Donald Trump, l’alchimiste du S&P 500

Publié le 29 juillet 2020 par Chroom

Nous sommes le 20 janvier 2017. Trump prend place pour la première fois dans le bureau ovale. Donald a brillé jusqu'ici comme homme d'affaires. À partir de ce moment, il a une seule idée en tête. Montrer aux USA et au Monde qu'il peut faire pareil à la Maison Blanche. La course démarre et elle va durer quatre ans. Au moins. Le S&P 500 est dans sa ligne de mire.

Le S&P 500

En bon chef d'entreprise, l'homme a la chevelure d'or connaît l'importance des chiffres. Il scrute le taux de chômage, le PIB, le dollar... Par dessus tout, il surveille le marché des actions, notamment à travers le S&P 500. Rappelons que ce dernier se compose des 500 plus grosses capitalisations américaines. Sur les premières marches on trouve actuellement : Apple, Microsoft, Amazon, Alphabet (Google) et Facebook. En bref, les GAFAM. Ces entreprises américaines figurent également sur les cinq premières places du MSCI World Index en termes de capitalisation. Autant vous dire qu'elles dirigent le monde technologique, financier et économique.  Sans compter qu'elles façonnent nos vies. Et Donald ne le sait que trop bien.

L'argent facile

Pour croître très rapidement, les entreprises doivent pouvoir bénéficier d'un soutien financier quasi illimité et inconditionnel de la part de leurs banques. Plus elles peuvent emprunter facilement et à moindre coût, plus elles peuvent investir, ouvrir des filiales, recruter, se développer sur de nouveaux marchés, etc. Inutile d'avoir un QI de 130 pour comprendre cela. Donald, en bon magnat de l'immobilier, a prospéré en suivant ces principes. Arrivé à la Maison Blanche, il n'a cessé de réclamer haut et fort à la banque centrale américaine de baisser ses taux. La Fed est supposée être indépendante. N'empêche, depuis qu'il y a placé Powell, celui-ci finit toujours par aller dans son sens.

La politique de l'argent facile a certes de bon côtés. Comme nous l'avons vu, elle permet un développement rapide des affaires. Elle impacte donc très favorablement le marché boursier, la croissance et le taux de chômage. Le revers de la médaille, c'est qu'elle n'encourage nullement les entreprises à se remettre en question. On assiste à une espèce de fuite en avant. Tout le monde essaie d'aller aussi vite que possible, pour profiter à fond des liquidités qui coulent à flots, avant que la source ne se tarisse un jour.

Les GAFAM

Les premiers à en profiter figurent dans les secteurs de croissance, à savoir essentiellement le secteur technologique. Ce n'est pas pour rien si les GAFAM dominent aujourd'hui le monde économique. Elles sont devenues tellement énormes qu'elles dictent le tempo des marchés financiers.  Une  large part  de la performance du S&P 500  provient  du secteur technologique, par l'entremise des cinq géantes.

L'indice phare américain a progressé de plus de 55% (dividendes compris) depuis que Donald Trump a pris place dans le bureau ovale. Pas mal en à peine plus de trois ans. C'est d'autant plus vrai que le marché était déjà très haut à l'époque et que le virus chinois est passé par là. Si on s'arrête à ce stade, on se dit que Donald a réussi son pari, de manière indiscutable.

S&P 500 : pondéré par la capitalisation

Quand on parle de chiffres, il est toujours bien de rappeler comment ils sont calculés. Comme la plupart des indices boursiers, les valeurs qui constituent le S&P 500 sont pondérées par leur capitalisation. Cela signifie que la variation des plus grosses d'entre elles possède un impact majeur sur tout l'indice. De plus, le S&P ne compte que les 500 plus grosses entreprises. Il ne représente que 10% des sociétés américaines cotées. Et bien moins encore si on compare par rapport à toute l'économie américaine. Toutes les entreprises en effet ne figurent pas en bourse. Heureusement.

Comme une moyenne

Un indice se comporte donc exactement comme une moyenne. Il est fortement influencé par les valeurs extrêmes, comme les grosses capitalisations. Il renseigne moins bien sur le comportement de la masse, à savoir tous ses autres constituants. A fortiori, c'est encore pire pour ceux qui n'y figurent pas, à savoir les petites et moyennes entreprises, cotées ou non. Bref le reste de l'économie. Donc, si depuis quelques temps vos résultats sont moins bons que le marché, ce n'est pas forcément que vous êtes à côté de la plaque. Vous partagez le sort d'une majorité d'investisseurs. C'est plutôt le S&P 500 (et le MSCI World Index) qui sont à côté de la plaque. Particulièrement en ce moment.

S&P 500 hors technos

Si on exclut le secteur technologique, fortement influencé  par les GAFAM, et directement bénéficiaire de la politique accommodante de la Fed, l'image est sensiblement différente. Le graphique ci-dessous nous donne, depuis que Trump est à la Maison Blanche, l'évolution du S&P 500 (en bleu). En orange, vous pouvez voir celle du même indice sans le secteur techno (en orange). En jaune, c'est l'or, on y reviendra après.

Ce qui frappe tout d'abord c'est le résultat de l'indice hors techno. Certes, il demeure correct, mais se situe à un niveau sensiblement moins reluisant que l'indice global. C'est particulièrement vrai si on regarde la performance des deux dernières années, à peine positive. Un autre aspect inquiétant, c'est l'augmentation de la volatilité, avec des creux de marché qui sont de plus en plus bas. Ce constat est valable pour les deux indices (avec ou sans techno). Il peut s'expliquer évidemment par la valorisation extrême des marchés. L'effet de levier  induit par l'endettement, lui-même créé par des années d'assouplissement monétaire, n'y est pas étranger non plus.

L'or

Quand les liquidités pleuvent sur le marché, il peut devenir difficile de déterminer si ce sont les entreprises qui créent réellement de la richesse. Ou alors si c'est juste l'effet indirect d'une dévalorisation de la monnaie. Si cette dernière perd de la valeur, les actifs valorisés dans cette monnaie prennent en effet du galon, juste par effet de balancier. L'or peut nous servir dans ce cas de moyen de référence, puisque ses réserves en circulation sont difficilement extensibles, au contraire de la monnaie. Toujours sur le graphique ci-dessus, on constate qu'il a fortement progressé durant le mandat de Trump et que c'est particulièrement marqué là aussi depuis deux ans. Bien évidemment, la politique accommodante de la Fed n'y est pas étrangère.

La différence de performance entre les indices boursiers (avec et sans techno) et l'or nous donne ci-dessous un éclairage tout autre. On peut comprendre ce graphique comme la performance du marché américain valorisé non pas en dollars, mais dans le métal jaune. Le S&P 500 a légèrement perdu de la valeur sous le mandat de Trump. En excluant les technos, il a même perdu plus de 20%. La situation est même calamaiteuse sur ces deux dernières années, avec une tendance clairement baissière pour les deux indices. Hors valeurs technologiques, durant cette période, le marché a même perdu près de la moitié de sa valeur par rapport à l'or.

Transformer le plomb en or ?

Un alchimiste est supposé arriver à transformer du plomb en or. Donald et son pantin Powell jouent les apprentis sorciers avec l'économie depuis bientôt quatre ans. Ils ont bricolé le S&P 500 pour lui faire attendre le firmament. Au sens figuré, ils sont ainsi parvenus à transformer du plomb (des entreprises qui avaient de la peine à s'envoler) en de l'or (des richesses). Au sens propre par contre, le plomb n'a fait que continuer à s'enfoncer comme toujours sous son propre poids. L'or au contraire nous rappelle que les apprentis sorciers n'ont jamais réussi à créer des richesses à partir de rien.

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