Magazine
je voulais l'appeler hockneycomme david le peintrel'homme-chat voulait lui donner un autre nomdont je ne me souviens déjà plusnous avions deux heures et demie de routepour nous fixer sur quelque choseque nous allions dire plusieurs fois par jourpendant une quinzaine d'annéesil m'a mise sur la piste d'un nom amérindienj'ai adoré l'idéej'ai alors allumé le cellulaireet me suis connecté au web payantet puis j'ai écumé wikipédiaà la recherche de senset il n'en faisait pas beaucoupje ne voulais pas nommer un petit félind'un nom voulant direpetit oursonou grand loup qui hurle
nous avons aimé nayatiqui voulait dire guerriernous allions bientôt le rencontreret voir s'il savait guerroyer
c'était notre première sortiedepuis le début du confinementon débarquait avec notre char urbainet des cadeaux pour notre amietransportant nos germes métropolitainsvers l'air pur des laurentidestout ça pour un chaton dont nous avions très enviecomme quoi l'égoïsmec'est totalement aveugle
les petits jouaient déjà dans l'herbeavec d'autres matous plus matureset une toute frêle mamanqui avait eu sa troisième portée
les triplets se roulaient l'un sur l'autreil y en avait deux griset un bariolé caramelles gris étaient vraiment beauxbaptisés coton et smoothieils étaient très dégourdis
bianca est arrivée avec son papac'est l'aînée d'anouket elle s'est mise à jouer avec les chatonson ne savait pas lequel des troisrepartirait avec nous ce jour-làl'homme-chat en a chipoté plusieurset quand ça a fait trente minutesqu'on jouait avecil avait coton bien enlacé dans ses brasquand bianca a émis un petit couicc'était son préféré
bruno le petit zèbré caramelavait l'air mal en pointavec un petit oeil coulantrésidu d'un rhume qu'il avait attrapépeu après sa naissancequand on voulait l'attraperil s'enfuyait vers la maisonet grimpait dans le moustiquaire de la porte avec ses petites griffesc'était visiblement un peureux
éventuellement anouk nous l'a mis dans les brasce serait luibruno de mont-laurierque nous allions adopter
la fermière ayant élevé moutons et chevalavait vu juste elle savait très biendans quelles conditions heureusesce chaton serait élevé au palacealors que sa longévitéétait loin d'être assurée à la fermele dernier et le moins fort d'une trâlée de félinsà moitié domestiqués et sauvagesà défaut de ne pouvoir mangerle restant des grenailles dans le plat communse serait possiblement fait bouffer par un renardun soir de pleine lune
on l'a mis dans la grande cagederrière le siège du passageret on a embarquédans notre long périple de deux heures et demiepour revenir en villecontrairement à brooklyn qui était allergiqueaux transports routiersse prenant des attaques d'angoisseaprès dix minutes en voiturebruno était plutôt calmeet pleurait à peineje lui chantais des chansonsqui semblaient le calmer
on a compris tout de suitequ'il ne s'appellerait pas nayaticar il était tout sauf un petit guerrieron l'aurait peut-être surnommé éclopén'eût été d'une destinée funestece n'est qu'en nous approchant de la villequ'on a trouvé son nom
carlito
l'homme-chat était d'accord
demain dimanchecarlito aura vécu aussi longtemps au palaceque bruno aura vécu à la fermeje ne sais pas s'il se souvient de sa vie dans le champon rit souvent de son naturel wabocar il grimpe encore dans le scringede la porte patioen fonçant dedans à toute alluregawd damn qu'il court vite et loin cet enfantdes fois pour le gronderon le menace de le retourner à la campagnelà où il sera servi le dernier
alors qu'iciil mange de la bouffe développée scientifiquementet servie avec précisionen portions régulièreset il reçoit quotidiennementquinze heures d'attentionde deux adultes désoeuvréset totalement gagail a déjà vu le vétérinaireet prend des antibiotiquespour éliminer des petits parasiteset comme il est un très beau mâleil est affublé de jolies testiculessur lesquelles je tripe littéralementet que l'on fera stériliser dans quelques moisil joue dans la courqu'on a clôturée haut et tout le tour comme il fautpour le protéger des autres chats de la ruelleet pour qu'il s'intègre tranquillement au quartieren devenant plus grand et plus fortil prend de l'assuranceet il n'a finalement peur de rienmême pas des chiens qu'il voit sur le trottoiren attendant l'ouverture de la clinique vétérinaireil se laisse caresser le dessous des pattesla tête le cul et la queue sans broncherni nous sauter dans la faceil ne miaule pasil essaye des fois mais cherche sa voixdont il n'abuse pasil dort des nuits complètes sans jamais nous réveillerseul dans son grand salonil travaille avec moi le jouren apprenant les attributsd'un bon fonctionnairecomptable fiscalisteil court après ses souris de toutes texturesses boules en aluminiumet saute sur et dedans le grand papier froisséinstallé in situ dans le salon depuis son arrivéel'appartement est devenu son aire de jeuet je passe des minutes quotidiennes à quatre pattesà scruter sous les meublesen cherchant sa souris mécaniqueil déchire les feuilles de la plante du salonfait tomber la bouteille d'eaul'homme-chat ramasse toutet il recommencel'homme-chat est un papa douxet je suis la mère sévèremais il m'aime pareilcar c'est moi qui me réveille la premièreet qui lui donne ses premiers câlins de la journée
anouk nous rappelle tout le tempsà quel point elle est contente que carlitoanciennement bruno de mont-lauriervive avec nous au palaceet je me dis que l'adoption d'un chatc'est comme l'adoption de n'importe quiça peut changer significativementla vie et le bien-être d'un individuet au-delà du siença nous rend vraiment heureuxparce que nous aussion aime ça jouer
et puis un chatonpour l'homme-chat et moiça finit toujourspar devenirun beau trait d'union.