J’en faisais mention dernièrement et la chose est maintenant à peu près connue, même si elle n’est que chuchotée dans les rédactions et sous les ors d’une République qui, au fond, s’en tamponne complètement : la fraude sociale est un vrai phénomène d’ampleur et la gestion des cotisations sociales par les institutions dédiées n’est qu’un immense foutoir où s’empilent complexités bureaucratiques, magouilles, coulage et opacités réglementaires épiques.
Pire : il semble même que la notion de contrôle des deniers publics dans le domaine social soit une aimable plaisanterie où l’approximation s’y dispute avec l’impérieuse nécessité d’un #PasDeVague, cette méthode autorisant des carrières pépères aux responsables et autres chefaillons des entités en charge de la manne sociale française.
Le constat est rude : les cas de fraudes se multiplient. Les erreurs des caisses s’accumulent, soit qu’elles tapent, pinaillent et enquiquinent avec ferveur les ayants-droits pourtant légitimes, soit lorsqu’elles oublient de contrôler, vérifier et sanctionner ceux qui ne le sont pas.
En pratique, tout montre que les douzaines d’organismes de recouvrement et de distribution des largesses sociales françaises ne disposent pas des moyens de contrôles qu’il serait normal de trouver pour les montants et le nombre de cotisants dont elles sont responsables.
Ah, sacré « manque de moyen » sur lequel harpent et harperont encore les syndicats collectivistes du pays… Et ce, même si les effectifs de ces usines à gaz tiède ne font qu’augmenter. Même si les enquêtes répétées de la Cour des comptes et des Parlementaires qui s’y frottent montrent tout autre chose : désorganisation chronique, résistance au changement obstinée, volonté de contrôler et d’endiguer la fraude extrêmement variable et en tout cas bien plus assujettie à des impératifs politiques changeants qu’à des nécessités de bonne gestion des deniers publics…
Bref : la sombre réalité française est que la fraude sociale est surtout utilisée (aussi discrètement que possible) comme l’un des leviers d’ajustement de la paix sociale, les « fuites » d’argent permettant d’assurer un calme apparent. On comprend dans ce cas que la volonté d’y mettre fin soit modérée par l’envie de conserver un statu quo douillet permettant de se faire réélire sans trop de difficultés…
Malheureusement, si le statu quo peut fonctionner en période de croissance et lorsque les tensions sociales sont faibles, il en va tout autrement lorsqu’explose le nombre de bénéficiaires de ces aides, à la faveur d’une crise majeure par exemple. L’argent sort alors à gros bouillons, il entre moins bien (forcément) et la fraude, jusque là fort bien vécue, devient plus qu’un gros caillou dans la chaussure. Et actuellement, alors que la crise sanitaire se transforme en crise économique douloureuse, la question de la fraude refait donc surface avec d’autant plus d’acuité : comment diable va-t-on pousser ces gros pachydermes mous de la Sécurité sociale franchouille à se réorganiser et se prendre en main pour enfin lutter efficacement contre la fraude sociale ?
Rassurez-vous : déjà, des solutions pointent leur nez !
C’est ainsi qu’on propose par exemple de mettre en place une belle et grande Délation Citoyenne : voilà que l’idée d’utiliser massivement la délation refait surface dans notre pays par le truchement d’un article dans lequel un frétillant Julien Damon amalgame joyeusement fraude sociale et fraude fiscale, montrant au passage tout le bordel qui peut règner dans la tête de certains.
« Contre les milliards d’euros d’évasion fiscale et d’escroquerie aux prestations sociales, il faut accepter et organiser les signalements par les particuliers. »
Jetant avec gourmandise dans un même panier toutes les fraudes sociales pratiquées par ces myriades de Français peu scrupuleux (et rarement chopés) avec ces entreprises qui, usant des procédés souvent légaux permettant l’optimisation fiscale, se retrouve avec des sommes dans des paradis fiscaux contrastant surtout avec l’enfer fiscal français, le journaliste tente dans un exercice de style assez surprenant de faire passer la délation des turpitudes des voisins pour un retour à un certain ordre moral dont la société aurait bien besoin afin de rentrer dans ses fonds.
Comparer ainsi les manœuvres des uns, qui tentent d’éviter ce qui est devenu une véritable l’extorsion fiscale, avec les magouilles des autres, qui tentent de percevoir des sommes qui ne leur sont pas dues, c’est assez croquignolet et, ma foi, fort habile car ce faisant, la proposition de la mise en place de Kommandaturs spécialisées dans la fraude fiscale et sociale choque juste assez pour cacher l’éléphant au milieu de la pièce : si l’on en vient à compter sur le citoyen goulûment badigeonné de moraline gluante, c’est bel et bien parce que les 137 (!) organismes en charge de cette couverture sociale sont devenus de telles usines à gaz qu’ils sont maintenant infoutus de faire des contrôles eux-mêmes.
Autrement dit : même après des prélèvements de plus de 1000 milliards annuels, les Français ne peuvent pas, pour ce prix, espérer avoir des institutions capables de fonctionner correctement.
En fait, tout montre même que plus les Français se font ponctionner l’arrière-train pour cette couverture, plus elle est mauvaise et moins elle est contrôlée ! À tel point qu’on en vient à leur demander de faire eux-mêmes le boulot, tant est cruelle l’indigence des organismes en place.
Formidable, ne trouvez-vous pas ?
Et puis notre vibrant journaliste, fervent adepte de la petite délation bien de chez nous, semble oublier un élément essentiel : pour qu’une délation ait un sens, il faut qu’elle soit suivie d’effet. Ceci suppose une police et une justice efficaces.
Las. Pour 1000 milliards, de nos jours, t’as plus rien : avec une police globalement écouillée par une avalanche de bureaucratie et de textes de lois complètement ubuesques, et une justice complètement à la ramasse dont la masse pensante est maintenant aux mains des pires gauchistes, on est en droit de s’interroger sur l’impact réel de milliers, pardon, millions de délations supplémentaires dans le domaine social.
Sérieusement : vous espérez vraiment que cette justice qui relâche sans broncher des violeurs multirécidivistes et laisse en liberté des truands notoires, des dealers, des psychopathes et tout ce que le pays compte de racailles, va être en mesure de s’occuper de la fraude sociale qui est menée, en grande partie, par les mêmes individus ?
Voilà qui fait montre d’un optimisme en béton armé.
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