Monument du cinéma français, l’acteur Michel Piccoli, célèbre pour ses rôles dans « Le mépris », « Les choses de la vie » ou plus récemment « Habemus papam », est décédé le 12 mai à l’âge de 94 ans, a annoncé hier sa famille .
Michel Piccoli s’est éteint le 12 mai dans les bras de sa femme Ludivine et de ses jeunes enfants Inord et Missia, des suites d’un accident cérébral», indique le communiqué transmis hier à l’AFP par Gilles Jacob, ami de l’acteur et ancien président du Festival de Cannes.
Si Piccoli a commencé sa carrière très tôt dans les années 40, il faut attendre 1963 et Le Mépris de Jean-Luc Godard pour que s’écrive le premier chapitre de sa légende. Le mot n’est pas trop faible. Depuis ce film mythique où il susurrait son amour pour les fesses de Brigitte Bardot, l’acteur a promené son physique de séducteur aux sourcils broussailleux dans plus de 150 films, du provocateur de La Grande Bouffe au pape en proie au doute d’Habemus papam (2011), son dernier grand rôle à l’écran.
D’une remarquable longévité, sa carrière est indissociable des films de Luis Buñuel et de Claude Sautet.
Sous la direction du premier, il a interprété des personnages troubles (Le journal d’une femme de chambre, Belle de jour, Le charme discret de la bourgeoisie) avant de devenir une incarnation des Trente glorieuses, immuable clope au bec, chez le second, dans les années 70 (Vincent, François, Paul… et les autres). Autre couple de légende à l’écran après celui qu’il avait formé avec Brigitte Bardot, celui qu’il compose avec Romy Schneider devant la caméra de Claude Sautet fait des étincelles, notamment dans Max et les ferrailleurs ou Les Choses de la vie, où leur alchimie est spectaculaire.
éclectique dans ses choix, il a également tourné sous la direction de Renoir, Resnais, Demy, Melville, Varda et Hitchcock.
Grand, brun, dégarni avec les ans, voix qui tonne ou ensorcelle, ce personnage énigmatique, s’est « régalé à jouer l’extravagance ou les délires les plus troubles, à casser (son) image », disait-il.
Son rôle dans La Grande Bouffe (1973) de Marco Ferreri, dont il partage l’affiche avec Ugo Tognazzi, Marcello Mastroianni, Philippe Noiret et Andréa Ferréol, un des plus gros scandales du festival de Cannes, en est la preuve. Il y incarne un participant à un séminaire gastronomique se transformant en orgie scatologique et nihiliste.
Son refus des plans de carrière, son côté « anti-star » l’ont amené à tourner des films d’auteur : Leos Carax, Jean-Claude Brisseau, Jacques Doillon.
En 1990, il campait avec gourmandise un personnage de grand bourgeois fantasque dans Milou en mai de Louis Malle.
Peu à peu disparu des écrans, ce grand pudique lèvera un coin du voile à plus de 90 ans dans un livre d’entretiens avec son ami Gilles Jacob («J’ai vécu dans mes rêves»). Il y confiait son angoisse de ne plus pouvoir travailler : «On voudrait que ça ne s’arrête jamais et cela va s’arrêter (…) c’est très difficile.»
