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Saints de glace — Mais qui était saint Servais, que l'on fête le 13 mai ?

Publié le 13 mai 2020 par Luc-Henri Roger @munichandco
Ce sont à nouveau les petits Bollandistes, brillants hagiographes, qui nous offrent aujourd'hui le texte de la vie et de la légende de Saint Servais, encore très vénéré en Belgique et en Hollande, à Tongres, Liège ou à Maastricht. (Tome 5 des Vies de saints..., 1888)

Saints de glace — Mais qui était saint Servais, que l'on fête le 13 mai ?


Saint Silvestre et Saint Servais,
in Images de la vie du Christ et des saints (vers
1250-1300),
  
manuscrit exécuté au XIIIe s.
  pour une religieuse qui y est désignée à plusieurs reprises sous le nom de « Madame Marie »


SAINT SERVAIS, ÉVÊQUE DE TONGRES 
384. — Pape : Saint Damase. — Empereur d'Occident : Valentinien II. 
                                   Ma profession est de croire, aimer et servir Dieu.                  (Réponse de saint Servais aux Huns.)
   On ignore l'origine de saint Servais. Haribert, abbé de Lobbes, qui a fait l'abrégé de sa vie, dit seulement qu'il était de grande naissance, qu'il fut élevé avec beaucoup de soin, et que sa conduite se sentit toujours de la noblesse et de la générosité de son sang. D'autres auteurs, rapportés par Chapeauville, disent qu'il naquit, sur les frontières de Perse, d'une famille juive apparentée à sainte Anne, mère de la sainte Vierge ; qu'il fut amené à Tongres par un Ange ; que, ne parlant qu'une langue, il était entendu de toutes sortes de nations; que son abstinence était si admirable, que souvent il ne vivait que de la sainte Eucharistie ; qu'il posséda aussi la grâce des guérisons ; les malades qui pouvaient ou le toucher, ou avoir des restes de sa table, ou même boire de l'eau dont il s'était lavé les mains, étaient assurés de leur guérison.     Son zèle pour la foi catholique parut principalement en trois conciles. Le premier fut celui de Cologne, célébré l'an 346, où il fit condamner et déposer l'évêque de la même ville, coupable de l'hérésie des Ariens : il est vraisemblable que cet évêque, condamné pour hérésie, fut, non pas Eu- phratas, comme l'ont cru quelques auteurs , mais son prédécesseur. Les termes dont usa saint Servais, en opinant dans le concile, sont si importants, qu'ils méritent bien d'être rapportés : « Je sais certainement », dit-il, « ce que ce faux évêque a enseigné ; je n'en parle pas par ouï-dire, mais pour l'avoir moi-même entendu. Comme nos églises étaient voisines, je me suis souvent opposé à sa fausse doctrine lorsqu'il niait la divinité de Jésus-Christ. Je l'ai fait non seulement en particulier, mais aussi en public, en présence d'Athanase, évêque d'Alexandrie, et de plusieurs prêtres et diacres ; mon avis est qu'il ne peut être évêque des chrétiens, et que ceux qui auront des communications avec lui ne pourront porter le nom de chrétiens ». Dans ces paroles, il parle de saint Athanase comme d'un témoin fidèle des blasphèmes de cet évêque, parce que ce saint Patriarche, ayant été exilé à Trêves, depuis 336 jusqu'à 338, avait pu aisément l'entendre à Cologne ou en quelque autre lieu voisin.     Le second concile, où saint Servais fit éclater sa foi et son zèle pour la vérité orthodoxe, fut celui de Sardique : on y confirma la consubstantialité du Verbe éternel avec son Père, que le concile de Nicée avait définie, et saint Athanase, le plus généreux défenseur de cette consubstantialité, y fut absous de toutes les calomnies que les Ariens avaient forgées contre lui. Ce concile fut tenu l'an 347. Enfin, le troisième concile fut celui de Rimini, célébré l'an 359, où notre Servais, assisté de saint Phœbade, évêque d'Agen, résista, avec un courage intrépide et une force merveilleuse, à la puissance et à la malice des ennemis de la foi, sans craindre ni l'exil, ni la faim et la soif, ni la prison, ni même la mort dont il était menacé. Il est vrai qu'après une longue résistance, il fut enfin trompé par les Ariens, qui lui firent signer une formule qui, paraissant tout à fait orthodoxe, avait néanmoins un sens hérétique dont ils se prévalurent ensuite ; mais cette surprise ne fit que l'animer davantage contre eux ; et, lorsqu'il fut revenu en France, il travailla avec un zèle infatigable à en bannir leur hérésie et à y faire régner la foi orthodoxe, que Saturnin, évêque d'Arles, et Paterne, évêque de Périgueux, avaient entrepris de ruiner.     Dans l'intervalle qui sépara ces deux conciles, le tyran Magnence, qui avait eu part au meurtre de l'empereur Constant, et s'était fait proclamer empereur en sa place, connaissant le mérite incomparable de saint Servais, et combien il avait de force et d'éloquence pour persuader ce qu'il voulait, l'envoya, avec un autre évêque, nommé Maxime, vers l'empereur Constance, frère du défunt, pour ménager un accommodement avec lui et lui faire agréer qu'il conservât la pourpre et qu'il fût associé à l'empire ; mais l'événement nous fait voir qu'ils n'obtinrent pas ce que Magnence souhaitait ; ils n'avaient d'ailleurs entrepris ce voyage que par force, et pour empêcher que ce tyran ne tourmentât les églises s'ils lui refusaient ce bon office.     Pendant que saint Servais, après le concile de Rimini, travaillait à maintenir la foi catholique dans son diocèse et à en bannir le vice, qui attire l'hérésie, Dieu lui fit connaître que les Huns, peuple barbare et cruel, entreraient bientôt dans les Gaules et que, parmi beaucoup d'autres villes, ils saccageraient et détruiraient celle de Tongres. Celte révélation le remplit d'une extrême douleur ; néanmoins, la prenant d'abord plutôt comme une menace qu'on pouvait détourner par les prières et par les larmes, que comme une prédiction absolue et inévitable, il monta en chaire, exhorta son peuple à la pénitence, afin d'arracher les verges de la main du Tout-Puissant. Il s'offrit aussi lui-même en sacrifice pour ses enfants, et, par des austérités et des gémissements continuels, il tâcha de rendre Dieu propice à un peuple pour qui il avait la tendresse d'une mère. Mais, voyant que le ciel était inflexible et que tous ses soupirs ne l'attendrissaient point, il résolut de faire un voyage à Rome pour intéresser plus efficacement les apôtres saint Pierre et saint Paul à la protection de sa ville. Il y alla donc, et passa plusieurs jours en jeûne et en oraison auprès de leurs tombeaux. Il pria aussi pour la ville de Metz, parce que saint Auteur, qui en était évêque, et qui ne put pas l'accompagner dans ce voyage, l'avait conjuré, dans son passage par sa ville épiscopale, d'intercéder pour elle aussi bien que pour celle de Tongres. Saint Pierre apparut à Servais et lui dit « que l'arrêt irrévocable était donné contre le pays des Gaules ; les Huns y descendraient et y saccageraient les villes et les provinces ; celle de Tongres serait enveloppée pour ses crimes dans cette inondation ; mais saint Etienne avait si puissamment intercédé pour celle de Metz, dont Auteur était évêque, qu'on lui avait encore pardonné pour cette fois ; pour lui, il ne verrait point les maux dont son pays était menacé : il devait s'en retourner promptement, préparer les choses nécessaires à sa sépulture, se retirer à Maastricht et y attendre la volonté de Dieu ». On dit que le prince des Apôtres lui donna aussi pour gage de son affection, et pour assurance de ce qu'il lui disait, une clef d'argent, faite de la main des Anges, qui a depuis opéré beaucoup de miracles. Mais il y a des auteurs qui croient que la clef que l'on appelle de saint Servais, lui fut donnée par le Pape, et que c'est une de ces clefs où l'on mettait un peu de limaille des chaînes de saint Pierre, et que les Papes donnaient par dévotion aux pèlerins illustres qui venaient à Rome. C'est une conjecture qui a quelque vraisemblance ; mais, n'étant appuyée de nulle preuve, elle ne peut être aussi forte que la tradition des églises de Maastricht et de Liège, qui porte que cette clef est un présent de saint Pierre. En revenant de Rome, il tomba entre les mains des Huns qui ravageaient déjà l'Italie. Ils le jetèrent d'abord dans une basse fosse, pendant qu'ils délibérèrent entre eux sur ce qu'ils en feraient ; mais Dieu, qui n'abandonne jamais ses serviteurs et qui descend avec eux dans les cachots les plus obscurs, fit paraître au milieu de la nuit, dans cette prison, une si grande lumière, que ces barbares, étant épouvantés, se crurent trop heureux de délivrer leur prisonnier et de le mettre en liberté. Il en convertit même quelques-uns, parce qu'une splendeur merveilleuse qui parut sur son visage, et un aigle qui le couvrit d'une de ses ailes durant son sommeil et le rafraîchit du mouvement de l'autre, leur fit connaître que le Dieu qu'il adorait était le Maître et le souverain Seigneur de toutes choses.     Lorsqu'il fut en liberté, il se remit en chemin et traversa l'Italie et les montagnes de la Savoie. Dans les Vosges il fit sourdre miraculeusement une fontaine, dont il étancha sa soif, et qui servit depuis à la guérison de plusieurs malades. Saint Auteur, évêque de Metz, l'étant venu joindre à Worms, il se transporta dans sa ville pour y annoncer au clergé et au peuple ce qu'il avait appris à Rome par l'apparition de saint Pierre. Il leur déclara donc que leur punition était différée ; mais qu'ils devaient mériter cette grâce et éloigner de plus en plus de leurs murs l'indignation de Dieu et la rigueur de ses châtiments par la pénitence et par le changement de leurs mœurs.     Quand il arriva à Tongres, ses diocésains l'y reçurent avec une joie incroyable. Mais cette joie se changea bientôt en un torrent de larmes lorsqu'il leur fit connaître l'arrêt irrévocable que Dieu avait porté contre eux. Leur douleur augmenta beaucoup lorsqu'il leur dit qu'il était obligé de les quitter et de passer en une autre ville pour y trouver la paix du tombeau. Ils l'environnèrent, comme autrefois les fidèles d'Ephèse et de Milet avaient environné saint Paul, pour le conjurer de ne les point laisser orphelins. Mais quoique son cœur fût attendri par les pleurs de ses enfants, il ne put pas se dispenser d'obéir à l'ordre de Dieu. Il sortit donc de Tongres, emportant avec lui ce qui était nécessaire pour sa sépulture. On dit qu'il emporta aussi les ossements sacrés de ses prédécesseurs et de quelques autres saints personnages, honorés d'un culte public dans son diocèse, afin qu'ils ne fussent pas exposés à la profanation des barbares, et que les diocésains qui se réfugieraient à Maastricht, après la ruine de Tongres, y trouvassent par leur moyen une longue et continuelle protection. Ces Saints, qui l'avaient précédé, sont : saint Valentin, saint Navite, saint Marcel, saint Métropole, saint Séverin, saint Florence et saint Martin. Avant de partir, il avait guéri une partie des malades de la ville ; les autres furent réservés pour recevoir la santé après sa mort par l'attouchement de son corps.     Il ne fut pas longtemps à Maastricht sans voir l'effet de la prédiction de saint Pierre. A peine eut-il placé décemment les saintes reliques qu'il avait apportées de Tongres, marqué le lieu de sa sépulture et fait ses dernières dispositions, qu'étant à l'autel, où il célébrait les divins Mystères, il fut averti par un Ange du jour et de l'heure de son décès. Une fièvre le saisit aussitôt, et, au bout de trois jours, après avoir reçu les derniers Sacrements, exhorté son peuple à la crainte de Dieu et prié instamment pour son salut, il mourut paisiblement, au milieu d'une grande splendeur qui l'environna. Ce fut sur les trois heures de l'après-midi, qui est l'heure de None, le 13 mai de l'année 384.     Son décès fut accompagné de plusieurs miracles : un Ange descendit du ciel et apporta un voile de soie dont il le couvrit. On entendit dans l'air une musique céleste, célébrant les victoires qu'il avait remportées sur les puissances de l'enfer. Tous les malades de Maastricht et ceux de Tongres, qui assistèrent à son convoi, furent guéris. Enfin, il fit de si grands miracles, que sa mémoire fut rendue célèbre dans toutes les Gaules. Il fut enterré près du pont de la Digue publique, et l'on remarqua que la neige ne couvrit jamais sa pierre tumulaire, quoiqu'elle tombât en abondance partout alentour. Le martyrologe romain n'oublie pas ce prodige, rapporté par saint Grégoire de Tours.     La même année, les Huns firent irruption dans les Gaules et saccagèrent la ville de Tongres, qui ne put jamais se relever entièrement de ce désastre. Notre Saint n'eut de successeur que cent ans après, lorsque saint Remi, après le baptême de Clovis, rétablit les églises de Flandre et les pourvut de pasteurs. Celui qu'il donna à Maastricht et à Tongres fut saint Agricole, qui, par un respect singulier pour saint Servais, fit bâtir une église sur son sépulcre. En 581, saint Monulphe en fit bâtir une autre bien plus magnifique, en son honneur, dans laquelle il transporta son corps, comme le dit saint Grégoire de Tours, dans le livre de la Gloire des confesseurs. Saint Hubert, après la célèbre victoire de Charles-Martel sur les Sarrasins (732), fit une nouvelle translation de ses précieuses dépouilles. On trouva son corps entier ; le visage étant découvert, parut si resplendissant, qu'il remplit de lumière tout le caveau. On trouva aussi la clef qu'il avait apportée de Rome, avec le voile que les anges avaient mis sur lui après son décès. On le transféra dans une châsse d'argent doré, et on le plaça au-dessus du grand autel. Depuis, l'empereur Othon l'avait fait transférer à Quedlimbourg, dans une église dédiée sous son nom ; mais il fut bientôt rapporté dans la ville de Maastricht, où il a fait de très-grandes merveilles.     L'aigle qui employa ses ailes en guise d'éventail pour rafraîchir le Saint pendant son sommeil ; l'ange qui le conduit d'Arménie ou de Perse dans la Gaule Belgique ; la clef que lui remit saint Pierre, ou que lui aurait simplement donnée le Pape ; un dragon qui expire près de lui, symbole de ses luttes contre l'arianisme ; une fontaine qu'il fait jaillir sous son bâton pastoral ; la mitre qu'il reçoit de la main d'un ange ; la neige qui respecte son tombeau, tandis qu'elle en recouvre les alentours, sont autant d'attributs qui ont servi à caractériser saint Servais dans l'art populaire.     Saint Servais est l'un des trois Saints de neige : les deux autres sont saint Mamert, 11 mai, et saint Pancrace, 12 mai. L'expérience a constaté que quelle que soit la température antérieure, elle s'abaisse en l'un de ces trois jours : on n'a pas encore expliqué scientifiquement ce phénomène ; mais les jardiniers au courant de leur métier se gardent bien de sortir les plantes de serre chaude, par exemple, avant la fête de saint Servais. En plusieurs endroits, on invoque saint Servais contre le mal de jambes (même des animaux), pour le bon succès des entreprises ; contre les rats et les souris. 
  Tous les martyrologes latins font une honorable mémoire de saint Servais. Sa Vie a été écrite, comme nous l'avons dit, par Haribert, abbé de Lobbes. Gilles, moine d'Orval, y a fait quelques additions. Jean Chapeauville, chanoine de Liège, les a insérées dans son premier tome des Gestes des évêques de Tongres, de Maastricht et de Liège. Le Père Gilles Buchère. jésuite, a fait une dissertation sur l'histoire des mêmes évêques, où, dans le chapitre 4, il examine la chronologie de saint Servais, et les autres difficultés qui se trouvent dans ses Actes. Elle est a la fin du même tome de Chapeauville.

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