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Macron: déconfiner la colère ou refaire le match ?

Publié le 23 mai 2020 par Juan

  Macron: déconfiner la colère ou refaire le match ?

Le COVID s'éloigne. La France se déconfine, les Français(e)s observent la catastrophe se poursuivre ailleurs - au Brésil, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni. En France, il est temps de réécrire l'Histoire, d'effacer les traces de l'une des incompétences les plus meurtrières que le pays ait connue.

Macron a été pris en flagrant délit d'incompétence, le voici en flagrant délire de désinformation. 

Il est urgent de déconfiner les colères.


Macron: déconfiner la colère ou refaire le match ?

Crédit: boutique ENLYSEE


Macron veut accélérer le retour du calendrier électoral, mais cette fois-ci, il est prudent. Le maintien du 1er tour alors que la pandémie du COVID faisait rage est dans toutes les mémoires. Macron s'était révélé incapable de reporter ce premier tour. Incapable déjà, ou bien mortellement amateur.
"Personne n'était prêt" dira-t-il deux mois plus tard, dans une interview complaisante et surréaliste à BFM TV. La France n'avait pas assez de masques, de blouses, de tests, de lits, de respirateurs. Mais malgré ces failles et défaillances, Macron jette des milliers de citoyens dans l’arène politique - distribution de tracts, embrassades, serrages de main, accolades, meetings, tout y est pour accélérer la propagation du virus.
Des milliers de personnes - candidats, militants, employés de mairie - ont été infectés un peu partout en France à cause du maintien de la campagne électorale. Comme à Coudekerque-Branche (dans le Nord), où plusieurs assesseurs de bureaux de vote sont tombés malades et dix-sept élus ont été infectés; à Hanzin-Saint-Aubin, dans le Pas-de-Calais voisin, où le maire sortant, battu, et une de ses adjointes ont été contaminés; à Billom en Auvergne, où une assesseure a été hospitalisée. Ou en Seine-Saint-Denis, où le député LFI Eric Coquerelle dénonce une "hécatombe parmi les militants" tandis que trois villes du département ont vu leur maire hospitalisé (Tremblay-en-France, Sevran et Epinay-sur-Seine).; à Compiègne dans l'Oise - l'un de premiers foyers de l'épidémie début mars.

Ce maintien de l'élection a tué:

  • Une candidate décède du COVID-19 à Mios, près d'Arcachon dès la fin mars. 
  • Dans l’Oise, à Tracy-Le-Mont, l’adjoint du maire, Jean-Jacques Zalay, 67 ans, est emporté le 31 mars. 
  • Dans le Haut-Rhin, Louis Jean-Marie Zoellé, 75 ans, réélu maire de Saint-Louis a succombé peu après le vote. 
  • A Drancy (Seine-Saint-Denis), l'équipe municipale perd deux conseillers à cause du COVID.
  • Début avril, trois autres maires élus décèdent du COVID - à Saint-Brice-Courcelles (Marne), Beurey-Bauguay (Côte-d’Or) et  Saint-Nabor (Bas-Rhin) -  après avoir été présents dans les bureaux de vote de leur commune pour ce fatidique premier tour.
  • Le 10 avril, Philippe Pesteil, tête de liste LREM aux élections municipales de Meyzieu, dans le Rhône, décède à son tour.
  • Fin avril, à Aubervilliers, l'un des adjoints au maire, tombé malade quelques jours après le premier tour des municipales, succombe à l'hôpital.
Début mars, Macron a eu la trouille: il a eu peur pour son image, il a caché l'ampleur de la pandémie et l'état de désarmement sanitaire du pays, et s'est abrité derrière un consensus politique biaisé par le manque de transparence et l'avis de son tout nouveau conseil scientifique créé trois jours avant.

Deux mois plus tard, le voici qui dit l'inverse: "nous ne sommes pas dans la République des scientifiques"...
Cherchez l'erreur.
On votera donc pour le second tour des municipales le 28 juin, avec une campagne "numérique", c'est-à-dire réservée à celles et ceux qui ont les moyens de s'informer par internet. Pour justifier la réouverture des écoles, le même gouvernement expliquait il y a un mois que 5% des enfants n'avaient pas accès à internet pour se former à distance. Quid de leurs parents pour voter ? Sans tract, sans porte-à-porte, sans contact, sans présence physique, la campagne du second tour promet une gigantesque abstention. Le jour du vote, les électeurs auront bien sûr un masque - comment contrôler leur identité ?
On votera le 28 juin car trop de communes ont du geler leurs investissements publics faute de conseils municipaux dument constitués. La motivation de l’organisation de ce second tour n'est pas sanitaire ou démocratique, mais économique.
"Cette crise (du COVID-19) ne constitue pas une surprise stratégique puisqu'elle avait été identifiée dans le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationales en 2013, puis dans la Revue stratégique de défense et de sécurité en 2017". Cette déclaration du général Lecointre devant la commission des Affaires Etrangère et de la Défense de l'Assemblée nationale le 23 avril sonne comme un rappel: Macron et sa bande de ministres ont agi avec un amateurisme mortel sur tous les sujets de cette crise sanitaire: retard au confinement, pénurie de protection pour les soignants au plus fort de la pandémie, nombre insuffisants de lits, ratage dans les commandes publiques, destruction sans vérification approfondie des stocks de masque périmés, gestion erratique de la commande de tests, ignorance des EHPAD au début, etc.
Sur le front économique, Macron n'a été bon que sur le seul sujet qui lui épargnait une révolte sociale - le chômage partiel. Après avoir détruit partiellement l'indemnisation de deux millions de chômeurs, en réduisant leur accès au droit, il a repris les modalités décidées par Angela Merkel en Allemagne. Il y a des parallèles historiques qui font mal: il y a 12 ans, Nicolas Sarkozy et son secrétaire d’État à l'emploi (Laurent Wauquiez) avaient lancé la plus grande désorganisation des services avce la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, et la suspension des droits au chômage après deux "offres raisonnables d'emploi"... au pire moment, le déclenchement de la Grande Crise qu'ils n'avaient pas vue.

12 ans plus tard, Macron et Pénicaud sont dans une situation identique: ils "réforment" l'indemnisation chômage en détruisant les droits des chômeurs, puis sont obligés de se raviser quand le nombre explose à ... 12 millions d'inscrits. Italie et Allemagne les premiers, tous les pays européens ont ensuite utilisé cette même arme anti-crise. Mais la France "a été l’un des pays où le degré de confinement de la population a été le plus important," expliquait un économiste libéral. "La prise en charge (l'une des plus généreuses en Europe) est donc à la hauteur du choc économique induit par la crise sanitaire."
Pour le reste, Macron a gâché et détruit plus que de nécessaire: à cause du désarmement sanitaire et de son incompétence à fabriquer du matériel de protection et de détection dans les délais, il a été contraint à fermer sans concertation ni prévenance des pans entiers de l'économie.

Macron: déconfiner la colère ou refaire le match ?

Crédit: boutique ENLYSEE


Les pistonnés
"Certains me disent déjà que je ne serai pas réélu" - cette confidence rapportée par le Canard Enchaîné n'a rien d'une prophétie. Macron est en campagne officieuse pour sa réélection. Il utilise l'état d'urgence sanitaire pour prolonger le contrôle politique du pays.
"On rentre dans une période où on doit en quelque sorte enfourcher le tigre, et donc le domestiquer" expliquait Macron. Pourtant, le déconfinement est erratique. Il maintient un contrôle policier inédit, une restriction des libertés sans contre-pouvoir, qui cesse dès que le favoritisme ou des intérêts économiques catégoriels sont en jeu.
Premier constat, la France d'en bas a l'obligation de se tasser dans les bus et les métros pour aller bosser, car rentiers et éditocrates de la France d'en haut ont absolument besoin de ces bras et de ces jambes - serveurs, livreurs, ouvriers, secrétaires, manutentionnaires, préparateurs, chauffeurs etc - Et tant pis si la moyenne mobile des cas de COVID repart à la hausse. En "en même temps", on interdira les plages ou les rassemblements de plus de 10 personnes, même si elles sont à un mètre de distance. On appelle cela du contrôle politique.
Second constat, Macron interdit les voyages à plus de 100 kilomètres, ... et "en même temps", Macron refuse toute quarantaine aux voyageurs venant du pays le plus exposé à la pandémie, le Royaume Uni. On y compte toujours près de 400 morts chaque jour, le pic pandémique ne semble pas atteint. Le 22 mai, le premier ministre britannique Boris Johnson prend peur et annonce le retour de la quarantaine pour tous, y compris pour les Français jusque là exemptés des quatorze jours d’isolement sur le sol britannique, ils vont malgré tout y être contraints sous peine de 1 100 € d’amende. Macron aurait pu louer cette prudence sanitaire... que nenni... le jeune monarque fait savoir que la France regrette cette décision et "se tient prête" à la réciprocité. On aurait espérer qu'il prenne tout seiul et de lui des mesures de quarantaine contre les Britanniques.
Indécente imprudence.
Troisième exemple, la réouverture des lieux collectifs. Présidence du piston, Philippe de Villiers se félicite publiquement que le jeune monarque, Jupiter tout puissant, ait décidé la réoouverture du spectacle du Puy-du-Fou dès le 10 juin quand tous les autres lieux de spectacles collectifs - théâtres, cinémas, salles de concerts- ont été priés de patienter jusqu'en juillet, peut être septembre. Puis voixi les lieux de culte autorisés à nouveau. Le déconfinement est une affaire de lobbies, de gestion politicienne, de fait du Prince.


Quatrième exemple, les primes pour le personnel soignants. La Macronie avait promis de primes "jusqu'à 1500 euros" pour les soignants, en fonction des zones de tension COVID-19. François Bayrou est furax parce que Macron a pistonné l'établissement de Bagnères-de-Bigorre où il a des attaches familiales, pourtant peu affecté par la pandémie, aux détriments de celui de Pau dont Bayrou est maire... Le piston sait être mesquin, même avec les amis politiques.
Cinquième exemple de tartufferie, la revalorisation des salaires des personnels soignants. Partout, les ces derniers sortent à nouveau dans les rues pour protester contre leurs conditions de travail et pour réclamer une hausse des salaires. En France, les infirmières gagnent 500 euros par mois de moins en moyenne que leurs homologues européen(ne)s. On pouvait tout imaginer, mais pas à ce que le ministre de la Santé propose aux soignants épuisés par le COVID de "travailler plus pour gagner plus". Même la bêtise macroniste est ignoble. "Rapporté au salaire moyen de chaque pays, les infirmières françaises sont moins bien payées que leurs collègues grecques, espagnoles ou mexicaines" rappelle France Info (que des journalistes gauchistes ...).
Sixième exemple, le piston hors normes de quelques grandes multinationales françaises - certaines versent des dividendes "et en même temps" l'argent public du chômage partiel; d'autres, tel Renault, licencient en masse malgré l'octroi de milliards d'euros de prêt garantis par l'Etat sans contreparties: ce benêt de Bruno Le Maire n'avait pas pensé à exiger quelques garanties essentielles comme le maintien de l'emploi avant de prêter autant d'argent sous garantie publique... L'amateurisme à tous les étages... ou la complicité. Pris la main dans le sac, avec la révélation du Canard Enchaîné ce 20 mai sur la fermeture de 4 sites de Renault, Bruno Le Maire est allé se montré tout rouge de colère (ou de honte ?) sur les écrans de télévision...
"Est-il humainement possible, en ayant un soupçon d’amour propre, de continuer à assumer tant d’inconséquences si on a un minimum de respect pour sa fonction et l’histoire de ce pays ?" Denis Robert, Le Media.

Macron: déconfiner la colère ou refaire le match ?

Le Canard Enchaîné, 20 mai 2020


 Les faussaires
Quand on l'interroge, Macron a désormais trois lignes de défense: (1) "personne n'était prêt" (autre variante: On était nul, mais on n'était pas les seuls) (2) "les choses ont été dites." Et (3) en même temps, "le temps n'est pas encore au bilan, sous sommes dans la gestion."
Non seulement il n'a rien avoué de ses failles, tout juste a-t-il évoqué des erreurs, sans préciser lesquelles. Personne n'était prêt... on devrait le prendre au mot: le désarmement sanitaire français est plus grave que ces pénuries matérielle contre une pandémie. "Entre 2018 et 2017, les signalements auprès de l’ANSM de médicacments en tension et en rupture de stocks ont été multipliés par douze."

Macron réécrit maintenant méthodiquement l'Histoire. 
Le 18 mai, la chaîne BFM consacre un long reportage à Emmanuel Macron "au cœur de l’Élysée"; un reportage toute en éloges - aucune critique, aucun doute, aucune image rappelant les fautes, les délits, les crimes, la faim en banlieue, les cadavres qu'on laisse leur lit dans les EHPAD, les gens qui suffoquent dans les hôpitaux surchargés, les soignants tués faute de protection.
La journaliste aurait pu rappeler le cas d'Eric Loupiac, urgentiste victime du COVID-19 en exerçant son métier. La journaliste préfère louer ce président "qui comme souvent tombe la veste", elle rappelle ses trois allocutions solennelles, ses interventions pendant ses déplacements (parking de l’hôpital de Mulhouse, l'école de Poissy), ou ces images en direct depuis l’Élysée, comme cette séquence avec des restaurateurs en quasi-faillite à qui l’État prête pour financer les pertes, ou bien des représentants du secteur culturel.
Des regrets dans la gestion du premier tour des municipales ? La journaliste ne rappelle pas les morts et les malades victimes du premier tour des élections. Macron esquive: "nous sommes aujourd'hui dans la gestion de cette crise avec le premier ministre et l'ensemble des membres du gouvernement."
Circulez, y-a rien à voir.
C'est en fait Macron lui même qui se saborde quand la journaliste évoque la pénurie de masques (un fiasco, expliquait BFM comme bien d'autres médias de tous horizons). Il lâche une première formule, bête, contredite par ses proches depuis des mois: "au début du mois mars et encore plus en février ou en janvier, personne ne parlait des masques" - C'est faux, rappelle l'AFP.
Puis voici une autre réponse, pire encore: en France, "Il y a eu une doctrine restrictive (...). Il y a eu ensuite un approvisionnement renforcé et une production renforcée et nous n’avons jamais été en rupture. Ce qui est vrai, c'est qu’il y a eu des manques."
On se pince, on croit à une phrase sortie de son contexte.
Mais non, Macron a bien dit cela: "La France n'a jamais été en rupture de masques" ... 
Justement, la CGT du CHU de Lille a déposé un référé devant le Conseil d’État pour réclamer davantage de modèles FFP2: "le manque de masques FFP2 a créé un danger pour la santé des soignants, mais aussi des patients, que les soignants sont susceptibles de contaminer, indique l'une de ses délégué(e)s. Tant qu’il y avait pénurie, on pouvait le comprendre. Mais maintenant qu’on sait que les entreprises disposent de stocks importants, il faut les donner en priorité aux soignants. Cette situation est folle!"
Les effets de cette double bourde sont désastreux pour le jeune monarque. Il venait pourtant de "marquer un coup", il avait convaincu Angela Merkel d'appuyer une proposition d'emprunt européen de 500 milliards d'euros. L'affaire n'est pas gagnée, car nombre d'Etats ne veulent pas "emprunter pour les autres". La solidarité de cette union européenne basée sur le fric est un mythe. La crise du COVID-19 l'a bien montré.
Certains élus macronistes n'y croient plus. Une petite quinzaine d'entre eux a quitté le groupe des députés LREM à l'Assemblée nationale, privant LREM de majorité absolue. Ces nouveaux gauchistes rassemblent des gens qui ont pourtant voté la loi anticasseurs, la loi asile et immigration avec le soutient de l'extrême droite, le report des exigences environnementales à la Saint-Glin-Glin (2050), la réforme de la formation professionnelle et de l’assurance-chômage, deux catastrophes pour les plus précaires et fragiles, la baisse de l'imposition des plus riches, le gel des prestations sociales.
Ces gens-là ont peut être des remords.
Pauvres bougres.
Pour les autres, il est plus que temps de déconfiner les colères, d'exprimer sa rage. De ne pas laisser la "Start Up Nation" reprendre ses droits à exploiter et économiser sur les services publics au nom du profit privé. La version macroniste du déconfinement ne débouche que sur des rapports des forces. Macron ne comprend rien d'autres. Il faut que des infirmières le chahuttent gentiment mais fermement lors d'une visite d'hôpital pour qu'il cède à discuter de la revalorisation de leurs salaires. Mais pour le reste, silence radio. Il faudra des manifestations, des protestations, des grèves. Il faudra déconfiner les colères pour obtenir la prolongation des droits de tous les travailleurs des secteurs économiques durablement impactés par la crise (événementiel, tourisme, spectacle, culture), ou un plan d’urgence aux plus démunis sur leurs dépenses d’eau et électricité et les produits de première nécessité.
La justice a reçu quelques 70 plaintes - "mise en danger de la vie d’autrui, homicide involontaire, "non-assistance en personne en danger" ou le fait de "s’être abstenu de prendre à temps des mesures pour lutter contre l’épidémie". Cette semaine, un gendarme a porté plainte contre le premier ministre pour manque d'équipement de protection. Qui portera plainte au nom des SDF à qui l'on refuse tests et soins ?
Les procès doivent-ils se limiter à la bande d'amateurs du nouveau monde macroniste? Sans doute pas. On avait oublié Roselyne Bachelot, la nouvelle star des plateaux télévisés. Ministre de la Santé sous Sarkozy, elle avait commandé un milliard de masques conter le risque pandémique, grand bien à elle ! Mais elle avait aussi rallongé de 5 ans la durée de travail des infirmières. Honte à elle... "Roselyne Bachelot a négocié ce qui n’aurait jamais dû être négociable : la pénibilité du travail des infirmières" résume Clément Viktorovitch. A quoi s'ajoutent deux années de report de retraite de la réforme Sarkozy/Fillon (62 ans), alors que la durée de vie d'une #nfirmière est de 78 ans contre 86 pour les femmes en France.
"Personne n'était prêt" disait Macron cette semaine.
Gouverner, c'est prévoir.

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