Historiquement, le 1er mai est né des revendications pour une journée de travail limitée à huit heures. La date s’est trouvée inscrite par le sang dans nos calendriers : celui des grévistes tués à Haymarket Square, à Chicago, et celle des syndicalistes qui seront condamnés puis pendus ou condamnés à perpétuité, pour l’exemple. Le 1er mai évoque à nos consciences les droits économiques et sociaux autant que les libertés individuelles et collectives. Avec l’épidémie de coronavirus et le confinement, ces droits et libertés fondamentaux prennent un sens nouveau. Il est temps de les réinventer pour l’avenir.
Il faudra réinventer le droit du travail, et reconsidérer plus largement la balance entre les droits économiques et les droits sociaux. L’épidémie a mis en évidence que le moteur de la France se trouvait au sein d’un ensemble de métiers et d’emplois largement déconsidérés par la classe dirigeante. Elle a permis rappeler que la santé n’était pas un bien marchand et que le prix de certains services n’était pas chiffrable monétairement.
Le 1er mai de l’an 0 doit nous faire rendre compte que la liberté d’entreprendre, la libre concurrence, le droit de propriété doivent céder le pas devant la santé publique et, plus globalement, le droit à des conditions de vie décentes. C’est dans le rééquilibrage de cette balance que le 1er mai de l’an 1 après le confinement pourra être véritablement fraternel.
Il faudra réinventer le droit à la vie privée, et prendre la mesure des atteintes portées à la liberté individuelle. L’épidémie a conduit à l’établissement de mesures restrictives de libertés, souvent dans la plus grande illégalité, et a attisé les velléités dans la mise en place d’une société sous surveillance généralisée. Elle est le catalyseur d’un renforcement de la sécurité au détriment des valeurs qui constituent une société « libérale » au sens politique du terme. Le 1er mai de l’an 0 doit nous amener à considérer le caractère incommensurable de ces libertés individuelles : droit au respect de la vie privée, liberté de circulation, liberté d’expression.
C’est dans la réappropriation de ces libertés individuelles que le 1er mai de l’an 1 après le confinement pourra devenir la célébration de « la » liberté dans son acception la plus large.
Il faudra réinventer nos institutions politiques et le rapport des individus -pas seulement des « citoyens » ou des « nationaux »- à ces dernières. Dans un système où les gouvernants ne répondent plus véritablement de rien, où la justice peut être suspendue, l’égalité devant la loi devient lettre morte. L’épidémie a conduit à l’exacerbation des dérives de nos systèmes représentatifs.
Le 1er mai de l’an 0 doit être une prise de conscience de l’état de santé -critique- de nos gouvernements. C’est dans le réenchantement de l’État de droit et de la démocratie que l’an 1 après le confinement pourra porter des aspirations réellement égalitaires.
02 mai 2020