La crise sanitaire est doublée d'une crise économique. Elle a mis en regard l'importance de certaines fonctions dans la société pour la continuité de service, a obligé des organisations à adopter très rapidement le télétravail et son corollaire les outils de visioconférence. Ceci a également mis en lumière au-delà des questions de masques, de tests, etc. la très forte dépendance à l'égard du numérique vis-à-vis des GAFAM notamment nous reléguant à une " colonie numérique des Etats-Unis ". Comme je l'ai écrit dans Made in Silicon Valley - Du numérique en Amérique, nous ne pouvons pas nous résigner à assister impuissant en spectateur au combat de Titans que se livrent les Etats-Unis et la Chine, ce qui reviendrait à une sortie de la France de l'histoire.
La croissance s'effectue en effet majoritairement dans le numérique et c'est là que nous sommes le plus dépendant sur l'ensemble de la chaîne de valeur : matériel, logiciels, données.
Dans ce cadre une Tribune a été publiée par Alain Garnier (Jamespot), Pascal Gayat (Les Cas d'OR), Raphael Richard (Néodia), Matthieu Hug (Tilkal), Antoine Duboscq (Wimi) et plus de 200 entrepreneurs, pionniers et décideurs du numérique français signataires. Ils interpellent le gouvernement sur la priorité à donner à la souveraineté et à la confiance numérique, pour accompagner les efforts de transformation digitale et d'industrialisation 4.0. J'ai également apporté ma signature parmi les 200 partageant la majorité des orientations pour une souveraineté numérique.
Les auteurs de la tribune rappellent qu'en 2020, le secteur numérique représente près de 200 milliards d'euros. Et que 15 % du marché des investissements numériques sont destinés aux acteurs français du numérique y compris pour la commande publique (marché des Govtech) lequel pèse 16 milliards d'euros.
Pourtant nous disposons de solutions alternatives Made in Europe et souvent même Made in France : hébergeurs (OVH), navigateurs, moteur de recherche (Qwant), solutions collaboratives (Jamespot, Jalios, Whaller, Talkspirit), systèmes de transferts de fichiers (FromSmash), messagerie (Laposte.net), solution de sécurité (cf. les recommandations de l'ANSSI) et même système d'exploitation (AcidOS).
Les sujets régaliens devraient en priorité s'orienter vers des solutions numériques souveraines.
Trois orientations immédiates sont demandées :
- Fixation du cap par l'Etat, avec un objectif immédiat : pas plus de 50 % d'outils numériques d'acteurs extra-européens pour limiter notre dépendance dans le secteur public. Pour 2025, portons l'objectif à 30 %. L'industrie numérique française relèvera le défi.
- Mise en place de dispositifs opérationnels conformes à ce cap : mécanismes incitatifs en faveur du développement et de l'adoption de solutions numériques souveraines ; diffusion de recommandations pratiques auprès des 130 000 décideurs du secteur public en France.
- Création d'un groupement, un mouvement collectif des entreprises françaises et européennes offrant des solutions souveraines face aux besoins et usages essentiels du numérique.
Un objectif est proposé : réduire notre dépendance numérique et injecter en 3 ans plus de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires dans l'économie.
Parmi les signataires Eric Barbry, Jérôme Bondu, Fabrice Epelboin, Damien Douani, Yann Gourvennec, Serge Soudoplatoff font partie du collectif des 57 pionniers du livre Web 2.0 15 ans déjà et après ? - 7 pistes pour réenchanter Internet !. Il existe des convergences entre ces pistes et l'appel à une souveraineté numérique lancé.
Figurent également Jean-Michel Billaut, Geneviève Bouché (Forum Atena), Ludovic Dubost (Xwiki), Tristan Nitot, Thomas Fauré (Whaller), Octave Klaba (OVH), Olivier Mathiot, Emmanuel Pesenti, Philippe Pinault (Talkspirit), Mickaël Réault (Sindup), Benoît Thieulin, Joëlle Toledano (Chaire Gouvernance et Régulation Paris-Dauphine). Certains figurent du reste parmi les acteurs du numérique qui se sont prêtés au jeu des 3 questions ... à.