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Rupture(s)

Publié le 14 juillet 2020 par Alexcessif
Récit sorti de la naphtaline. 
Pour certains la rupture est une malédiction, une version morbide du mouvement perpétuel.
D'une histoire à l'autre, en montant chaque fois une marche et  trébucher sur la plus haute. L'inédit rendant soudain obsolète le passé, il n'y aurait desormais plus de place pour un autre visage, la régression m'étant épidermiquement et viscéralement  impossible. Indigne à vrai dire! On n'insulte pas la mémoire.
Des mots différents dans ce récit, pourtant tout était déjà écrit d'un destin en forme de ruban de Moebius dont il faut pourtant œuvrer à le mettre à plat(s) dans cette vie qui les repasse 
Rupture(s)


Aparté cinématographique:
L'arrangement" film d'Elia Kazan: Rupture(s) Nanti d'une belle situation marié à une femme charmante et possesseur d'une maison avec piscine . A ce bilan officiel de prospérité en somme, un arrangement agréable dont soudainEddy ne parvient plus à se contenter. Est-ce parce qu'il a dû rompre avec sa maîtresse qui est si bien son type ou parce que ces masques l'étouffent ? Dans un sursaut d'énergie, il décide de repartir à zéro sans épouse ni fortune ni emploi, mais aussi sans masque et sans contrainte. Roman et film d'Elia Kazan, 1969. Faye Donaway, Deborah Kerr, Douglas père

-La dérobade-

Lorsque j'ai répondu à l' invitation ci dessous, j'ignorais que ma vie allait basculer vers l'ubac, le coté sans soleil de la montagne pour une longue chute. En un mois, (celui de mon anniversaire, marrant non?): chômage, rupture, prise de poids (+12 Kg) abandon de l'épreuve.... etc

La dérobade: invitation

"Cher ami,
Comme tu as pu le constater, nous n’avons pas organisé notre compétition en 2009. La responsable, c’est bien évidemment la tempête du mois de janvier, effectivement le massif forestier a été durement touché et l’accès aux parcours du raid étaient interdit. Mais cela fait plus d’un an, et la forêt est de nouveau accessible pour les amoureux de la nature que nous sommes. Nous nous surprenons nous même à redécouvrir notre contrée, les gorges du Ciron et de la Gouaneyre notamment. Tu pourras d’ailleurs en profiter aussi le 8 mai à Bernos-Beaulac en participant à notre épreuve. Voici le programme de cette édition : En guise d’échauffement : 14 km de Trail . (Terrain accidenté, passages humides et dénivelés casses pattes) En suivant, un petit rafraîchissement sur 5 km en canoë sur le Ciron. La baignade n’est pas obligatoire mais certain ne peuvent s’empêcher d’en profiter. Enfin, en plat de résistance, les 25 Km de VTT qui ont fait la différence en 2008 ( les vainqueurs ont pulvérisés les chronos sur cette épreuve ). Cette année le Défi du Ciron sera complet avec les trois raids du sud-Gironde réunis, a savoir chronologiquement le Raid de Bommes, le Raid du Ciron et Le Raid de la Gemme. Chaque épreuve sera composée des trois disciplines sportives ( Trail, canoë, VTT) Les meilleurs des trois manches recevront une récompense lors d’une cérémonie officielle. Tu trouveras sur le site internet le bulletin d’adhésion à nous renvoyer. Comme tous les ans, nous limitons le nombre d’équipes à 150. Nous vous demandons un petit effort pour nous faire parvenir vos inscriptions le plus tôt possible, ceci pour des raisons évidentes d’organisation mais surtout, pour éviter de dépasser les quotas d’inscription que nous nous fixons. Nous avons dû refuser de nombreuses équipes dès la fin du mois de février l’année dernière. Merci de nous éviter ce crève cœur car cela nous gâche la fête. Proverbe du raider expérimenté « Qui Ménage sa monture ira peut être jusqu’au bout ! »
A Bientôt. L’équipe du Raid du Ciron"

Al. ira? ira pas? ira!

Rupture(s) Bon, on ne va pas tourner autour du pot cent sept ans: j'ai abandonné!
Assez prévisible. La raison aurait voulu que je ne prisse pas le départ, mais la raison contre l'envie, hein, j'ai pas raison?
A quand remonte cet acte manqué? "-le jour de l'inscription." me répond mon ennemi de l'intérieur.
Je me suis inscrit en solo sur un raid où les potes sont en duo parfois mixte (Ci-contre: Sophie et Eric. J'ai dis duo, j'ai pas dis couple). Bon la course à pieds  en deux sessions, pas besoin d'être deux, je me ferais des potes parmi les 300 autres coureurs, le VTT pareil, par contre, les 5 kilomètres en canoë sur  le Ciron en solo, ça va piquer.
Il y a déjà dans cette inscription en solo une présomption d'abandon et les germes de la démission sans avoir à rendre de compte à un partenaire.
Il y a aussi et simultanément cette bombe à retardement qui vient de me péter à la figure: 
mon suicide social décidé en septembre explose maintenant. Les événements accélèrent et progressent sans respect des limitations de vitesse après une longue stagnation et je les subis après les avoir déclenchés.
(C'est con: Tu portes le premier coup à cette vie qui ronronne.
Pas de réaction!
Tu t'agites, t'insistes sur les travaux de démolition: politique de terres brûlées, tu verrouilles l'abandon, franchis le point de non retour. 
Toujours pas de réaction du camps d'en face! 
Tu baisses la garde et là... tu récolte la moisson des coups.
La vie réponds à son rythme: "Qui sème le vent récolte le tempo!")
Ensuite j'ai laissé se capitaliser les jours de non-entrainement indexés sur la métèo dans une procrastination oscillant entre l' aquabonisme et le perfectionnisme. 
On l'ignore mais la procrastination est l'autre versant du perfectionniste: faute de ne pouvoir réunir les paramètres de l'absolu il remet au lendemain, puis demain et demain fois trente, le compte est bon et c'est pour demain!
à  J moins 1, j'ai préparé le matos comme un bon élève avant l'examen. Puis, j'ai soigné la diététique allant jusqu'au plat de pâtes sauce tomate.
Couché à 21h avec un peu de précipitation et trop d'incertitudes, réveillé à 23, un somnambule, qui ne pouvait être moi, s'est levé tiré de son sommeil précaire par un fantôme de connivence avec le démon de l'échec. 
J'avais besoin de douceur.
A part manger un yaourt, j' vois pas!
Les portes et les fenêtres étaient molles et j'avais un éléphant sur la poitrine. Je me suis glissé entre le sol qui montait et le plafond qui descendait, progressant comme Atlas avec le poids du monde sur les épaules. Je me suis souvenu d'un litre de gelatti à l'enseigne " Carte d'Or" dans le congélateur, à peine effleuré.
Il y avait des traces de ligula vulgaris* qui rendait la surface imparfaite de ce cristal impénétrable.
Alors une main, qui ne pouvait être la mienne, s'est emparé de l'outil du ciseleur comme un disciple de St Eloi avec des ambitions d' orfèvre. Elle s'est employé à façonner des facettes, un peu à droite, un peu à gauche, et à extraire de ce diamant brut de café, les grains de moka craquants de délice sous une dent complice. Encore une dernière pour parfaire la matière tendre, basanée, soumise. Et ce contenant qui soufflait sur les braises de ma conscience comme le diable au curé des "Trois messes basses":
"-soulage-moi de mon fardeau glacé et, une fois vide, je te servirai docilement à ranger toutes ces bricoles qui encombrent l'établi dans ta cave".
Cépafô y a un bordel dans cette cave!
Allez, encore une dernière "dernière".
A l'ultime cuiller, j'ai compris, mais trop tard, le dessein du fantôme de compromettre mon lendemain. La caféïne n'est pas une bonne idée et je n'ai retrouvé le sommeil que de 5 à 7. Il y a comme ça des nuits imparfaites qui laissent l'âme morcelée et le corps épuisé. Au réveil j'étais sur une plage, trempé d'eaux, céans et ailleurs, dégurgitant de l'angoisse, gracié ou dédaigné, va savoir, par les naufrageurs du sommeil. L'eau de mer était ma sueur.
Il était hors de question de ne pas y aller et il y tant de subliminal dans cette "préparation" inversée, l'ironie du Shétan* et l'humour des fausses pistes. Alors fourvoyons-nous puisque tel est notre destin et jetons le bonnet par dessus les moulins.

La dérobade: la course

J'ai démarré mollo, refusant toutes les escarmouches durant les 5 premiers kilomètres de trail. Dans les appuis, sur les talus boueux, les ravines, les racines et les ornières me souvenant de la prudence et des quotas: un amour pour la vie et deux chevilles par personne.
J'ai pris du plaisir dans la seconde partie VTT pour 17 kilomètres. Des relances généreuses dans les bouts droit à saute concurrents par grappes de deux ou trois. Les passages techniques ne m'ont pas posé de difficulté à jouer de l'adhérence sur les roches humides et les coups de reins pour jaillir des taillis. Le single track (monotrace) entre les arbres à jongler du dérailleur et des transferts d'appuis m'ont amusés. Par contre, rentrer au parc coureurs rempli des vélos des copains déjà repartis à pieds depuis belle lurette pour le second trail de 7 kilos en direction des canoës m'a fragilisé le mental peu aidé par un physique en très petite forme. Il était treize heures et il commençait à faire faim. Le décalage entre mes sensations de vitesse et la réalité de mon inefficacité m'a gavé. Conscient de ce que ma présence dans le maigre groupetto de retardataires avait de ridicule en petit vieux déguisé en sportif, j'ai décidé d'abréger mes souffrances d'espèce en voie de disparition.
Il était temps de prendre la fuite.
J'ai aperçu opportunément dans un fourré qui bougeait un lapin blanc. Depuis Matrix, il a trouvé chez Alice un gilet pour couvrir sa bedaine et il a dans son gousset une montre molle et sans aiguilles. T'en veux des symboles sur le temps qui s'enfuit? ben t'en as!
Ce sont les oiseaux qui ont vidés le ciel en premier comme un nuage vivant. En plus rapide! Le sol d'herbe s'est mis à disparaitre par touffes entières, le parc à vélo à perdu sa géométrie de roues et de cadres multicolores comme si la lumière faisait fondre la couleur, la palissade perdait ses piquets de bois un à un, les spectateurs devinrent flous. Baissant la tête, j'aperçus les aiguilles de la montre du lapin croisée comme des ciseaux en train de me couper les jambes et mes mains perdre les pixels jusqu'aux poignets puis la dénumérisation s'en prendre à mes avant bras.
.......................................................................

La dérobade: Abandon.

Rupture(s) Là, j'ai bon: J'ai encore mes lunettes et mon casque de VTT. Je suis bien assis sur une selle mais la pression du vent sur la poitrine est anormale et j'ai les bras qui s'allongent. Apparemment j'ai changé de monture. Il y a du goudron sous les roues, des rails métalliques en bas des murs qui défilent d'un couloir qui rétrécie. Les arbres au delà du grillage ont aussi peu d'espace que dans un code barre. Le compte tour annonce: douze mille. La zone interdite est à 14.000 sur ce genre de machine. Le compteur digital annonce zéro pour les unités, trois pour les dizaines et un deux là où il faudrait un 1 pour être normal. Je suis sur une moto qui fonce à 230 sur un autoroute.
Tout baigne, j'ai bien fait de suivre ce lapin blanc, pas comme la dernière fois! A part ce Deux en place du Un. A quoi ça tient la vie? Un fil! Un chiffre! Désertant les "champs de batailles", je suis passé sans transition de la prairie de Bommes au ruban de bitume et s'est en faisant du rangement dans ma tête en mode brainstorming à moi tout seul que je me retrouve en pleine délinquance routière avec la Chevauchée des Walkyries en fond sonore .
Bon, faut couper les gaz, changer de guide et remplacer Richard Wagner par Saint Christophe (Miossec).
La moto est comme un plaisir solitaire dont la puissance éphémère tient dans l'activation manuelle.
Je laisse revenir la poignée droite réduisant l'expansion dynamique de mon univers en débandade atterrissant sur la planète de la translation ordinaire tandis que l'orgue de l'échappement perd ses octaves et que la bourrasque se calme.

*simple cuillère

* Diable en arabe.
La dérobade:L'arrangement
..................................................... Je n'aimais pas ce que nous étions en train de devenir........
Tout compte fait j'étais l'illusionniste qui lui a volé sept ans de vie. Alors elle a repeint sa chambre tout en blanc avec un peu de vert. Elle avait besoin de clarté, de propreté et d’un peu d’espoir. Elle sentait l’avenir s’emplir d’incertitudes au crépuscule de ses quarante ans et elle n’avait pas trop envie d’oublier pour encore, tout recommencer. Mais c’était la seule solution. Ainsi, lorsqu’elle fut prête, le temps apporta une réponse tombée du ciel et l’avenir eu soudain un visage...."
….......J'ai suggéré l'arrangement 
" - Fais gaffe Alex!" Suggère Tom B.Dunid.
Tom, c'est mon Jiminy Cricket. Je l'amène parfois. Plus facilement que Hank Koler qui s'inscruste souvent en ce moment et, tandis qu'Armand Getout passe vers minuit, Arnaud Stalgie lui, est l'invité permanent.
On est d'accord: il faut être plusieurs pour être vraiment seul.
Il a raison Tom: Deux poids lourds immatriculés en Espagne veulent passer la frontière avant l'interdiction de circuler. Celui qui roule à 81 km/h veut doubler son pote qui roule à 80.Cela donne un mur avec un porte entrouverte et surtout cela risque de durer un petit moment.
Je pense à ce film d'Elia Kazan de 69. J'avais 15ans. Dans la scène d'ouverture,Douglas père passe entre deux camions au volant de son spider Alfa Roméo entre les roues immenses des deux bahuts, fasciné par le danger.
Tout à l'heure, lors du transfert de ma selle de VTT à celle de la moto, je suis passé à 230 à coté des bagnoles bloquées à la vitesse légale. 
Il doit y en avoir un ou deux qui, prenant ma distraction pour de la provoc, vont me tomber dessus comme des morts de faim pour jouer à celui qui a la plus grosse à la barrière de péage.
Alors, afin de préserver une "quiet zone" pour faire du rangement dans ma tête avec mes potes, je tente le passage façon Kirk Douglas. 
Les deux chauffeurs ont du lire ou entendre St Exupery: 
"Tous s'écartent quand on voit passer un homme qui sait où il va" Fin de citation, ça passe en repliant les rétros et on se retrouve entre nous, tranquillou: La gourmandise, la colère, la paresse, l'orgueil, la luxure, l'envie et l'avarice qui viendra quand je serai riche.
"-Alors Al. tu disais?
- je viens de faire ce que je sais le mieux faire: fuir!
- qui, quoi?
- tout! Compagne, boulot...
- vous deviez vous marier à la fin de l'année, non?
- oui! Mais Reggiani m'est tombé dans l'oreille:" il suffirait de presque rien, peut-être dix années de moins, pour que je lui dise: " je t'aime", à quoi bon jouer la comédie, du vieil amant qui rajeuni.... elle au printemps, lui en hiver ..."
- vos quinze ans d'écarts....
- ....ne lui posaient aucun problème, mais j'avais du mal à croire que l'on puisse m'aimer moi qui me déteste encore un peu.
- t'es sorti de la matrice,comme ça, nu, sans protection? t'es vraiment dingue, intervient G. Laloose."
Si Laloose est là, ça va être sportif: il sait de quoi il cause, l'oiseau de hasard frère de l'opportunité et prétexte de la paresse.
"- Non, il a téléchargé le programme "En route vers de nouvelles aventures"sans désinstaller le: "Je t'aime encore!" affirme Roman Talist, péremptoire. "Il est nul en informatique"
Roman Talist s'est invité sur le siège arrière. Son acuité mentale m'aide parfois ou me manipule.
C'est lui, le lapin blanc de tout à l'heure!
Je suis, en le suivant encore et toujours, entre l'immaturité et la conformité au scénario d'enfant avec un peu de confusion dans le libre arbitre: Il y a tant à désapprendre dans le monde adulte. Pourtant l'enfant que j'étais savait déjà tout. Il lui restait juste à apprendre d'allier le rationnel et le passionnel au lieu de les opposer.
"- tu parles, il s'est fait piquer la main dans le sac, oui!"tranche Luc Sur toujours dominé par sa libido, mais assez concis.
Ils ont chacun un peu raison: je me suis rendu à mon vieux démon de l'écriture. Je me suis mis à croire à mes propres histoires. Jimmy Thoman a pris le dessus sur Jiminy Cricket, Victor Gueil a subi l'anonymatet son cortège d'humiliation, Yvan Hité s'est enflé de quelques compliments et Jean Vilevoisin avait des rêves trop grands. 
A coté de celle qui connait le prix des carottes et de la vie quotidienne tandis que je deviens aigri et mutique.
Usé par ce boulot alimentaire qui me laisse crever de faim et me bouffe la vie. 
Préambule de la future crise de la soixantaine le jour de mon 55ème anniversaire, je m'évade et me paume.
Je suis devenu un Autre et même trop d'Autres.
Elle, qui n'ouvre jamais un bouquin, est tombé sur les mots que j'écrivais à d'Autres dans l'Ailleurs.
Elle qui ne perçoit pas l'appel au secours de ce suicide social.
Elle qui se souvient de ce père volage l'amenant, enfant, chez ses maitresses.
Et, puisque ma tête était dans les étoiles, en quête de l'inaccessible, de la somme de toutes ses dissonances, je ne l'ai pas dissuadé.
Tel un Don Quichotte fatigué de batailler contre tous ces moulins à vents, j'ai proposé l'arrangement, cette fuite déguisée, masquant mon "faux pas" virtuel sans trop prévoir la suite:
"- Devenons un couple économique et colocataire afin de conserver ce confort essentiel et laissons s'installer dans ce vide affectueux le hasard et l'opportunité."
J'ai trouvé savoureusement caustique de payer pour des fautes que je n'avais pas (encore!?) commises puisque j'étais sans souvenir des fautes sans doute commises et non-expiées.
Quand un événement m'échappe je rebondis souvent en croyant qu'un autre moi mystérieux et subtil l'a organisé faisant mienne la philosopie dEpictète.
Cela cachait une autre peur:
Notre douce mécanique fonctionne à "chaque coup" au delà de ce que j'ai connu sur une durée aussi faste. J'imaginais, puisque je franchissais souvent la porte des étoiles, que nous devenions une histoire de tenon et de mortaise et afin de ne pas subir un jour la débandade, j'organisais la dérobade dans la confusion entre courage et inconscience, prétention et ambition. Avec cette constance et ce talent à me fabriquer des souvenirs poisseux.
"Alors elle a repeint sa chambre [.....] "
Je me suis installé une autre couche sur la mezzanine m'assoupissant tous les soirs lentement prés d'un fantôme. Sa porte resta entrouverte durant quelques nuits.
Je ne le verrai, compulsif et virtuel, que lorsque elle s'est définitivement refermée.

Ensuite il y eut ce jour où :
Nous sommes allés avec les filles en Kayaks sur la Leyre. 
Les constantes: Paramètres météo favorables. Fréquentation: hors saison. Zone autorisée entre Salles et Mios. Courant coopératif. Trajectoires larges. Effort limité au guidage. Gilets: oui.( sauf moi) Coefficient risque 1/10.
Canotage paisible, soleil, rivière douce, photos et grosse rigolade. Puis les cris de terreurs ont remplacés les cris de joies. La variable inconnue: Arbres en travers.

Tandis que la "petite" était à l'abri sur la berge, nous avons tenté un passage sous un arbre couché plutôt que sortir de l'eau et tirer l'embarcation au sec pour franchir ce barrage naturel. 
Le canoë s'est mis en travers, s'est remplis d'eau et a chaviré. Fabrina, coincée par le courant qui poussait, l'arbre qui retenait et son gilet de sauvetage qui faisait son travail de gilet de sauvetage, c'est à dire une poussée de bas en haut suggérée par Archimède et sensée être salvatrice sous cet arbre morbide qui ne voulait pas lâcher sa proie.
Quand à moi, entrainé par le courant avec le kayak à l'envers j'ai subi le même sort une centaine de mètres plus loin bloqué par un autre arbre complice et son affection trouble et macabre. Sans gilet de sauvetage, j'ai pu émerger du torse et me maintenir le plus longtemps possible la tête hors de l'eau comme un fer à cheval autour d'un piquet. 
Les muscles congelés par le froid, les jambes entrainées sous l'arbre, la poitrine comprimée contre l'écorce par le courant violent accéléré par le phénomène de l'entonnoir de cette flotte s'engouffrant dans l'espace réduit entre la surface et le tronc, j'étais incapable de remonter à la force des bras et sans appui pour les jambes, le canoë formant la seconde mâchoire de l'étau. J'ai aperçu dans l'au-delà de la canopée vers le ciel soudain assombri "la Longue Dame Brune" debout la faux contre sa hanche nonchalante. 
Il m'a semblé voir sourire son visage décharné dans l'ombre de la capuche. 
A ses pieds était un lapin blanc. 
J'allais lâcher prise pour la rejoindre, lorsque j'ai senti sa main squelettique sous l'eau guidant mes gestes quelques centimètres à droite vers une branche verticale me fournissant un marche-pied salvateur pour me sortir de cette mauvaise passe. Sans elle, abandonnant le mouvement aléatoire de mon pédalage dérisoire, j'avais peu de chance de trouver cette vieille branche bienvenue comme une amie inespérée. 
Pendant ce temps, un chasseur tombé du ciel, jeune et beau (le chasseur pas le ciel) passait par là et , entendant les cris, est venu tirer Fabrina hors de l'eau obtempérant à l'injonction télépathique de la Longue dame brune remettant à plus tard son projet morbide. 
Rentrés à cinq heure, nous nous sommes mis en cuisine pour la fabrication d'une blanquette de poulet ainsi qu'un tiramisu puisque mon frangin vient déjeuner demain .
Voilà pour le Samedi!
Le dimanche, les invités se pointent avec Emma  2 mois à son compteur de néo-terrienne et 3 kilos d'échantillon de vie, nous qui avions failli terminer la nôtre la veille sous les yeux d'une adolescente de 14 ans en larmes et impuissante devant le drame de sa mère en train de se noyer à quelques mètres d'elle tout en, maman courage, lui donnant des "-tout va bien ma chérie!"à vocation rassurante entre deux tasses.
J'ai repris du tiramisu.
Promenade et carnaval de saison sur les quais pour terminer l'après midi au spectacle de la cavalcade des chars et des déguisements. Ils sont restés diner.
Que de tentatives pour exister, rendre la vie attrayante et ce pitoyable résultat qui me coupe l'envie chaque jour de bouger tant il y a de conneries dans chacune de mes initiatives.
J'ai appris ce Week-end:
a) que je devenais un personnage dangereux pour d'autres que moi-même. Il me faudra désormais intégrer cette nouveauté de sérial killer autodidacte.
b) que la "longue dame brune" n'aime pas les petits chauves. On s'est promis de se revoir.
Alors, aujourd'hui encore, je vais tenter silencieusement et lentement d'aller du lever au coucher du soleil sans dommages.
La dérobade: permission de sortie.
[.....] Ainsi, lorsqu’elle fut prête, le temps apporta une réponse tombée du ciel et l’avenir eu soudain un visage...."
L'opportunité sœur du hasard est la variable inconnue dans le scénario original!
"- Bonjour le symbole: Il la sauve de la noyade où tu l'as précipitée" intervient Roman Talist
J'avais oublié le chasseur!
J'avais oublié que la nature a horreur du vide dans le coeur d'une femme.
"J'avais zoublié que les roses sont roses
J'avais zoublié tant de belles choses"
Ils se revirent, cela se fait pour des remerciements et j'ai vu ses yeux se remettre à briller.
"- la banalité extraordinaire! tu parles d'une accélération de tes particules élémentaires.
- cause comme tout le monde, Alex, dit: "choc frontal avec la réalité". 
Là j'ai morflé.
La panique s'est installée, noctambule, excitant des réflexes primitifs de propriétaire d'Elle qui savait se donner sans s'aliéner. Puis, faisant le tri entre les blessures d'égo et d'orgueil, j'arrive invariablement à ce grand A:
J'écrivais pour elle à d'Autres et dans l'Ailleurs ce que je ne savais plus lui dire dans l'Ici et le Maintenant. 
Aimer, enfin adulte se résumera désormais dans ma capacité à accepter sans rebellion qu'elle soit heureuse sans moi. 
L'important n'est-il pas qu'ils brillent encore, ses yeux noisette? Fermant les miens je subis, lâche et misérable, les images impudiques car je sais le pouvoir d'une femme pour rendre un homme dépendant le temps que l'amour s'installe.
Je passe assez rapidement de l'état de colocataire à celui de loque à terre. D'avoir dupé Dieu autant que Satan il m'est devenu impossible de prier. L'idée de la régression m'a assez vite quittée. Pourtant, Elle m'a rendu heureux sept ans durant et je n'ai à opposer que des histoires de tube dentifrice mal rebouchés et de brosses à cheveux qui traînent, moi qui suis dégarni, qui me rendirent aigri d'être un domestique tandis qu'aujourd'hui je serais prêt à ramper pour qu'elle reste.
"- Genre : "Si tu reviens j'arrête tout"? ironise Arnaud Stalgie.
- ça risque de donner: "casse-toi pov' con" rétorque Alex Cessif.
- Il y a peu de chance, elle ne maîtrise pas ce langage présidentiel, conclu Tom B. Dunid."
La porte des étoiles était bel et bien celle de la chambre du fond!
Le ciel s'est fait menaçant comme l'avenir pourtant j'ai enfourché la moto.
Rentrant la tête dans les épaules, je me suis glissé entre le ciel et l'horizon et j'ai quitté l'autoroute vers une départementale pour aller prendre des nouvelles de la nature.
Il me fallait le calme d'un étang et la chaleur d'un bois.
"Elle avait ces yeux noisette qui me donnèrent envie d'être un écureuil...."
"- on ne quitte pas impunément un 95 C sussurre la luxure.
- ta bouche, Luc."
Dans la vrai vie on peut s'évader et revenir indemne ou intègre d'une permission de sortie mais il est impossible de se débiner.
Quoique!
Alex a remisé la moto et s'est allongé dans la noirceur de cette nuit blanche et inter-minable. A l'heure du "Midnight express"*, un somnambule nommé Hank Kholer est allé marcher dans la nuit avec un solde de haine et une grosse envie de fighter* un imbécile qui serait moi.
J'avançais comme un bourrin mes 55 balais bien travestis sous une casquette à visière avec mon format jockey et mon sweat à capuche finissant le dernier jour de mon age*. Je n'ai pas vu tout de suite la Ford qui me suivait au pas. C'est quand elle a fait marche arrière pour me dévisager que j'ai aperçu les quatres malfrats à l'intérieur. Quatre! ça tombait bien, j'avais faim. 
Je me suis approché en hochant du menton comme une bonne racaille. Genre De Niro dans "Taxi driver":
"-are you talking to me?" Il y avait un zombie au volant et, à l'arrière, un lapin géant avec des menottes ainsi que la faucheuse avec son outil en version télescopique (parce qu'une faux à l'arrière d'une Ford banalisé.....) Le plus patibulaire a montré sa carte tricolore à travers la vitre et m'a demandé mes papiers.
Coup de bol, je les avais. 
C'est comme ça que l'on a évité "la bavure".
Le ridicule ne tue pas ....encore!
C'est biblique: Sept ans de "vaches maigres" succéderont aux sept ans de "vaches grasses" durant lesquelles j'ai cassé le miroir et c'était du verre blanc. Mais foin des superstitions, ça porte malheur.
J'ai pour moi la trinité:O-N-E.
Je suis ONE, unique et seul.
Je suis NOé, détenteur dans mon arche des ADN des vices et des vertus en bon schizophrène.
Je suis NéO, préfixe de nouveau, inné-dit sans acquit.
Je suis une page blanche où il faudra agencer les lettres puis les mots.
Il reste à remettre en marche la machine à gagner et revenir dans la matrice.

(Al.C. "Mémoires d'un fuyard, schizophrène et plus si affinités". à Duras le 19 Avril 2010)
* souvenez-vous: l'évasion de Brad Davis des geôles turques (film de Alan Parker-78).
*"Fight club" Brad Pitt/Edward Norton: un cas intéressant de schizophrénie.
* "événements" survenus entre le 15 Mars et le 19 Avril, son anniversaire et le mien. MdR!
Pendant ce temps je lisais: "Le montage" Vladimir Volkoff, "Au delà de cette limite votre ticket n'est plus valable" Romain Gary, "Mémoires" Hubert Reeves, "Vents contraires" Olivier Adam, "Combat avec le démon" Stefan Zweig; "La dictature du chagrin" Stig Dagerman, "dialogue entre un prêtre et un moribond" Marquis de Sade, "Fragment du discours amoureux" Roland Barthes qui m'ont sans doute un peu influencé.

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