Magazine Bons plans

Le théâtre du drame de Mayerling, un article du journal Le Matin (février 1889)

Publié le 02 août 2020 par Luc-Henri Roger @munichandco

Le théâtre du drame de Mayerling, un article du journal Le Matin (février 1889)

Aquarelle signée d'O.E.Schmidt, vers 1919 (conservée à l'ÖnB)

Le théâtre du drame de Mayerling, un article du journal Le Matin (février 1889)

Le drame de Mayerling qui entraîna la mort du prince héritier Rodolphe de Habsbourg et de son amante Mary Vetsera eut lieu le 30 janvier 1889.  Le Matin du 3 février 1889 décrivait la route qui menait de Vienne à Mayerling et les lieux du drame :
L'ARCHIDUC_RODOLPHE— VISITE DE NOTRE CORRESPONDANT AU VILLAGE DE MEYERLING —Une route pittoresque —Le théâtre du drame —Aspect bourgeois du château Mesures de police — Racontars d'un aubergiste — Les causes de la mort.
VIENNE, 2 février. Le mystère qui entoure la mort du Kronprinz sera-t-il bientôt dévoilé ? Y a-t-il une ou plusieurs personnes qui, mêlées directement ou indirectement aux causes de la mort de ce prince si regretté, déchiffreront un jour cette sanglante énigme? Toujours est-il que le mot drame, entouré de circonstances sur lesquelles chacun varie d'opinion, continue à passer de bouche en bouche. J'ai voulu visiter les lieux tristement historique où s'est passée la tragique scène de l'autre jour.
On part de Vienne par le chemin de fer du Sud, ligne de Trieste on s'arrête à Baden, petite ville de bains de 15,000 habitants. Il faut louer une voiture à la gare pour se rendre à Meyerling. C'est un voyage d'une heure et demie à deux heures. Nous entrons, à la sortie de la ville, dans la vallée d'Helenenthal, dont les parois boisées, peu élevées, se touchent presque.
Le chemin, qui côtoie un ruisseau, est charmant même en cette saison. La vallée s'élargit, on rencontre deux ou trois petites maison, des « restaurations » remplies de buveurs de bière et de consommateurs de salamis dans la belle saison. La route se divise un peu plus loin d'un côtés pour aboutir à Heiligenkreuz, au grand couvent, et de l'autre au petit village de Meyerling. Le domaine du prince est entre les deux petites localités. De tous côtés, des bois couvrent les collines aux lignes légèrement ondulées. Nous apercevons un groupe de petites maisons, deux ou trois voitures et quelques personnes en noir sur la route, des curieux comme nous. Là se trouve l'auberge ou Wirthaus.
Mais nous cherchons des yeux le château. « Il est là, monsieur » me dit un gamin. Ce nom de château est un peu exagéré, car beaucoup de nos bourgeois trouveraient cette demeure aux murs blancs trop modeste. Le seul luxe d'architecture, c'est la tour, une petite tour, dont la simplicité s'accommode avec l'aspect, d'ensemble des bâtiments. Ceux-ci sont plats. On ne peut voir que le mur et la silhouette du château de l'endroit où je suis, car ce dernier, situé à droite et entouré de bois par derrière et de côté, reste inaccessible. Il est gardé toujours par une escouade de police et de gendarmes.
Nous sommes là quatre ou cinq personnes de la ville et trois ou quatre paysans, muets, silencieux, perdus dans nos réflexions, les yeux tournés vers ces murs qui nous cachent un terrible mystère. Notre contemplation est rompue par l'arrivée d'une voiture qui s'arrête devant le gendarme en faction. Deux employés de la cour en descendent. Le gendarme salue, mais demande un papier on le lui montre et les visiteurs se dirigent vers la voûte rustique qui forme l'entrée du château.
Je suis venu en simple curieux. Un autre jour peut-être pourra-t-on songer à mettre à profit les bavardages des gens du pays. Aujourd'hui, je me contente de jeter un coup d'œil sur ce qui m'entoure. Je retourne à l'auberge cinq ou six paysans attablés, à,côté de bourgeois, des gens de Baden venus en promenade. « Impossible d'apprendre grand'chose, me disent-ils, sur l'événement ; même les gens du pays ne savent rien ou feignent d'ignorer. »
Plusieurs n'ont appris l'événement que dans l'après-midi de mercredi. Tous aimaient beaucoup le Kronprinz.
L'aubergiste s'approcha de nous à ce moment et se mit à nous parler du défunt, dont le portrait en- chromo était accroché sur le mur, au-dessus de notre tête.
Il venait rarement chez nous faire de longs séjours, toujours pour vingt-quatre ou quarante-huit heures, et de bonne heure il partait pour la chasse. Dans la journée et quelquefois le soir, il faisait des promenades dans la voiture de Bratfisch (Bratfisch est un cocher de Vienne, propriétaire d'une voiture, qui conduisait toujours le prince lorsque celui-ci ne se servait pas des voitures de la cour. Bratfisch est très connu à Vienne).
« Le soir, continua l'aubergiste,– vous savez combien le prince aimait la chanson viennoise, il faisait venir souvent les Schramels (société de chanteurs) et des joueurs ou joueuses de cythare, et, en compagnie de ses amis, dans une salle du château ou quelquefois dans les refuges isolés dans les bois, construits par la Société des touristes viennois, il y avait de vrais concerts champêtres. »
Mais l'événement ?
« Ah ça ! lisez les journaux. Moi je sais seulement que dimanche, nous étions bien contents d'apprendre que le Kronprinz arrivait le lendemain. » Deux cuisinières vinrent du château de Laxenbourg, et les quelques valets et forestiers du château se livrèrent à des allées et venues plus nombreuses que de coutume. Et tenez, les voilà. » Nous vîmes à ce moment un groupe d'individus passant avec des paysans et autres en costumes de chasse. Ils parlaient à mi-voix, sans animation.
L'aubergiste reprit :
« Jusqu'hier, ils ne voulaient rien dire du tout et enfin, lorsque quelqu'un leur eut montré la journal qui annonçait le suicide, ils dirent : « Eh bien ! oui, c'est vrai ; mais on nous avait fait jurer de ne divulguer quoi que ce soit. » » Seulement, ils s'arrêtèrent là, et je n'en sais pas plus long qu'avant. » 
Nous continuâmes, les uns et les autres, à bavarder, sans qu'il sortît de tout cela quelque chose de plus intéressant pour nos lecteurs.
Un quart d'heure après, je revenais à la hâte à Vienne.
Le théâtre du drame de Mayerling, un article du journal Le Matin (février 1889)

La chambre mortuaire dans La Hofburg  (d'un CORRESPONDANT)
Vienne, 2 lévrier. Un certain nombre de personnes ont pu voir le corps du Kronprinz; il est exposé au deuxième étage du bâtiment situé sur la cour des Suisses, dans son cabinet de travail. On traverse deux antichambres, une salle à manger, un salon, et on entre dans la pièce mortuaire. Le corps est placé au milieu de la pièce, la tête contre le mur. II est dans un cercueil recouvert de drap blanc, noir et or, placé sur un lit autour duquel on remarque de nombreuses couronnes et quelques cierges. Derrière le lit, des palmiers qui retombent sur la tête du Kronprinz. On remarque que les feuilles cachent les côtés de la tête ; d'ailleurs, on a placé le corps de telle façon que la vue de la tête est assez difficile.
II est étendu horizontalement, la tête au niveau du corps. La figure a l'apparence de la cire. On ne voit que la moitié du corps, le reste est caché sous les draps.
Le prince est en costume blanc de général, les mains croisées sur la poitrine. Dans le courant de la journée, un grand nombre de personnes appartenant toutes les classes de la population, se sont présentées au palais pour apporter des témoignages de condoléance.
Une grande quantité de couronnes ont été déposées on remarque les envois des ambassades ainsi qu'une couronne offerte par les collaborateurs de l'ouvrage Wort und Bild à l'inspirateur vénéré de l'œuvre.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Luc-Henri Roger 35935 partages Voir son profil
Voir son blog