Le Père Teilhard de Chardin, en découvrant le point où le
mouvement de la recherche scientifique et le mouvement de la foi se rejoignent
et fusionnent jusqu’à n’être plus qu’un seul mouvement de l’homme tout entier,
a ouvert une voie nouvelle. J’avoue n’en avoir pas d’abord aperçu la portée, ni
dans mes « Perspectives de l’homme », ni même dans mon livre
« De l’anathème au dialogue », où je sépare trop la connaissance et
la foi.
Dans la perspective de l’orthogénèse de fond du Père
Teilhard, dans ce mouvement ascendant défini par la « loi de
complexité-conscience », et dont l’homme est le plus beau phylum et le
plus beau fruit, l’esprit humain saisit d’une même vue, par la science
l’unité et le sens de l’évolution qui le porte et, par la révélation qui
éclaire prospectivement sa route, l’unité de l’alpha et de l’omega, l’unité de
la Révélation et de la parousie finale, si bien que la distinction provisoire
de la connaissance et de la foi s’abolit peu à peu : la foi devenant de
plus en plus transparente à la pensée claire jusqu’à ce que, dans la vision
béatifique de l’homme, jusque là pèlerin du temps, enveloppe d’un seul regard
d’éternité, triomphant de la mort, l’unité totale de l’univers et de l’esprit.
Ce regard, qui est à la fois celui de son intelligence la plus lucide et de sa
foi la plus pure, saisit dans l’unité de la connaissance et de l’amour, la
poussée humaine vers « l’en-avant » et l’appel divin vers
« l’en-haut », unité accomplie dans le Christ qui est
individuellement promesse et accomplissement.
Je m’excuse d’avoir ainsi empiété sur le terrain de la
théologie, mais je devais ce témoignage à qui m’a découvert ce sens profond du
message du Père Teilhard. Le Père de Lubac a pu me reprocher avec juste raison
de n’avoir pas, jusqu’ici, compris l’intuition centrale de l’œuvre de
Teilhard : celle qui nous fait saisir en nous l’Etre dans son opération et
qui nous suggère, dans l’unité croissante de la science et de la foi, de la
connaissance et de l’amour, ce sentiment unique évoqué par notre poète Claudel :
« Je m’attendais à une réponse,
mais je reçus dans mon âme et mon corps
Plus qu’une réponse : le
tirement de toute ma substance
Comme le secret enfermé au cœur des
planètes, le rapport propre
De mon être à un être plus
grand. »
Je voudrais ajouter que chez le Père Teilhard, cette passion
de l’univers par laquelle chaque goutte d’eau prend conscience qu’elle est
habitée et portée par le mouvement entier de la mer, ce langage indivisiblement
scientifique et prophétique pour lequel l’homme se sent entraîné par l’amour
au-delà de ses propres limites, constitue le défi le plus fort qui puisse être
accueilli par un incroyant. Le Père Teilhard nous aide à comprendre, dans
l’esprit et la langue de notre temps, ce que peuvent être la Révélation et la
Foi, comme si la science et la foi avaient un même destin, délivraient le même
message, évoquaient une même Présence, nous animaient du même mouvement joyeux.
Roger Garaudy
(date à déterminer, archives personnelles)
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