Magazine Humour

Fini de Rire. 1/05/2020

Publié le 01 mai 2020 par Toiletteintime @toiletteintime

Il y a quelque chose de touchant à voir un humoriste pleurer. D’autant plus quand il s’agit du plus grand comique du moment, Ricky Gervais. Humoriste sans tabou, capable de regarder dans les yeux le tout Hollywood et de remettre à leurs places, stars et producteurs, patrons de chaines ou d’industrie intouchables. Dans sa série After Life, Gervais est Tony, un homme brisé par la mort de sa femme, qui n’a plus grand-chose à attendre de la vie ou à espérer de l’espèce humaine. Ses larmes à la fin de la saison 2 ont cela de sincère qu’elles font écho à une période compliquée où chacun vient de prendre conscience de sa mortalité, de la fragilité de l’existence et de l’importance de profiter un peu plus de son bien-être et de celui des gens qu’on aime. Loin du cynisme ambiant, Ricky Gervais tombe les armes et bouleverse comme jamais.

Se sentir à sa place. Chercher un sens à sa vie alors que le monde moderne qui nous a façonné pour mieux nous digérer n’en a aucun. Les artistes ont peut-être cela de plus que le commun des mortels : une extra sensibilité à ressentir les choses, prendre le pouls d’une société à bout de souffle pour mieux en recracher les travers et les failles dans un texte, un tableau, un dessin, quelques notes de musique, une sculpture, un film ou une vanne. Faire en sorte, au travers de leur art, de prévenir, de réconforter, de rassurer, de faire voyager ou de divertir pour que le quotidien s’embellisse parfois, pour que tout ne soit pas qu’un immense tunnel de grisaille jusqu’à l’échéance fatale. Il n’y a pas de vie sans culture. Dans tous les sens du terme. Mais de la terre qui nourrit les corps à l’art qui nourrit les âmes, il n’y a pas de distinction à faire. Les deux sont vitaux à l’équilibre et à la survie de l’espèce humaine. Même si la connerie et la malbouffe semblent dominer la partie…

Dans les discours officiels pré-déconfinement, la culture n’existe pas au-delà des médiathèques et des bibliothèques…Pour un domaine qui pèse 2,2% de l’économie française. Comme elle se pratique bien souvent en groupe, les salles de spectacle, les théâtres, les musées et les cinémas seront sûrement les derniers à rouvrir, laissant sur le carreau des milliers de professionnels et d’amateurs. Situation inédite. Et extrêmement effrayante. Mais c’est comme ça ! L’amusement ça va bien deux minutes. On préfère que les gens puissent aller rapidement bosser, puis à la plage pour éviter une émeute estivale ! A défaut du virus, ils choperont au moins des mycoses ou un cancer de la peau.

Ainsi certains lieux ne seront plus là à la rentrée, certains intermittents devront trouver une autre occupation, certains festivals ne reviendront pas en 2021 et l’on continuera à regarder des films à la télé en commandant chez Uber Eats. Certes, les plus costauds n’ont rien à craindre, le grand public sera toujours prêt à débourser 70 balles pour Gad Elmaleh au Zénith, ou à encourager ceux qui se prennent pour des comiques à gesticuler et à brasser du vent alors qu’ils ne sont que youtubeurs. Pendant ce temps-là, des dizaines d’humoristes, dont l’avenir ne se compte pas en likes, dont l’art n’a de sens et de profondeur que sur scène, n’y remettront peut-être probablement jamais les pieds : les plus faibles, les moins médiatisés, les plus fatigués ou les plus lucides. Mais pas forcément les moins talentueux.

La crise vise toujours au même endroit. En bas de l’échelle. Contrairement à ce virus qui va faire bien plus de dégâts collatéraux que n’importe quelle tempête ou défilé des gilets jaunes. Qui doivent être bien tristes aujourd’hui de ne pas pouvoir mettre à profit ce premier mai (pensée pour les enfants scouts et roumains qui iront vendre leur clochette ailleurs) pour hurler une énième fois combien les inégalités détruisent une société. Le message, inaudible depuis un an, sera donc passé grâce à une maladie aussi violente qu’inattendue, sans qu’aucun CRS n’ait à sortir sa matraque…Comme quoi, il faut parfois choisir les bons médiateurs et viser au bon endroit.

Aux USA, quand la CIA en arrive à déclassifier des photos d’OVNI pour détourner l’attention du peuple des conneries de son président, c’est qu’il y a vraiment urgence. De toute manière, on ne pourra bientôt plus observer le ciel et les galaxies lointaines, déchiffrer la formation du monde, son évolution et son éventuelle destruction, Elon Musk ayant décidé de truffer le ciel de 12 000 satellites de communication. Accaparer ainsi l’espace alors qu’on n’a même pas fini de défoncer la planète ! Tout ça pour que des connasses pré-pubères puissent faire des chorégraphies sur Tik Tok en 5G dans tous les recoins du monde. En temps normal, on en ferait un sketch, mais ce genre de comportements et d’exactions irresponsables, sous couvert de modernité et d’accès à l’Internet pour tous, pousse le monde vers son futur mais plus vraisemblablement vers sa fin. Et nous donne plus envie de pleurer qu’autre chose. En espérant que ces larmes-là débouchent rapidement sur de nouveaux sourires.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Toiletteintime 2127 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines