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22/05/2020 – PENSER UN MONDE NOUVEAU « Le temps du « bonheur commun » » par Claude MAZAURIC Historien (Cliquer pour voir la suite)

Publié le 22 mai 2020 par Particommuniste34200

En 1990, s’effondrait à l’est de l’Europe, après un demi-siècle de guerres et d’affrontements, ce qui avait été le produit d’un demi-siècle de révolution : nombre d’essayistes croyaient y voir l’aube d’un nouveau monde prospère ! Il faut rappeler que l’Union soviétique – et ce qui gravitait autour d’elle –, malgré sa puissance militaro-stratégique, représentait moins de 3 % du commerce mondial et que son actualité révélait un handicap insurmontable : son retard structurel dans ce qui s’esquissait comme « la révolution du numérique » qui accroissait la dynamique du monde « occidental » !

La Chine, alors isolée, sortait d’une « révolution culturelle » subjectiviste et se montrait avide d’asseoir son indépendance politique sur les potentialités d’un « capitalisme » instrumentalisé, bien éloigné de ce qui le caractérisait depuis 1800 : le Parti communiste chinois fit du « capitalisme » un « mode de production » de « biens marchands » fondé sur la radicale mobilisation politique des « forces productives » humaines et matérielles. Ce dispositif, il l’établit sous forme d’« entreprise d’État », par le contrôle des flux démographiques, la constitution des rapports sociaux nécessaires à la réussite programmée… mais sans s’imposer le cadre d’une « formation sociale » ad hoc, bien loin des visions « libéralistes » caractéristiques des révolutions bourgeoises antérieures ! Avec sa population d’un milliard quatre cents millions d’humains, la Chine a gravité au rang de première puissance industrielle.

Malgré son isolement, Cuba avait introduit dans l’Amérique latine un fruit qui en pourrissait le statut d’arrière-cour de la puissance nord-américaine. Seuls des esprits visionnaires avaient imaginé que cela pouvait ébranler la puissance dominante qui contrôlait La Havane depuis Miami ! Aujourd’hui, c’est la crainte plus que l’hystérie qui motive la politique américaine : le duo d’histrions, Trump et Mike Pompeo, traduit en fait la trouille washingtonienne qui atteint tout l’establishment yankee !

Avant 1990, la puissance états-unienne imposait au monde « sa force dominante » : son économie, sa monnaie, son avance technologique, sa diplomatie (appuyée sur la dissémination de sa force stratégique), son attractivité dominaient la Terre. S’exerçait alors sur le monde « sa force dirigeante » : en finançant et orientant l’activité des institutions internationales (Banque mondiale, FMI, principales agences de l’ONU, etc.), en contrôlant les grands systèmes d’alliances : Otan, Moyen-Orient… Tout ce dispositif est aujourd’hui en souffrance, pesant, souvent inutile. C’est le poids des États-Unis qui est devenu insupportable, non son soutien avoué. Quel changement !

Augmentée de la venue d’États qui avaient profité de la chute du « communisme » pour fuir l’orbite russo-soviétique, l’Union européenne est passée aussi sec sous l’hégémonie de l’Allemagne unifiée. Celle-ci réalisait du même coup (et avec l’approbation de la France sociale-démocrate) un ensemble politico-financier piloté depuis Francfort sous l’apparence d’un pouvoir bruxellois et strasbourgeois. L’UE d’aujourd’hui réalise en pleine paix le vieux rêve pangermaniste d’une « Mitteleuropa », usinière, bourgeoise et dominatrice, capable d’imposer cet « ordo-impérialisme de la raison politique » conforme au désir de Bonn et de Berlin. Avec sa chancelière luthérienne d’allure bonasse, jeune fille formée à la sobre école du kantisme-léninien qui marquait la RDA, la « Germania élargie » exerce désormais sa dictature consensuelle comme l’effet d’une victoire de la Raison sur les passions absurdes des Latins et des allogènes : la Grèce en a payé le prix. Le reste de l’Europe, après la churchillienne fronde victorieuse du brexit, en paiera la facture : qui peut en douter ?

Le monde d’hier ne vit plus. À nous d’imaginer la suite…

Les États-Unis d’Amérique sont enfoncés dans une crise, identitaire et structurelle plus qu’économique, qui révèle leur instabilité intérieure, sociale et ethno-culturelle. L’Europe supposée unie est encombrée d’elle-même. Si, face à la pandémie, la Mitteleuropa s’en sort égoïstement plutôt mieux, c’est qu’elle a sucé antérieurement le sang productif de ses partenaires périphériques, épuisés : la France, l’Italie, le Royaume-Uni… dont l’apparente « prospérité » antérieure reposait sur la fable financiariste du profit à haut rendement, de la chasse aux capitaux errants et de la « rente » assurée : nous commençons à subir les effets de la dépendance industrielle et la fragilité d’être devenus une devanture pour touristes.

La « production des richesses matérielles » que mesurait naguère le PNB mais que dévalue la seule référence au PIB (lequel ne mesure que les effets de marché) marque seule la puissance et la capacité de résistance d’une nation : qui l’a oublié ?

Le reste du monde est devenu une simple arrière-cour où l’on peine à comptabiliser les morts et les malades. Avec le peu de souffle qui reste, on se demande qui demain va l’emporter : la Chine, surpuissante et modeste, ou l’un ou l’autre des ci-devant gros débris qui sortira moins usé que les autres de la « domination » exercée hier par feu « le monde occidental » sur le reste du monde ?

Visionnaire, dans ses dernières années, Fernand Braudel synthétisa une théorie transcontinentale de l’histoire de l’emprise humaine sur la Terre. Le modèle proposé valorisait le rôle des périphéries maritimes, les grands espaces de concentration urbaine, les routes, les flux… Son modèle n’intégrait évidemment pas ce que l’on pense réunir aujourd’hui sous le concept d’« anthropocène ». Mais l’une des prophéties braudéliennes ne s’est pas démentie : le monde bascule et les « polarités de demain » ne seront pas celles d’hier !

Le vieil ennemi que je fus (et demeure) du vieil « impérialisme occidental » se réjouit évidemment de sa défaite programmée. Mais sa fin ne suffira à faire naître la joie ! Il faut toujours espérer et s’organiser pour qu’avec demain vienne le temps du « bonheur commun » rêvé par Gracchus Babeuf… Il y a plus de deux siècles ! Quelle force tiendra « ce » pari ?

22/05/2020 – PENSER UN MONDE NOUVEAU « Le temps du « bonheur commun » » par Claude MAZAURIC Historien (Cliquer pour voir la suite)
22/05/2020

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