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Une autre fin (7)

Publié le 27 mai 2020 par Nicolas Esse @nicolasesse

(Le fil de l’histoire dans la catégorie « Une autre fin » sur la barre de droite)

Je suis remonté au niveau zéro.
J’avais les mains moites. J’étais glacé et j’avais trop chaud. La rame de métro est arrivée en charriant des odeurs de fer rouillé, de graisse et de renfermé. À chaque fois, ce souffle épais me retournait l’estomac. J’en avais tellement marre du métro. Du bruit. Des chocs. Des relents frelatés de la climatisation fatiguée de lutter contre la masse compacte de chaleur enfermée dans ce tube hermétique enfoui à vingt mètres sous terre. Un ver solitaire et aveugle, rempli de ventres flasques, de têtes livides et de cheveux gras. Un ver solitaire comme moi, enfin, pas tout à fait. Il y a toujours quelqu’un on dirait. Pas un père. Pas une mère. Pas un frère. Pas une sœur. Quelqu’un d’autre. Quelqu’un d’ailleurs. Chez moi ce quelqu’un était grand et large et il s’appelait Richard.

J’ai toujours eu des problèmes, sous terre, toujours. Les autres n’y pensaient plus, forcément, depuis tout ce temps. Les autres étaient contents. Ils travaillaient. Ils faisaient leurs courses, allaient au restaurant ou au cinéma. Le dimanche, au parc, ils exhibaient des bébés fraîchement accouchés et des enfants voraces qui recrachaient leurs premières poignées de sable. On avait décrété que ce serait l’été, alors, ils profitaient de la douceur de l’air. Ils étendaient des couvertures à l’heure du goûter. Des familles, des couples, des groupes d’amis. Des chiens couraient. Dans les couleurs du crépuscule, on avait mis du rouge et un peu de violet. Une nouvelle nuance qu’ils découvraient avec des cris de joie, chéri regarde, oh comme c’est beau, il faut le prendre en photo. Mille écrans et la même image qu’ils envoyaient à tous ceux qui n’avaient pas pu être là.

Ensuite, on allumait la nuit.


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