(Le fil de l’histoire dans la catégorie « Une autre fin » sur la barre de droite)
Dans chaque case de son semainier à elle, il y avait une poignée de pilules, matin, midi et soir. Chaque comprimé avec une gorgée d’eau. De quoi la rassasier, elle qui à chaque repas me regardait engloutir méthodiquement le contenu de mon assiette et en redemander.
— Il faut que tu arrêtes Paul. Sinon tu vas exploser.
— Mais j’ai encore faim maman.
— Oui, mais ton ventre, il est tout petit.
Elle avalait quelques bouchées, me tendait son assiette.
— Tiens, je n’ai plus faim.
Je mangeais pour nous deux.
Je mangeais pour être plus vite plus fort, pour être plus vite plus grand, pour gagner plus vite de l’argent. Pour qu’on puisse descendre d’un ou deux niveaux, là où l’air était plus respirable. Elle se levait. Elle sortait de table. Elle me disait je suis fatiguée, je vais aller me reposer. Je finissais seul. Je rinçais les couverts. Je les rangeais dans le lave-vaisselle. Je nettoyais la table. S’il y avait des miettes, je passais l’aspirateur. Quand tout était bien propre, j’allais dans le salon regarder le ciel au plafond. Bleu pâle. Bleu clair. Bleu profond. Bleu violet. Bleu nuit. Bleu infini. Parfois, la météo annonçait une modification de l’aube ou un crépuscule inédit. Les gens se réjouissaient à l’avance, faisaient des plans, invitaient d’autres gens. Le jour dit, à l’heure dite, on se retrouvait sous un dôme pour se prendre en photo.