Magazine Science
Bernard Werber aime parsemer ses romans d'énigmes logico-mathématiques.
En voici une tirée de son livre "Le Jour des fourmis"
(sur amazon ...); il s'agit d'un concours télévisé ...
« Le visage troublé de Mme Ramirez apparut sur l'écran. Depuis qu'elle pataugeait sur cette nouvelle énigme, cette suite chiffrée, le taux d'audience de l'émission avait doublé. Plaisir sadique de voir quelqu'un jusque-là infaillible soudain chanceler ? Ou bien était-ce parce que le public, s'identifiant plus facilement à eux, préfère souvent les perdants aux gagnants ?
Avec sa bonne humeur habituelle, l'animateur interrogeait :
- Alors, Madame Ramirez, cette solution, vous l'avez trouvée ?
- Non. Toujours pas.
- Concentrez-vous, voyons, Madame Ramirez ! A quoi vous fait penser notre suite de chiffres ?
La caméra se braqua d'abord sur le tableau puis sur Mme Ramirez qui expliquait, songeuse :
- Plus j'observe cette suite, plus je suis troublée. C'est fort, très fort. Il m'avait semblé quand même repérer quelques rythmes... Le « un », toujours placé à la fin... Des paquets de « deux » au milieu...
Elle s'approcha du tableau où étaient inscrits les chiffres et commenta, à la manière d'une maîtresse d'école :
- On pourrait croire à une progression exponentielle. Ce n'en est pas vraiment une. J'ai cru à un ordre entre les « un » et les « deux » et voilà ce chiffre « trois » qui surgit et se répand lui aussi... J'ai pensé alors que, peut-être, il n'y avait pas d'ordre du tout. Nous avons affaire à un monde de chaos, avec des chiffres disposés de manière aléatoire. Pourtant, mon instinct de femme me souffle qu'il n'en est rien, qu'ils n'ont pas été placés au hasard.
- Et donc, à quoi ce tableau vous fait-il penser, Madame Ramirez ?
(...)
- Alors, Madame Ramirez, réponse ou joker ?
- Joker. J'ai besoin d'un supplément d'information.
- Tableau ! réclama l'animateur.
Il nota l'empilement connu :
1
11
21
1211
111221
312211
13112221
Puis, toujours sans regarder son papier, il ajouta :
1113213211
- Je rappelle les phrases-clés. La première était : "Plus on est intelligent, moins on a de chance de trouver." La deuxième était : "Il faut désapprendre ce que l'on sait." J'en livre une troisième à votre sagacité : "Comme l'univers, cette énigme prend sa source dans la simplicité absolue."
Applaudissements. »