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Le secret de Mayerling — Une critique du film de Jean Delannoy (1949)

Publié le 12 août 2020 par Luc-Henri Roger @munichandco
Le secret de Mayerling — Une critique du film de Jean Delannoy (1949)

Le Secret de Mayerlingune critique du film parue dans le quotidien d'information Ce Soir en mai 1949
Selon Delannoy, Rodolphe et Marie Vetsera ne se sont pas suicidés, ils ont été assassinés pour des motifs politiques.
L'émouvante histoire d'amour de l'archiduc Rodolphe, prince héritier d'Autriche, et de Marie Vetsera est bien faite pour frapper l'imagination. Elle fut déjà le sujet d'un roman [celui de Claude Anet] et celui d'un film touchant et spectaculaire, dont Danielle Darrieux et Charles Boyer étaient les interprètes. Jacques Remy et Jean Delannoy ont voulu nous en présenter une nouvelle version, plus conforme à la vérité historique et nous révéler le secret du drame.
Le secret de Mayerling — Une critique du film de Jean Delannoy (1949) La naissance d'un grand amour
Nous sommes à Mayerling, le 30 janvier 1889. On emmène le cercueil du prince, avec une escorte de gardes blancs ; on emmène aussi en voiture mystérieusement le cadavre de sa jeune compagne. Et tandis qu'on fait à Rodolphe des obsèques solennelles, et que l'on accrédite la version du suicide, l'impératrice et la femme du prince congédient l'une et l'autre brutalement la comtesse Larisch (cousine et amie du prince), qu'elles rendent responsable de tout. C'est elle qui, s'abandonnant à une triste rêverie, évoquera le passé et fera revivre la belle histoire au si tragique dénouement.
Le prince, jeune et désabusé, va de conquête facile en conquête facile ; mais il s'ennuie. Le hasard d'une visite inopportune suggère à sa cousine de lui offrir une distraction tout à fait imprévue : la jeune Marie Vetsera, âgée de dix-sept ans, est venue voir la comtesse pour lui confier son immense amour pour le prince et son désir de le connaître. La comtesse la conduit à une exposition de sculpture où elle la présente à Rodolphe. Puis la jeune fille obtient de lui un premier rendez-vous, assez ridicule : dans un fiacre. Lorsque la comtesse veut arrêter la farce, il est trop tard. La jeune fille, très exaltée, a rompu ses fiançailles pour le prince, et veut absolument le revoir. Celui-ci l'emmène au rendez-vous de chasse de Mayerling, découvre enfin son innocence et sa sincérité, et au cours d'une grande promenade dans la forêt, il sent grandir en lui pour Marie un amour égal à celui qu'elle lui témoigne. Désormais rien ne pourra séparer les jeunes gens. La femme du prince fait éclater en vain sa jalousie impuissante ; elle ne réussit qu'à rendre plus grand le scandale.
Le dénouement tragique
Cependant la police impériale est alertée par les relations suspectes du prince avec les Indépendants hongrois. Jusque-là Rodolphe se contentait de rêver à la libération de son pays et des peuples de l'Europe centrale, et d'en parler. Il manquait de courage pour répondre à l'appel de ses partisans prêts à l'action. Mais l'amour va lui inspirer une résolution farouche. Il a demandé le divorce au pape, et celui-ci a prévenu l'empereur. Un conseil de famille est réuni où son père et les représentants de l'Eglise s'efforcent en vain d'arracher à Rodolphe la promesse de rompre avec Marie. Sa décision est prise : il est prêt à renverser l'Empire, à libérer son peuple pour être libre lui-même.
La nuit où doit avoir lieu le coup d'Etat, il emmène Marie à Mayerling. Tout est prêt, l'insurrection gronde à Budapest : les dépêches rassurantes se succèdent ; Rodolphe n'attend plus qu'un dernier signal. Mais il a remis à la comtesse un portefeuille contenant les plans du complot, et la police réussit à s'en emparer. Les conjurés sont découverts. Au lieu de l'émissaire attendu, c'est le chef de la police, le propre frère du prince [erreur du journal], qui arrive à Mayerling, demandant à Rodolphe de signer son abdication. Celui-ci refuse, et avec l'approbation confiante de Marie, il choisit le suicide. Au moment de tirer sur la jeune fille dans son sommeil, il se ravise et signe la déclaration que son frère lui a laissée. Il est trop tard. L'ambassadeur de Hongrie [nouvelle erreur du journal, il s'agit en fait de l'ambassadeur d'Allemagne] a décidé la mort du dangereux conspirateur. Alors que Rodolphe réveille Marie pour l'emmener à l'étranger, ils sont abattus l'un et l'autre. Mais tout avait été préparé pour le suicide. Marie avait écrit à sa mère et à la comtesse. Il sera facile de faire adopter cette version et d'éviter ainsi les complications diplomatiques.
Le sujet politique est éludé
On ne voit pas bien ce que le cinéma a. gagné à vouloir éclaircir ce point d'histoire. Et tout conspire à nous faire regretter le premier Mayerling. En effet, le roman d'amour était plus beau lorsqu'il se terminait librement dans la mort. Beaucoup de temps est perdu en conversations politiques vagues et fumeuses, qui était, dans la première version, consacré à nous montrer l'évolution des sentiments de Rodolphe et sa découverte du bonheur. Le sujet politique, en lui-même, présenterait sans doute un très grand intérêt, mais le film ne le traite pas franchement. Nous ne voyons qu'un ou deux représentants des Hongrois, à l'air sombre et exalté comma des conspirateurs d'opérette, et nous ignorons tout de la réalité du soulèvement de Budapest. Les règles les plus élémentaires de l'art cinématographique voulaient que l'on nous y fasse assister. À cette condition seulement, nous pouvions nous y intéresser vraiment.
Le secret de Mayerling — Une critique du film de Jean Delannoy (1949)
L'interprétation de Jean Marais est conforme à la nouvelle version du personnage de Rodophe. Il est tendu, nerveux et sombre, il ne se déride un peu que dans la compagnie de celle qu'il aime. Dominique Blanchar, sans parvenir à faire oublier Danielle Darieux, fait, pour ses débuts à l'écran, une création remarquable, et donne au personnage de Marie Vetsera une gaieté très saisissante. Mais le couple de la légende était plus attachant. Il était finalement plus vrai, puisque l'on ne  réussit pas à rejoindre la réalité de  l'événement social et politique au nom  duquel on a prétendu le transformer.

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