organisé joue la carte humanitaire en Amérique latine » Par Rosa MOUSSAOUI

Publié le 28 avril 2020 par Particommuniste34200

Des masques de protection frappés du visage moustachu d’un baron de la drogue mexicain… Le crime organisé s’adapte au nouveau contexte porté par le coronavirus et renforce leur pouvoir auprès des populations lâchées par des États défaillants. Sans cesser de s’entre-tuer pour les minces opportunités de trafic épargnées par la crise.

Saisie dans un entrepôt de Guadalajara, dans l’État du Jalisco, l’image a fait, instantanément, le tour du monde. On y voit Alejandrina Guzmàn, la fille du célèbre baron mexicain de la drogue, Joaquín « El Chapo » Guzmán, qui purge une peine de prison à perpétuité aux États-Unis, emballer des vivres dans un carton à l’effigie de son père.

Distribués aux familles en difficulté, ces chapodespensas comprennent du papier hygiénique, du gel hydroalcoolique et des masques en tissu frappés eux aussi du visage moustachu du chef du cartel de Sinaloa.

Avec la fermeture des frontières, les restrictions de circulation et le confinement, les temps sont durs pour le commerce, à commencer par celui de la drogue, le troisième à l’échelle mondiale en termes de chiffre d’affaires. Désœuvrés, les trafiquants acheminent, armés, des colis alimentaires vers les communautés durement affectées par les effets économiques de la pandémie… Sans cesser de s’entre-tuer pour les minces opportunités de trafic épargnées par la crise. Au mois de mars, le Mexique a connu un nombre d’homicides jamais atteint depuis treize ans, et les journées de sang se succèdent encore : 104 meurtres le 4 avril, 105 le 19 de ce même mois.

Relocalisation des activités et recherche de nouveaux débouchés

Avec des réseaux plus souples que ceux des vieux cartels, le crime organisé tente, en Amérique latine, de s’adapter au coronavirus. Avec des effets de mimétisme qui épousent de manière frappante les processus à l’œuvre dans l’économie légale : mobilisation des nouvelles technologies, relocalisation des activités, recherche de nouveaux débouchés, repositionnement sur d’autres marchés. Pour transporter la drogue, drones et dispositifs submersibles se multiplient. Le 31 mars, la marine colombienne interceptait ainsi dans les eaux côtières du Pacifique un « narco-sous-marin » avec, à son bord, une tonne de cocaïne. C’est le douzième engin de ce type découvert depuis janvier.

Au Mexique, les trafiquants cherchent à s’affranchir de la dépendance à la Chine, où sont produits la plupart des précurseurs chimiques indispensables à la fabrication de drogues illicites : ils cherchent à monter des filières locales, privilégiant l’industrie chimique et pharmaceutique du pays. Certains cartels ont déjà engagé une reconversion avec le trafic de médicaments, conventionnels ou contrefaits.

Des acteurs incontournables du contrôle social

Plus inquiétant : la crise sanitaire offre aux mafias l’opportunité de renforcer leur pouvoir, en comblant les défaillances des États, en se posant en protagonistes incontournables du contrôle social imposé par la pandémie.

Dans les favelas de Rio de Janeiro, les gangs font respecter le confinement que fustige le président brésilien d’extrême droite, Jair Bolsonaro. Avant d’être limogé, l’ex-ministre de la Santé, Henrique Mandetta, prônait sans détour « le dialogue » et « la coopération » avec « les trafiquants de drogue ». « Comprenez que ce sont des zones où l’État est souvent absent, où les trafiquants de drogue et les milices sont aux commandes… Comment construire ce pont au nom de la vie ? Dialoguer pour la santé, oui, avec les milices, avec les trafiquants, car ils sont aussi des êtres humains et ils doivent également collaborer, aider, participer », plaidait-il dans le journal O Globo.

Même tendance au Salvador, où les maras veillent, en accord tacite avec les autorités, à ce que chacun reste cloîtré – autant par crainte de la contamination que par refus du déploiement policier dans les territoires contrôlés par ces gangs.

Cette influence politique, gagnée ou renforcée en temps de pandémie, comptera, demain, dans les reconfigurations qui déjà se dessinent. Les gros bonnets s’en tirent, les seconds couteaux sont balayés.

28/04/2020 -MONDE. « Après le narco trafic, le médoc trafic : pourquoi le crime organisé joue la carte humanitaire en Amérique latine » Par Rosa MOUSSAOUI
28 avril 2020 (Photo : Ulises Ruiz/AFP)

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