Des députés LaREM confirment leur volonté de créer un neuvième groupe parlementaire, ce qui ferait perdre la majorité absolue au groupe du parti présidentiel.
Le groupe LaREM pourrait perdre la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Des députés du groupe majoritaire ont indiqué à l’Humanité vouloir effectuer une scission et créer un neuvième groupe parlementaire, confirmant les révélations des Échos. Le groupe du parti présidentiel, fort de 314 élus en 2017, a déjà enregistré 18 départs depuis, et pourrait tomber sous la barre symbolique des 289 membres, synonyme de majorité absolue lui permettant de voter seul les lois, s’il venait à enregistrer au moins 8 départs.
« On est déjà une vingtaine prêts à franchir le pas. C’était prévu pour après les municipales mais le coronavirus est passé par là. Quelques-uns doutent depuis, mais d’autres sont encore plus déterminés à prendre leur liberté quand ils voient comment le Parlement est traité. Ce que je peux vous garantir, c’est que ce groupe verra le jour, probablement vers la mi-mai, ou la fin mai », explique un député LaREM sur le départ.
Des députés dits de l’« aile gauche » de LaREM, comme Aurélien Taché et Guillaume Chiche seraient concernés, tout comme de nombreux proches de Jean-François Cesarini, décédé d’un cancer le 29 mars dernier après avoir tenté de créer ce neuvième groupe dès le début de l’année. Le dissident Cédric Villani, qui s’est maintenu contre la candidate investie par LaREM aux municipales à Paris, et ses proches comme Paula Forteza, qui a déjà quitté le groupe majoritaire à l’Assemblée, ferait également partie du projet.
« Écologie, démocratie, solidarité »
Ce groupe aurait pour nom « Écologie, démocratie, solidarité » et bénéficierait de deux coprésidents, une femme et un homme, dont Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot qui a déjà quitté le groupe présidentiel. Plusieurs députés ayant claqué la porte du parti LaREM mais pas encore de son groupe parlementaire pourraient aussi permettre la création de ce neuvième groupe, tout comme les élus Claire Pitollat, Fiona Lazaar ou encore l’ex socialiste et ancienne ministre de l’Écologie Delphine Batho. Enfin, Émilie Cariou, qui a abandonné son rôle de « whip » au sein de la commission des Finances, serait elle aussi sur le départ.
« Écologie, démocratie, solidarité », selon son manifeste consulté par Les Échos, se donnerait pour but de « répondre à l’urgence écologique », de « moderniser la démocratie », et de « réduire les inégalités sociales et territoriales ». Ses membres s’engagent à ne figurer « ni dans la majorité, ni dans l’opposition » et à être « pleinement opérationnels dès le 1er juin » prochain. Ils entendent participer activement à l’émergence du « monde d’après » et plusieurs des députés qui s’apprêteraient à prendre leur liberté font partie des élus actifs sur la plateforme « lejourdapres.parlement-ouvert.fr ».
« Ni frondeurs ni godillots »
« L’idée, c’est de n’être ni frondeurs ni godillots, et d’être enfin entendus par le gouvernement, qui devra composer avec nous. Même s’il nous ignore, on restera force de proposition. On aidera la majorité quand elle va dans le bon sens, et on lui signifiera quand ce n’est pas le cas », explique un élu qui se dit prêt à intégrer ce nouveau groupe.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une signature officielle portant création d’un groupe parlementaire, treize élus LaREM ou ex-LaREM ont paraphé le vendredi 8 mai un communiqué de presse dans lequel ils déplorent que les conditions de fonctionnement de l’Assemblée nationale en pleine crise du coronavirus ne « permettent pas aux parlementaires, élus de la nation, de s’organiser pour que chaque député puisse faire entendre sa voix et voter ». Ils demandent ainsi, en « urgence », que soient « revues les règles de vote afin que notre système parlementaire et notre démocratie soient respectés ».
Ces treize signataires (il faut être 15 pour créer un groupe parlementaire), sont régulièrement critiques à l’égard du gouvernement et font partie de ceux pressentis pour créer le neuvième groupe. On y retrouve Émilie Cariou, Annie Chapelier, Yolaine de Courson, Paula Forteza, Albane Gaillot, Hubert Julien-Lafferrière, Aina Kuric, Matthieu Orphelin, Nathalie Sarles, Jennifer de Temmerman, Aurélien Taché, Sabine Thillaye (présidente de la commission des Affaires européennes exclue de LaREM en janvier), et enfin Martine Wonner, qui vient tout juste d’être virée du groupe LaREM après avoir voté contre le plan de déconfinement et expliqué qu’elle n’avait plus confiance envers le gouvernement.
Une longue érosion
La création de ce neuvième groupe viendrait couronner la longue érosion du groupe LaREM depuis 2017, qui n’a cessé de voir des députés claquer la porte, la plupart du temps en dénonçant les pratiques antidémocratiques du groupe et un président de la République qui ne marche que sur son pied droit.
Ce neuvième groupe amènerait à un nouveau record dans le cadre de la Ve République, puisque la création du huitième, baptisé Libertés et territoires, avait déjà constitué un précédent historique sous ce mandat, avec déjà en son sein d’anciens marcheurs.
Si le groupe LaREM venait à perdre la majorité absolue, la Macronie au sens large conserverait néanmoins largement de quoi continuer à faire passer ses lois à l’Assemblée nationale, notamment grâce au groupe Modem, fort de 46 membres, et au groupe UDI, Agir et Indépendants, qui dispose de 27 députés. Ces deux groupes pourraient bien être les grands gagnants de la création d’une neuvième formation parlementaire affaiblissant le groupe LaREM, puisqu’ils seront mis en position de force pour obtenir des arbitrages en échange de leur soutien aux projets du gouvernement.
10/05/2020