Éditorial. « La bible et le fusil » Par Maurice ULRICH
« Parmi les objets nouveaux qui, pendant mon séjour aux États-Unis, ont attiré mon attention, aucun n’a plus vivement frappé mon regard que l’égalité des conditions », écrivait en 1835, dès les premières lignes, Alexis de Tocqueville dans son célèbre livre De la démocratie en Amérique, resté longtemps, si ce n’est encore aujourd’hui, une référence majeure pour nombre de politiques.
C’est qu’il y exprimait aussi sa conviction que la démocratie ne saurait que s’élargir à tous les continents et tous les peuples, une idée que reprendra, plus près de nous, en 1992, Francis Fukuyama, avec la Fin de l’histoire.
Avec la crise sanitaire, les États-Unis côtoient désormais le chiffre hallucinant de 40 millions de chômeurs. Depuis le meurtre de George Floyd, les manifestations et les émeutes secouent 40 de leurs plus grandes villes. La première puissance au monde est ébranlée dans ses fondements.
Au point de départ des manifestations, il y a le problème racial, toujours présent plus d’un demi-siècle après l’assassinat de Martin Luther King et les luttes pour les droits civiques. Mais le problème du racisme recoupe le problème social. Sur fond d’inégalités profondes en termes d’accès à la santé, aux assurances, à l’emploi ou aux études, le Covid-19 a frappé 26 % des Afro-Américains, contre 13 % pour la population totale.
C’est une violence de plus qui vient s’ajouter aux violences criminelles et aux injustices qui les frappent. Mais ce sont aussi, partout, les plus pauvres qui souffrent et s’insurgent, on le voit dans les manifestations. Ce sont les Américains précaires, mal payés, incapables de régler des soins et même de se protéger qui sont frappés par ce tsunami durable du chômage.
Face à cela, Donald Trump ne trouve d’autres recours que la menace de l’armée, la bible et le fusil. Les États-Unis sont-ils encore une démocratie ? Formellement, peut-être, mais la question devient vide de sens. Le modèle jadis exalté n’était plus, il faut bien le dire, qu’un fétiche, mais il s’agit maintenant d’une crise profonde et inquiétante qui ne concerne pas que les seuls États-Unis, mais le monde.
Éditorial. « Réveiller la soif de démocratie » Par Françoise VERNA
C’est fait : toutes les listes en lice pour le second tour des élections municipales sont désormais connues et la campagne peut reprendre. Avec elle, l’essentiel de tout scrutin : le débat projet contre projet.
Ce second tour est historique. La pandémie avait terriblement pesé sur le premier, le 15 mars, provoquant une abstention record. Les candidats ont jusqu’au 28 juin pour convaincre les citoyens d’aller dans les bureaux de vote avec le même enthousiasme et la même envie qui les font retrouver les terrasses depuis ce mardi 2 juin.
L’appétit démocratique doit lui aussi se déconfiner. Depuis plus de deux mois, nous vivons sous état d’urgence sanitaire, obéissant à des injonctions auparavant inimaginables. L’élection municipale doit participer à la reprise en main d’un destin collectif et citoyen.
Une nouvelle histoire à écrire
À Marseille, ce second tour est doublement historique. Pour la première fois depuis un quart de siècle, la gauche est en position de force dans un scrutin ouvert comme jamais.
Deux projets s’affrontent, incarnés – et c’est une première – par deux femmes, Martine Vassal, pour la majorité sortante de droite, et Michèle Rubirola, tête de liste du Printemps marseillais, ce rassemblement inédit de partis de gauche et de citoyens, désormais soutenu par EELV.
La gauche peut gagner, doit l’emporter pour permettre aux Marseillais d’écrire une nouvelle page de leur histoire. Ce n’est pas le moindre des défis tant la crise que nous traversons a mis un peu plus à nu, les aggravants, des inégalités insupportables.