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Le storytelling hôtelier en questions

Publié le 30 avril 2020 par Dangelsteph
Le storytelling hôtelier en questions

On m'a posé 5 questions sur le storytelling hôtelier et plus précisément le storytelling des palaces. Voici mes réponses.

Le mois d'avril est toujours une période durant laquelle des étudiants finissent leurs travaux de recherches, universitaires ou d'écoles de commerce. Chaque année, donc, à cette époque, je reçois quelques messages d'étudiants en quête de témoignages. Je ne peux pas répondre à tous (dsl, même s'il n'y en a pas des tonnes non plus, les journées sont hyper courtes). Mais quand c'est un sujet un peu rare, je fais l'effort. Là, ce n'est pas tous les jours que le sujet particulier des hôtels, des palaces, et par extension du luxe est traité. Donc voici mes réponses aux questions de cette étudiante.

1) Pouvez-vous me donner une courte définition du storytelling selon vous ?

Faire du storytelling c'est travailler avec les histoires, en marketing celles des marques et plus encore celles de leurs relations avec les clients et les fans. La traduction littérale du mot reflète imparfaitement ce qu'est le storytelling : raconter des histoires n'est qu'une partie de la réalité. Faire du storytelling en marketing, c'est aussi faire émerger des histoires de clients pour mieux comprendre l'histoire qu'ils vivent avec la marque, ou l'établissement hôtelier. Et mieux ajuster ensuite son offre. C'est aussi faire de la co-construction de marque, quand les clients peuvent effectivement apporter quelque chose à la construction de la marque, quelque chose de concret. Co-construire, c'est vivre une histoire commune.

2) En quoi le storytelling est-il un outil marketing ?

Le storytelling fait partie intégrante de ce que l'on appelle l'expérience client, qui est l'histoire vécue par le client avec la marque. On est donc au coeur du marketing. La construction d'une expérience client incorpore toujours (ou doit incorporer) l'histoire que le client a envie de vivre et qu'on a envie de lui faire vivre. C'est aussi une technique qui appartient au champ du brand content, qui nourrit les politiques de marketing opérationnel. Enfin, le storytelling est fondamentalement marketing par ses ambitions : on ne raconte pas une histoire pour raconter une histoire, pour distraire. L'objectif est clairement d'être au service d'un message qui lui-même est au service d'objectifs, marketing, quand le contexte d'utilisation est celui du marketing. C'est un outil au service du marketing parmi de nombreux autres. Cela ne me paraîtrait d'ailleurs pas abusif que de faire du storytelling l'un des P de la politique marketing (même si, à faire d'en ajouter, il y a maintenant beaucoup plus de P que dans le modèle initial !).

3) Comment, en racontant une histoire, peut-on réussir à vendre ?

De ce que j'ai dit plus haut découle ceci : c'est l'engagement de la marque à faire vivre une histoire et une expérience qui correspond à ce que les clients ont envie de vivre qui est la clé. Les clients ne veulent pas acheter un produit, une marque, même si c'est la marque la plus prestigieuse du monde hôtelier. Ils veulent vivre une expérience conforme à leurs attentes. Donc une histoire. On peut bien entendu vendre juste avec le nom d'un palace, mais si l'histoire n'est pas au rendez-vous, ce sera une relation one shot avec les clients. Ils ne reviendront pas, à part pour la part de prestige que leur séjour peut apporter à leur image sociale. Et même là, n'importe quel autre palace d'une gamme équivalente fera l'affaire pour cela.

4) Dans le milieu hôtelier, les Palaces se servent de leur histoire, de leur passé (souvent artistique), pour donner du cachet et plonger les clients dans un univers hors du temps. Peut on dire que c'est du storytelling ? Si oui, en quoi ?

Justement, le problème est là. On a tendance dans le monde des lieux de prestige à se reposer sur l'Histoire du lieu. Le passé prestigieux. Bien entendu, cela compte. C'est une partie de l'histoire. Et elle doit être utilisée. Mais ce qui compte encore plus est de raconter une histoire d'aujourd'hui, car les clients ne viennent pas visiter un musée. Il importe donc de replacer cette Histoire dans une perspective à la fois plus large et plus profonde : celle de l'ADN du lieu. L'ADN est immuable, mais, tout comme un être humain change au cours de sa vie en conservant son ADN, pour être en phase avec son temps et les impératifs de ses interactions avec son environnement, un palace doit pouvoir faire de même. Fidèle à son ADN, en donnant l'occasion d'une expérience renouvelée. Si le lieu a un passé artistique, très bien. Mais comment parvient-il à maintenir ce lien avec le passé sans être passéiste ? Comment l'esprit artistique perdure-t-il en étant adapté aux envies des clients d'aujourd'hui ? Cela est compatible avec un univers que je ne qualifierais peut-être pas d'univers hors du temps mais d'univers unique. Et cet univers unique devra effectivement être hors du temps ordinaire. Mais si cet univers est uniquement hors du temps, cela ne suffit pas, car il a un impératif : satisfaire les clients en leur offrant une expérience (histoire) unique, exceptionnelle. Et la définition même du mot exception indique bien que c'est une expérience hors du temps ordinaire. Il faut, pour moi, réinterpréter la formulation "hors du temps" pour l'affranchir d'un ancrage dans une notion de dimension purement temporelle. C'est la condition pour proposer une expérience toujours renouvelée (mais fidèle à l'ADN de la marque, du lieu).

5) Savez vous ce qu'est le storytelling dans le milieu hôtelier ? Comment est-il judicieux de l'utiliser ?

Il y a plein de manières de faire vivre une histoire dans le milieu hôtelier. Tout raconte une histoire. L'architecture, la décoration, la vaisselle du restaurant, le style et le langage du personnel, le logo de l'établissement... Encore une fois, le passé du lieu n'est qu'un des aspects. Et il ne suffira pas à faire un bon storytelling, c'est à dire efficace, générateur de satisfaction clients, s'il n'est pas complémentaire des autres éléments du storytelling. Il faut parvenir à un équilibre des différents éléments du storytelling, aussi nombreux soient-ils, pour qu'ils convergent tous dans le même sens. Il faut qu'ils racontent la même histoire et fassent vivre la même histoire. Une histoire d'aujourd'hui, donc. Ce n'est pas facile, car il faut être capable, quand on dirige le marketing d'une telle marque, de faire le pont entre le passé, le présent et le futur. Et en même temps, il faut arriver à préserver la part de rêve inhérente à une marque de luxe, même auprès de clients blasés par leur consommation de lieux de ce type. Car c'est bien ce dont il s'agit. Et toutes les marques de luxe sont soumises à des exigences similaires, même si toutes n'ont pas à gérer le poids d'un passé aussi fort et surtout visible physiquement d'un palace. Finalement, le passé d'un palace peut très vite être davantage un obstacle qu'un atout dans la construction d'un storytelling actuel.

Un livre sur le storytelling du luxe

Dans la foulée, je ne résiste pas à l'envie de partager cette super expérience d'écriture complètement liée au sujet de cet article. C'est le livre Storytelling du luxe, que j'ai écrit avec l'ami Jean-Marc Blancherie. Il date d'il y a quelques années, mais s'il a vieilli ce n'est qu'à la marge. Disons même uniquement dans les marges ! Le storytelling des palaces, c'est aussi du storytelling du luxe, bien entendu.

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