Le nouveau storytelling du lieu de travail Covid-19

La Covid-19 a imposé une nouvelle relation au lieu de travail, une nouvelle histoire à vivre, un storytelling inédit. Avec ses avantages (si, si !) et ses inconvénients (évidemment aussi).

Je n'utilise pas, et c'est volontaire, l'expression post Covid-19. Déjà, nous n'en sommes pas là. Et ensuite, le nouveau storytelling du lieu de travail Covid-19 est, d'une manière ou d'une autre, appelé à perdurer. C'est à dire que quelle que soit sa forme, ce lieu de travail est durablement et sans doute définitivement transformé. Sachant que le travail à distance avait déjà bondi de 44% au cours des 5 dernières années, selon une étude FlexJobs.

J'utilise, pour cet article des résultats de travaux de recherche universitaire. La thématique est très récente, mais certains chercheurs se sont emparés du sujet pour parvenir à des analyses déjà bien fines. Bien entendu, avec le temps, des études plus en profondeur seront menées : patience ! Là, je me base sur les travaux de Kaushik et Guleria de la business school de la Lingayas University en Inde. Les travaux ont été publiés en 2020 (évidemment !) dans l' European Journal of Business and Management.

Quels sont donc les bons côtés et les mauvais côtés de cette histoire Covid-19 - lieu de travail ?

Bon vs mauvais : rien de mal dans cette histoire. C'est juste naturel. Une bonne histoire est un récit qui navigue entre deux extrêmes, le positif et le négatif. C'est son moteur, sa dynamique.

Voici donc ce à quoi les chercheurs indiens ont abouti (à partir d'interviews d'acteurs des RH -recherche primaire- et d'analyse de publications -recherche secondaire). Et ce n'est pas juste intéressant en tant qu'information, pour satisfaire la curiosité de chacun. C'est un enjeu majeur pour l'histoire que nous vivons et allons vivre avec notre travail. C'est peut-être même la dernière histoire que nous allons vivre avec la notion de travail, vu qu'il ne nous reste apparemment que 10-20 ans avant que le travail devienne désuet.

Les effets "bénéfiques" de la Covid-19 sur l'organisation (et donc le lieu) du travail :

Disons le tout de suite, c'est de travail à distance, à domicile dont il est question ici.

Le travail à domicile facilite la répartition des tâches domestiques, traditionnellement défavorable aux femmes : quand on a tout le monde sous la main, plus personne n'a d'excuses pour se défiler !

Le gain de temps de projet dégage du temps, soit pour le travail soit pour la vie privée, tout dépend de ses priorités et/ou contraintes

La nécessité de travailler à domicile pousse les DRH et autres directions clés à faire ce que personne n'a jamais envie de faire, ou ne fait pas, souvent en invoquant un pseudo manque de temps : de l'anticipation. Anticipation des technologies à mettre en oeuvre, anticipation des compétences à développer. Indispensable à présent, qu'on ait ou non le temps de le faire

Désengagement de l'entreprise par la distanciation avec les collègues et la hiérarchie

Travail en fractionné : il y a, dans la plupart des cas, plus d'interruptions à la maison que sur le lieu de travail (enfin, tout dépend de la culture de l'entreprise !). Ce n'est pas toujours simple de se reconnecter rapidement

Auto-motivation, proactivité, agilité, engagement, résilience : voilà les qualités qu'exige le travail à domicile. Mais bon, ce n'est uniquement un point négatif : car ces valeurs sont de toute manière des musts dans le monde d'aujourd'hui

Différence de "culture" entre "ceux qui travaillent au bureau" et ceux "qui sont à la maison"

Loin des yeux, loin du coeur de l'entreprise...

Davantage de risques de turnover car moins d'attachement à l'entreprise : l'entreprise devient ce qu'on appelle une commodité, un produit banalisé, utilitaire

Un défi pour les managers de faire la preuve de leur utilité

Un reset (ou reboot) des tâches, rôles et ressources dans l'organisation : oui, ce qu'on reporte souvent au lendemain parce qu'on n'est jamais sûr de quoi demain sera fait... Ben, là on a un peu de certitude, pas très folichonne, mais bon... Donc on agit

Pour l'entreprise, c'est une source d'économies d'immobilisations. Certaines ont déjà commencé à réfléchir et même implémenter l'adaptation du logement des salariés en lieu de travail. Gros chantier(s) en perspective encore

Baisse de la pollution liée aux transports

Les côtés négatifs de l'expérience de cette histoire, maintenant :

On va faire abstraction du gain d'expérience et d'apprentissage de la gestion d'une situation complexe dans un délai ultra court, pour investiguer directement du côté obscur de la force.

Bref, rien n'est ni tout blanc ni tout noir. Et c'est ce qui fait la force de cette histoire. Cela nous permet de rester mobilisés, de ne pas banaliser ce qui se passe. Car c'est tout sauf ordinaire. Comme beaucoup de monde, j'ai l'impression de vivre dans un film de science fiction depuis quelques mois. Un film "dont vous êtes le héros" qui plus est, ou plutôt l'anti-héros. Nous avons des choses à faire. Nous ne pouvons pas rester spectateurs de notre propre vie (ou mort, c'est une affaire de point de vue). Et nous ne pouvons pas nous contenter d'en discuter (ou de s'insulter, c'est une affaire de point de vue et de pratique) sur Facebook. C'est en tout cas fascinant pour quelqu'un comme moi qui travaille dans le domaine de la narration, d'observer et de vivre en même temps cette histoire.

Cela m'a aussi amené à réfléchir à de nouvelles modalités de travail narratif. Je ne parle pas de l'e-learning, des formations en vidéoconférence. J'en faisais déjà avant. Je parle plus de la nécessité de développer de nouvelles idées, nouvelles offres dans le domaine du storytelling, ce que j'ai fait avec mes programmes d'interventions post-confinement. Allez, on reste motivé, actif et acteur de notre vie, notre storytelling.