Les choses sans les mots
L’épidémie actuelle a fait surgir un vocabulaire politico-journalistique qui questionne le sérieux de ceux qui l’ont imaginé et l’utilisent.
Premier exemple : cluster qui veut dire concentration (de virus ou de malades ?) alors que le terme de « foyer » rassemble élégamment les deux. Pourquoi sortir du mot français précis ? Pour donner l’illusion de la technicité ?
Il y a pire : Qui a pu imaginer la « distanciation sociale » ? Le premier mot est défini sur Wikipedia comme « un procédé utilisé dans le cadre d’une narration fictionnelle ». Le mot vient de Brecht, l’homme de théâtre, pour s’opposer à l’identification de l’acteur à son rôle. Mais cela suppose une culture bien éloignée des « Princes qui nous gouvernent ». Il y a un mot qui désigne ce dont il s’agit, la « distance » entre les personnes. Pourquoi en imaginer un autre ambigu ?
Le second ne convient pas mieux : par son qualificatif que peut bien venir faire la société dans l’affaire ? Parler « sociologique » ?
Il y aurait pourtant une expression, claire, précise et simple : la « distance sanitaire » entre les personnes.
Je pourrais multiplier les exemples mais ces deux suffisent pour s’interroger sur ces délires langagiers ? Pourquoi inventer des mots qui n’ont aucun sens si ce n’est pour faire peur ? Peut-être aussi par bêtise, explication trop souvent négligée à propos de ceux qui disent nous diriger.
L’anthropologue Malinowski a découvert et désigné ce qu’il a appelé le langage phatique, mots sans contenu informatif chargés d’établir des relations sociales. L’épidémie a suscité leur multiplication peut-être aussi parce qu’elle sert. A qui et à quoi ?
Bernard Traimond