Quatre ans
Plus que quatre ans
Trois-cent soixante-cinq jours gris multipliés par quatre unités fades, additionnées d’un jour de lente agonie supplémentaire durant l’inexorable allée bissextile.
Plus que quatre ans.
Quatre ans à faire quoi ?
Quatre ans à regarder la vie qui se dégonfle trop lentement. L’air qui s’écoule de cette rustine sent le renfermé. Le moisi. La tranche de jambon abandonnée qui achève de se décomposer.
Pourri-amer. C’est l’air que tu respires chaque jour que tu traverses en attendant la nuit et ces heures de sommeil qui te feront glisser plus vite vers un autre jour, une autre nuit, ainsi de suite pendant quatre ans. Quelquefois tu as peur, tu penses à l’accident, la maladie, à toutes ces choses qui peuvent arriver aux vivants. Alors, tu te recroquevilles, tu te fais tout petit, tu voudrais rester dans ton lit. À l’abri du froid, du vent, des voitures qui passent en hurlant. Te mettre sous cloche en attendant le jour où tu pourras enfin remettre ton badge à ton patron et rentrer chez toi.
Mais pour faire quoi ?
Du macramé ? Du point de croix ? Tu te souviens ? Tu voulais vendre des motos, italiennes, partir sur les routes en pétaradant, du temps où tu étais vivant. Italien, tu portais avec nonchalance le poids léger de tes tempes grisonnantes. Le vin était rouge et des éclats de Parmesan tombaient sur le pesto fumant.
Les enfants étaient presque grands.
— Comment tu vas Franco ?
Tu t’es tassé. Tu as fermé les épaules. Tu m’as regardé, même pas triste, même pas résigné.
Vide.
— Ben tu vois, encore quatre ans. Plus que quatre ans à tirer avant la retraite.
Les gens meurent trop longtemps.