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Pas de permis de construire = démolition

Publié le 21 juillet 2020 par Christophe Buffet

Cet arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation juge que la démolition ordonnée par le juge pénal à la demande de l'association de protection est justifiée, dès lors que la construction a été édifiée sans permis de construire et n'était pas conforme à la déclaration préalable de travaux qui avait été faite.

Pas de permis de construire = démolition

"La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M.Gil M. a effectué une déclaration préalable auprès de la mairie de Piana (Corse ) aux fins d'extension de 16 m2 de la maisonnette de 39 m2, dont il est propriétaire, située en zone IND du plan d'occupation des sols définie comme zone de protection des espaces et milieux littoraux remarquables à Porto A Leccia. Un arrêté de non opposition a été pris le 23 février 2015 par le maire de Piana.

3. A la suite d'une plainte déposée par l'Association U Levante , la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) a constaté par procès-verbal du 25 mars 2016, le non-respect de la déclaration préalable, la démolition de la construction existante, la modification de la coupe de la construction, ainsi que des modifications d'ouverture.

4. M. M. a été poursuivi pour avoir à Piana , entre le 1 janvier et le 25 avril 2016 exécuté des travaux ou utilisé le sol sans permis de construire, en édifiant , après démolition de l'existant sans permis , une habitation d'une surface de 55 m2 non conforme à la déclaration de non opposition susvisée et en violation du plan d'occupation des sols (POS).

5. Le tribunal correctionnel a déclaré M.M. coupable de construction sans permis de construire, l'a condamné à 20 000 euros d'amende, a reçu la constitution de partie civile de l'Association U Levante et a condamné le prévenu à lui payer 3000 euros à titre de dommages et intérêts.

6. M. M. et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles L. 151 -2, L. 151 -8, L. 151-9 al. 2, L. 152-1, L. 174-4 du code de l'urbanisme et réprimée par les articles L.610-1 al.1, L.480-4 du code de l'urbanisme, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. Gil M. pour exécution de travaux sans permis de construire et en violation des dispositions du POS à une peine d'amende de 20 000 euros et s'est prononcé sur les intérêts civils alors :

" 1/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que, par ailleurs, il appartient aux juges de caractériser tant l'élément matériel que l'élément moral de l'infraction qu'ils répriment ; que, d'autre part, l'article 1ND 2-2 du POS de la commune de Piana prévoit que sont interdites " toute restauration ou modification du bâti ancien qui en dénaturerait l'aspect " ; que la restauration peut prendre la forme d'une réhabilitation et s'accompagner si nécessaire d'une démolition et d'une modification n'excluant pas une extension limitée, sous réserve de ne pas dénaturer l'aspect du bâti ; que la cour d'appel a estimé que le prévenu avait procédé, sur la commune de Piana, à une construction entièrement nouvelle en méconnaissance de l'article 1ND 2-2 précité, en procédant après démolition, à une construction entièrement nouvelle ; que la reconstruction d'un bâtiment démoli, même volontairement, étant de droit en vertu de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme, M. M. ayant bénéficié d'un arrêté de non-opposition aux travaux pour une extension limitée qui n'était pas interdite par l'article 1ND 2-2 précité, et la DDTM ayant constaté que la construction finalement réalisée correspondait à la construction initiale à laquelle s'ajoutait l'extension autorisée, le seul constat d'une construction entièrement nouvelle ne suffisait pas à caractériser la méconnaissance des règles sur l'occupation des sols et dès lors la cour d'appel n'a caractérisé ni l'élément matériel, ni la violation en connaissance de cause du POS. "

Réponse de la Cour

9. Pour déclarer le prévenu coupable d'infraction au plan d'occupation des sols, l'arrêt attaqué relève qu'il résulte des procès-verbaux de gendarmerie de la direction des territoires et de la mer (DDTM) et des pièces fournies par la partie civile, qu'au prétexte de l'effondrement de l'existant, M. Gil M. a détruit totalement, sans autorisation, la maisonnette de 39 m2 et édifié une construction nouvelle pour un montant d'au moins 170 000 euros, sans rapport aucun avec le bâtiment antérieur et les travaux objets de la déclaration préalable, qu' il a fait ajouter a minima, un niveau à l'existant de plain-pied, correspondant à une véritable pièce, équipée de trois fenêtres.

10. Les juges constatent que la classification du terrain en zone IND du plan d'occupation des sols, définie comme zone de protection des espaces et milieux littoraux remarquables en application du décret d'application de la loi

littoral n 89-694 du 20 septembre 1989, n'est pas contestée.

11. Les juges observent que le plan d'occupation des sols prévoit à l'article 1ND-1-1, que les démolitions sont soumises à un permis de démolir, à l'article IND-1-2 , que ne sont autorisés que les aménagements nécessaires à l'entretien et la reconstitution de la végétation, à la réhabilitation des sols, à la suppression de constructions parasites et les installations nécessaires à la sécurité maritime, la défense nationale, ou la sécurité civile, et à l'article IND-2-2, que toute restauration ou modification du bâti ancien qui en dénaturerait l'aspect est interdit.

12. Ils en concluent, qu'outre le non-respect de l'article 1ND-1-1 susvisé, force est de constater que les travaux engagés ne correspondaient pas à des travaux de restauration, mais à une construction entièrement nouvelle.

13. En l'état de ces énonciations ,procédant de son appréciation souveraine, dont il résulte que les travaux entrepris n'entraient pas dans les prévisions des articles L121-24 et R121-5 du code de l'urbanisme, en ce qu'il ne s'agissait pas d'une restauration ou d'une modification du bâti ancien ou d'une reconstruction à l'identique , mais d'une construction entièrement nouvelle, prohibée par le plan d'occupation des sols, dans un site remarquable, la cour d'appel a caractérisé les infractions et justifié sa décision.

14. Ainsi, le moyen doit être écarté .

Sur les deuxième et troisième moyens

Enoncé des moyens

15. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 6, 7 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, premier du premier protocole à ladite convention, 1240 du code civil, L. 111-15, L 480-5, L 480-7 et L. 480-8 du code de l'urbanisme, L. 142-2 du code de l'environnement, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale.

16. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a condamné M. Gil M. pour exécution de travaux sans permis de construire et en violation des dispositions du POS à une peine d'amende de 20 000 euros et s'est prononcé sur les intérêts civils alors :

" 1/ que, si les associations agréées mentionnées à l'article L. 141-2 du code de l'environnement peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives notamment à la protection de la nature et de l'environnement, à l'amélioration du cadre de vie, à la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, à l'urbanisme, elles ne peuvent en application de l'article 3 du code de procédure pénale prétendre qu'à la réparation de leur préjudice personnel ; qu'elles peuvent ainsi prétendre à la réparation de leur préjudice moral né de l'atteinte à leur objet social ou du remboursement du coût des actions entreprises en vue de limiter ou compenser les atteintes à l'environnement résultant de l'infraction ; qu'en ordonnant à titre de réparation du préjudice subi par l'association U Levante, association agréée, la remise en état des lieux, qui plus est par démolition, la cour d'appel qui n'a pas indemnisé un préjudice personnel de l'association découlant de l'infraction, mais une atteinte à l'intérêt général de protection de l'environnement, a méconnu les articles L. 142-2 du code de l'environnement et 3 du code de procédure pénale ;

2/ que, si la remise en état des lieux est accordée à une association agréée de protection de l'environnement, qui n'est pas la victime directe et personnelle de l'infraction, une telle mesure prend un caractère répressif ; qu'elle n'est pourtant pas soumise aux conditions qui s'appliquent lorsque la même mesure est prononcée sur le fondement de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme ; qu'en effet, elle n'est pas subordonnée à l'avis des autorités compétentes visées par l'article précité ; que le pourvoi en cassation à l'encontre d'une telle mesure n'est pas suspensif, contrairement à l'ordre de remise en état prévu par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme ; que cette remise en état n'apparaît pas susceptible d'être remise en cause par une régularisation postérieure à la condamnation, s'agissant d'une mesure prononcée à titre de réparation ; qu'il en résulte une différence de traitement injustifiée, selon que l'infraction donne lieu à une décision de remise en état à titre de peine complémentaire prévue par l'article L. 480-5 précité ou à titre de sanction, au profit d'une association, en violation des articles 7 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3/ qu'en outre, en assortissant une telle réparation d'une astreinte, mesure non indemnitaire, venant prévoir, a priori, la sanction du non-respect de l'ordre de remise en état, sans faire courir cette astreinte postérieurement à la date à laquelle la décision aura un caractère définitif, quand le pourvoi contre l'astreinte assortissant la remise en état fondée sur l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme a un caractère suspensif, la cour d'appel a, à nouveau, méconnu les articles 7 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4/ qu'à tout le moins, ce mode de réparation assorti d'une astreinte, porte atteinte au droit au respect des biens combiné avec l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme combiné avec l'article 14 de ladite convention ;

5/ que, par ailleurs, la contradiction ou l'insuffisance de motifs équivalent à l'absence de motifs ; qu'en ordonnant la remise en état, par démolition, sans rechercher si la démolition de l'ensemble de la construction n'était pas disproportionnée, au regard du fait qu'il existait avant les faits visés à la prévention une construction et que l'extension avait été autorisée par le maire, dès lors qu'elle relevait que la Direction départementale des territoires et des mers avaient émis un avis excluant la remise en état, aux motifs que la construction était finalement conforme au bâtiment préexistant auquel s'ajoutait l'extension autorisée, la cour d'appel qui considère que le bâti modifie significativement le bâti préexistant, sans expliquer quels éléments contredisent le constat de la DDTM, le comblement d'un sous-sol relevé par elle pouvant rétablir l'aspect du bâtiment dans sa forme antérieure, n'a pas justifié sa décision au regard de l'atteinte au droit de propriété, tel que garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

6/ qu'enfin et à tout le moins, les juges doivent assurer la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour chacune des parties ; que la réparation ne peut porter que sur les préjudices découlant de l'infraction ; qu'en ordonnant la démolition de l'ensemble de la construction, sans tenir compte du fait qu'à tout le moins la démolition du bâtiment principal, hors extension, ne s'imposait pas, aucun préjudice à l'environnement ne pouvant découler de la reconstruction d'un bâtiment qui préexistait à l'infraction, la cour d'appel qui ne s'est pas expliquée sur ce qu'elle estimait constituer une modification significative du bâti appliquée au bâtiment sans extension, a méconnu le principe ci-dessus énoncé. "

17. Le troisième moyen critique à l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné à titre de réparation, la démolition de la maison de M. M. alors :

" 1/ que seul peut être réparé le préjudice résultant de l'infraction pour laquelle le prévenu a été poursuivi et condamné ; qu'en ordonnant la démolition de la maison édifiée irrégulièrement aux motifs que le prévenu a comblé sans le détruire, le niveau supplémentaire qu'il avait créé et que la construction nouvelle, au vu des photographies présentées, modifie significativement le bâti qui préexistait et son environnement en raison même du comblement du niveau inférieur ; que dès lors que le prévenu n'était pas poursuivi pour la construction du sous-sol, qu'il avait contestée, mais uniquement pour avoir construit une maison nouvelle, après démolition, de 55 m2, ce qui ne visait aucunement la construction d'un sous-sol, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale ;

2/ qu'en n'expliquant pas en quoi ladite construction avait modifié l'environnement, lorsque le prévenu n'était pas mis en cause pour un exhaussement des sols et n'est pas condamné pour de tels faits, la cour d'appel a encore méconnu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale. "

Réponse de la Cour

18.Les moyens sont réunis.

19. Pour condamner M.M. à remettre les lieux en état par démolition de la construction au titre de l'action civile ,la cour d'appel énonce que l'Association U Levante, agréée au titre de la protection de l'environnement et à l'origine de la procédure, justifie d'un préjudice résultant de l'atteinte évidente causée par les deux infractions aux intérêts collectifs qu'elle défend, tout particulièrement s'agissant de la préservation de l'environnement en Corse.

20. Les juges relèvent que le principe de la réparation intégrale du dommage n'impose pas aux juges d'ordonner la démolition qu'elle réclame, mais de définir les modalités les plus appropriées à la réparation de celui-ci.

21. Les juges constatent qu'il résulte des auditions de témoins que le prévenu a comblé sans le détruire le niveau supplémentaire qu'il avait créé et que la construction nouvelle, au vu des photographies présentées, modifie significativement le bâti qui préexistait et son environnement en raison même du comblement du niveau inférieur.

22. Les juges en concluent que la remise en état des lieux par démolition de la construction apparaît comme le seul moyen de réparer efficacement et intégralement le préjudice causé, et demeure proportionnée à ce dernier au regard de l'atteinte portée à l'environnement et au littoral dans une zone protégée.

23. En statuant ainsi la cour d'appel n'a pas méconnu les textes susvisés.

24. En effet, d'une part l'article L142-2 du code de l'environnement, dérogatoire au droit commun, prévoit que les associations agréées peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles défendent et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives notamment à la protection de l'environnement ou en matière d'urbanisme.

25.D'autre part elle a souverainement apprécié, dans la limite des conclusions des parties et à partir des éléments qu'elle a estimé pertinents, que la remise en état des lieux sous astreinte constituait non seulement une mesure propre à réparer le dommage environnemental né des infractions, mais aussi proportionnée au regard de la gravité de l'atteinte portée à un site remarquable par une construction illicite.

26. D'où il suit que les moyens seront écartés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2500 euros la somme que M. M. devra payer à l'Association U Levante en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois juin deux mille vingt."


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