"Il ignorait à cet instant que la loi de la sérendipité, une version du hasard qui avait dirigé ses pas d’Apollinaire en Brassens, allait lui faire rencontrer un auteur qu’il ne cherchait pas. C’est ainsi ! On croit faire une randonnée anodine et le cinquième élément ajouté à l’air, à l’eau, au feu et au vent chamboule votre vie."
Convention,
Vouillé, Gergovie, Alésia depuis le pont Mirabeau l’homme marchait de victoire en défaite ainsi que le suggéraient les odonymes Gergovie et Alésia.
Impasse Florimont,
la fresque murale promise était bien là. Ici, Brassens résida chez Jeanne,
hôtesse, muse, maîtresse et l’homme s’engagea dans l’impasse termede sa randonnée murmurant les paroles de la
chanson "Les ricochets". Entre les murs il lui sembla entendre la
voix célèbre du moustachu chantonnant: « J’avais dix huit ans tout
juste quittant ma ville nata-le … la belle tentait d’faire des ricochets d’un’main
malhabi-le … pour un coup d’chapeau à l’Apollinaire-aire-aire-aire-re ». L’homme
se surprit à fredonner la rime amusé d’une rencontre imaginaire et anachronique
entre les deux poètes.
La balade, pédestre,
entamée au Pont Mirabeau cher à l’Apollinaire-aire-aire-aire-re devenue ballade,
musicale, qui rendit Brassens millionnaire-aire-aire-aire-re, s’achevait comme il
se doit puisque tout finit par des chansons au pays des gaulois réfractaires-aire-aire-aire-re.
Il était aux
alentours de midi, la rue d’Alésia coupait la rue Didot où Didon
dîna dit-on de dix dos dodus de dix dodus dindons.
Pas
de doute, notre homme, en ces temps de pandémie, avait attrapé le virus de la
rime et des exercices de diction. L’ami
Georges probablement répéta inlassablement dans son impasse pour en sortir,le temps que dura son anonymat et "l’amitié" de son hôtesse, ce
phrasé particulier qui fit son succès.
Apollinaire,
millionnaire, réfractaire, débonnaire l’homme chercha et trouva une brasserie pour
se nourrir dont l’enseigne, "Les artistes" promettait aussi d’alimenter
son … imaginaire-aire-aire-aire-re.
Nous étions depuis
20 ans dans ce nouveau siècle et le scénario du pire, qu’aucun auteur de
science fiction n’aurait osé, contraignait le monde
entierà déambuler désormais masqué après l’avoir paralysé.
La peur avait imposé son autorité !
Une
maladie mortelle menaçait riches et pauvres, célébrités et anonymes, puissants
et misérables, et contraignait tactiles et intouchables à tenir leurs distances.
L’humanité
était devenu une immense carte bleue sans contact.
On pouvait, et même devait, entrer dans une banque masqué comme le premier braqueur venu.
Le débat sur le port du voile était devenu obsolète et l’énigme historique du
masque de fer était loin d’être résolue. Le visage, l’identité, l’expression
disparaissant, il ne restait plus aux marchants de cosmétique qu’à fermer
boutique, aux grincheux à cesser de faire la gueule, aux niais à cesser de
sourire. Les coiffeurs et les embellisseurs d’oreilles, par contre, étaient
débordés.
L’homme que voilà
se voila la face et entra voilé dans l’établissement. Il ignorait à cet instant
que la loi de la sérendipité, une version du hasard qui avait dirigé ses pas d’Apollinaire
à Brassens, allait lui faire rencontrer un auteur qu’il ne cherchait pas. C’est
ainsi ! On croit faire une randonnée anodine et le cinquième élément
ajouté à l’air, à l’eau, au feu et au vent chamboule votre vie.
A la meilleure
table, des serveurs, serviteurs, serviables, serviles s’empressaient autour d’un
convive sans doute généreux en pourboire.
Cette pandémie, si elle ne faisait pas l'affaire et le chiffre des limonadiers, présentait l'avantage de jouir d'une table qui ne jouxte pas celles du monde d'avant où l'on profitait de la conversation et des postillons de son voisin.
A quelques tables de là socialement distanciées, le commensal principal
alors se démasqua pour honorer le plat du jour.
Puisque nous n’avons pas encore muté, la bouche
cumulait la fonction vocale, respiratoire et alimentaire. L’épidémie promettait
de durer et, la fonction créant l’organe, gageons que, dans quelques millions d’années,
un orifice dédié apparaîtra pour pallier à cette erreur de conception qui
oblige l’humain à la multifonction de ces organes mêlant le merveilleux et le fonctionnel et avec, Darwin s’il te plait,
séparation de la salle de jeux et de la maternité.
Stupéfait par le
visage qu’il aperçut, l’homme demanda au garçon du papier et un crayon.
Sur le block note
il écrivit, sépara, plia la feuille en carré et demanda à l’hermès en tablier qui attendait au garde
à vous une serviette à califourchon sur l’avant bras, de porter le message à l’homme démasqué.
Le destinataire le reçut avec beaucoup de distinction. C'est-à-dire qu’il ne tendit pas la main
pour s’en saisir après que le serveur l’eut déposé sur le coin de sa table.
Il
jeta un regard circulaire et discret sur les convives qui ne lui apprit rien.
Il
termina son verre, tamponna les commissures et ses lèvres de sa serviette,
lissa son crâne dégarni et déplia le carré d’Hermès et de papier sans le lire. Ses gestes
lents et majestueux économisaient l’énergie donnant la vertu de la noblesse à ce qui était de la gestion de ses ressources humaines.
L'Alfa, la tête en vigie sur le mat de son cou, posa l’acuité de son regard
aquilin mais ne décela rien de la provenance de la missive et encore moins de l'émetteur.
Au passage sa vantardise encaissa une imperceptible déception: l'assemblée était exclusivement masculine!
Seul le texte qui attentait
l’hommage de sa lecture pouvait le renseigner. Un écrivain, en tout cas
celui-ci, répugne à lire autre chose que
sa prose et un homme de cette impatience ne joue pas longtemps à "Où et qui est Charly?"
Il lu :
« Si vous
êtes Salvador X, je suis Phalène de Lamparo ! »Il se leva, furieux.
Le troll qui pourrissait son blog était là, dans la salle, anonyme, proxime* et intouchable
Putain de masque !
* j'aime bien!
Pseudo guéguerre des pseudos
