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La Saison des cerfs-volants, d'Elizabeth Walcott-Hackshaw

Publié le 22 mai 2020 par Francisrichard @francisrichard
La Saison des cerfs-volants, d'Elizabeth Walcott-Hackshaw

Ce fruit ridicule et étrange me revient à l'esprit; ce fruit qui n'est même pas originaire de la Caraïbe, même pas né ici. C'est pourquoi j'ai inventé l'expression "un ramboutan" pour l'appliquer à quiconque abandonne son foyer pour toujours.

Ici, c'est l'Île de Trinidad, où est née Elizabeth Walcott-Hackshaw, une île où se déroulent les onze histoires de son recueil de nouvelles, La saison des cerfs-volants, titre de l'une d'entre elles.

Dans ce recueil il y a un certain nombre de ramboutans, des hommes comme des femmes d'ailleurs. Et ces ramboutans ne restent pas tous ici. Sans doute s'y sentent-ils trop à l'étroit et sans avenir.

Dans Ici, La narratrice doit en principe conduire en voiture sa fille à l'aéroport pour qu'elle rejoigne son ramboutan de père à Miami, pour une durée de deux mois, mais elle a du mal à l'imaginer là-bas:

Je pense à mon bébé à Miami et à la façon dont elle va être traitée parce que, même si elle a la peau claire, en Amérique elle sera Noire et souffrira comme jamais ça ne se produirait ici.

Dans Fruit étrange, c'est la mère de la narratrice, qui les a abandonnés elle, son frère et son père et tient le rôle de ramboutan. A contre-coeur, en détresse, elle l'appelle quand son père disparaît:

D'après les chiffres de meurtres et de kidnappings, nous sommes désormais en troisième position après Haïti et la Jamaïque sur la liste des lieux les plus violents de la Caraïbe.

Dans Tuer des lunes, la narratrice ne sait pas qui est son père. Elle sait que sa mère a eu six enfants et de nombreux maris, et que seuls son frère Samuel et elle, qui sont les aînés, ont le même père:

Papa venait dans la cour surtout le week-end. Il mangeait, dormait dans un hamac entre les cocotiers, puis il disparaissait de nouveau le dimanche soir. Ce n'était le papa de personne, mais c'était comme ça que manman nous avait dit de l'appeler.

Dans La plus longue corde, Katie quitte Andy après six ans de mariage, avec leur fille Lulu (pour laquelle il ne se lève pas la nuit parce que, elle, elle peut faire la sieste le jour) et trouve refuge chez John:

A dix-neuf ans, Katie croyait être amoureuse quand elle avait épousé Andrew Gill, âgé de vingt-cinq ans. Elle imaginait une vie très confortable, à ne jamais se soucier de problèmes d'argent, comme cela avait été le cas pour son père avec son salaire de fonctionnaire...

Il n'y a pas que des rambutans dans ces histoires, où est dressé le portrait contrasté de Trinidad (dont la capitale n'a d'espagnol que le nom anglicisé) et de ses habitants qui ne se mélangent pas toujours. 

Francis Richard

La Saison des cerfs-volants, Elizabeth Walcott-Hackshaw, 240 pages, Zoé (traduit de l'anglais par Christine Raguet et en librairie le 22 mai 2020)


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