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Jean Gandois, "victime" des 35 heures

Publié le 13 août 2020 par Sylvainrakotoarison

" J'ai fait ce que je devais faire... " (Jean Gandois, 13 octobre 1997).
Jean Gandois,
Réflexion lors d'une démission. Le patron qui est mort le vendredi 7 août 2020 des suites d'une mauvaise chute, à l'âge de 90 ans (il est né le 7 mai 1930), était largement connu avant d'avoir été le "patron des patrons", selon l'expression utilisée. En effet, Jean Gandois a été l'un des patrons les plus célèbres de France, personnage public pendant longtemps, interrogé sur les mesures économiques et la situation industrielle de la France.
X-Ponts et Chaussées, Jean Gandois fut entre 1972 et 1976 directeur général de Sacilor puis PDG de Sollac, ensuite entre 1976 et 1982 directeur général puis PDG de Rhône-Poulenc. Jean Gandois fut ensuite nommé PDG de Péchiney de 1986 à 1994. Il fut également président de Cockerill-Sambre de 1987 à 1999.
Péchiney venait d'être nationalisé en 1982 par les socialistes et Jean Gandois a su poursuivre l'assainissement des finances de Péchiney et poursuivre l'expansion de l'entreprise, notamment en rachetant la société américaine Triangle (dont American National Can était une filiale, spécialiste de l'emballage). Cela a donné lieu à une affaire politico-financière impliquant notamment des responsables socialistes et des proches de François Mitterrand, dans un délit d'initié lors de son OPA en novembre 1988, notamment Alain Boublil (directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy), Samir Traboulsi, Roger-Patrice Pelat et Max Théret.
Entre 1989 et 1991, après une expérience de haut fonctionnaire dans le domaine du Travail, Martine Aubry fut nommée directrice adjointe à Péchiney. Elle est devenue alors une amie de Jean Gandois, même après Péchiney, ce qui a eu quelques conséquences plusieurs années plus tard.
En effet, en 1994, Jean Gandois s'est fait élire président du CNPF (l'ancêtre du Medef), dans un contexte de retour du centre droit aux affaires, avec une très large majorité, le gouvernement d' Édouard Balladur. Après l'élection de Jacques Chirac à la Présidence de la République, puis, la dissolution du 21 avril 1997, son ancien concurrent Lionel Jospin gagna les élections et fut désigné Premier Ministre socialiste. Il est arrivé avec deux bras droits, grands poids lourds du gouvernement : Martine Aubry aux Affaires sociales et Dominique Strauss-Kahn aux Finances.
Or, la principale promesse de la campagne des socialistes en 1997 fut la réduction du temps de travail (RTT). Elle était une ineptie économique, mais il fallait un marqueur à gauche après la grave défaite électorale de 1993. Jean Gandois, proche de Martine Aubry, a cru pouvoir influencer les responsables politiques pour assouplir cette mesure anti-économique qui allait plomber la productivité du travail. C'est d'ailleurs à partir de cette date-là que la France s'est rapidement désindustrialisée, trouvant dans d'autres pays des charges salariales beaucoup plus faibles.
Jean Gandois,
La directrice de cabinet de Jean Gandois était aussi une amie de la famille de Jacques Delors. Jean Gandois venait rencontrer seul Martine Aubry. Son leitmotiv, c'était que la loi sur la réduction du temps de travail ne devait pas être systématique ni à caractère obligatoire, mais seulement incitative. Denis Kessler, vice-président du CNPF et président de sa commission économique, très remonté contre les 35 heures, regrettait de ne pas avoir été impliqué dans les négociations avec le gouvernement. Jean Gandois était trop solitaire et misait sur "son indiscutable charisme" et "son envergure internationale" (selon Henri Gibier, dans un article publié dans "Les Échos" le 10 janvier 2020). Trop confiant en lui, Jean Gandois expliqua imprudemment à la direction du CNPF que cette loi était sous (son) contrôle. C'était oublier l'objectif politique d'une telle loi (Martine Aubry, pourtant très libérale avant 1997, gauchisa ses positions au point de ne plus pouvoir prétendre à la Présidence de la République).
Lors de la conférence sociale du 10 octobre 1997 à Matignon, Jean Gandois a appris qu'il ne pouvait plus empêcher cette mesure. Lionel Jospin venait en effet d'annoncer deux lois, une incitative puis, deux ans plus tard, une de généralisation de la réduction du temps de travail. Trois jours plus tard, trahi par Martine Aubry et déconsidéré vis-à-vis des autres patrons, il a jeté l'éponge en démissionnant de la présidence du CNPF. Il ne pouvait pas représenter le CNPF pour combattre son ancienne adjointe, Martine Aubry, sur les 35 heures. Le 16 décembre 1997, Ernest-Antoine Seillière lui succéda et créa par la suite, le 27 octobre 1998, le Medef, beaucoup plus combatif contre le gouvernement socialiste.
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Sylvain Rakotoarison (10 août 2020)
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La France est-elle un pays libéral ?
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Jean Gandois,
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200807-jean-gandois.html
https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/jean-gandois-victime-des-35-heures-226362
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