Chroniques d’un anthropologue au Japon (5)

Poudre chocolat

Je sais que M. voudrait avoir un chien. Elle en a déjà eu par le passé, lorsqu’elle n’avait pas encore d’enfant. Mais il était trop gros et c’était un enfer de l’éduquer. Elle cherche quelque chose de plus petit.

– Alors, vous l’avez eu, votre chien ?

– Non, pas encore, mais vous savez, c’est très cher.

– Ah bon ? Vous ne connaissez personne qui donne des chiots ?

– Non. Si vous connaissez, dites-moi ! On a vu un Breeder. Comment on dit ? M. est une femme plutôt bien faite, dynamique et moderne. Elle a travaillé aux États-Unis. Elle refuse que je parle japonais pour expliquer des points grammaticaux. En français, s’il vous plaît. La phrase revient parfois lorsque j’oublie ; sèche, le regard déterminé. L’anglais par contre, c’est OK.

– Un… éleveur de chien ?

– Oui, il rentre juste des États-Unis.

– D’accord. 

Je sens que notre idée du « chien » s’écarte peu à peu.

– Mon fils voudrait un Poodle. 

Le mot anglais est prononcé « Poudre », pour ressembler au français Stratégie communicative que je préconise, parce que c’est drôle en plus de fonctionner parfois. Je corrige tout de même, Un caniche.

– Vous ne pouvez pas l’acheter dans un pet-shop ? 

– Non. C’est dangereux. Il n’y a pas de garantie. Le Breeder donne un certificat d’ADN. J’ai vu le chien hier. Regardez, il est trop mignon (Photo sur son smartphone). C’est un Poudre chocolat (le mot Caniche n’est pas encore assimilé). Son père a gagné un prix.

– Pourquoi vous dites que c’est dangereux ?

– Parce qu’on ne sait pas d’où ils viennent. Ils meurent parfois très jeunes. Alors que vous le payez cher.

M. fait les gros yeux, petit sourire de connivence. J’acquiesce,  même si je ne comprends pas vraiment de quoi parle M. Je suppose que le jouet risque de casser plus vite si on l’achète au supermarché plutôt que chez un artisan.

Rémi Brun