Le cap du million de décès franchi hélas le week-end du 27 septembre 2020.
La pandémie de covid-19 ne cesse de se développer dans le monde. Hélas, elle a déjà entraîné la mort de plus de 998 200 personnes à ce jour du samedi 26 septembre 2020 et le seuil très symbolique du million de décès sera franchi avant la fin de ce week-end. L'OMS a d'ailleurs déclaré que si de nouvelles mesures sanitaires n'étaient pas prises par les États, il était fort probable que le nombre de victimes monte jusqu'à 2 millions au moins.
On pourra toujours discuter des chiffres, mais a priori, ils sous-estiment forcément la réalité dans chaque pays. La plupart des pays ne comptabilisent que les décès à l'hôpital. La France est l'un des rares pays à aussi comptabiliser les décès dans les EHPAD et autres établissements médicalisés, qui correspondent pourtant à environ un tiers des décès. Et encore, aucune statistique n'a été donnée pour les personnes décédées du covid-19 à domicile, une étude l'avait évalué à près de 2 000 décès qui n'ont pas été pris en compte. Les courbes de mortalité sont aussi assez instructives pour prendre conscience de l'étendue des dégâts. En France, c'est très visible en mars et avril 2020.
Près de 33 millions de personnes ont été dépistées positives au coronavirus et plus de 7,5 millions cas sont encore actifs, pour la plupart des formes modérées voire asymptomatiques, mais plus de 64 000 personnes sont actuellement dans un état critique, en service de réanimation, dans le monde. Le rythme est d'environ 300 000 nouveaux cas positifs chaque jour et autour de 5 à 6 000 décès chaque jour. L'épidémie est loin d'être terminée parce qu'elle est depuis plusieurs semaines dans une sorte de palier qui n'en finit pas de faire des victimes.
En Europe, la situation est très contrastée. L'Allemagne a toujours réussi à limiter les dégâts humains, même si le pays compte quand même deux fois plus de décès qu'en Chine d'où est partie la pandémie. Même si, également, le nombre de personnes en réanimation est aujourd'hui en train de croître à nouveau. Ancienne "mauvaise élève" de l'Europe, l'Italie a réussi son déconfinement en limitant la propagation du virus par des mesures sanitaires très strictes (il suffit de prendre connaissance des amendes en cas d'infraction). Le Royaume-Uni aussi a pris récemment des mesures très strictes pour freiner au mieux la propagation du virus. En revanche, l'Espagne (qui a reconfiné une partie de la capitale) et la France, qui commence à sérieusement s'inquiéter, sont en pleine explosion des nouveaux cas positifs dépistés.
Faut-il s'inquiéter de la situation en France ?
Le départ du Premier Ministre Édouard Philippe qui avait pris en charge l'épidémie en France a eu un effet particulièrement préoccupant sur l'évolution sanitaire du pays : chargé de relancer le pays, le nouveau Premier Ministre Jean Castex (dont je reviendrai plus tard sur la prestation sur France 2) ainsi que le Président Emmanuel Macron ont placé toute leur énergie dans le redressement économique et social de la France. Et ce n'est pas un mal, car le pays en pleine récession avait besoin de cet électrochoc de 100 milliards d'euros.
Le problème, c'est que le déconfinement a été bien appliqué jusqu'à la fin du mois de juin, c'est-à-dire, jusqu'au début de l'été et surtout, des vacances estivales. Or, après trois mois de confinement et une sidération généralisée de la population, le besoin de détente non seulement était naturel mais il était aussi indispensable à un certain équilibre vital.
Si bien que pendant l'été, il y a eu un certain nombre d'incohérences : nouvellement élus ou réélus, de nombreux maires ont décidé d'obliger le port du masque même dans des espaces ouverts, cela pour différentes raisons que la plupart des médecins ont du mal à comprendre. D'autres incohérences ont aussi porté sur la réalisation massive de tests PCR pour dépister les cas positifs. En décidant que les tests seraient gratuits et possibles sans ordonnance, on a embouteillé tous les laboratoires d'analyse au point que les résultats arrivent comme la cavalerie, après la guerre, ici, après la période où la personne positive peut contaminer ses proches.
L'envolée du nombre de nouveaux cas quotidiens dépistés positifs à partir du début du mois d'août 2020 est assez impressionnante. Elle provient de l'augmentation massive du nombre de tests (on parle de 1,2 million de tests chaque semaine) mais pas seulement, car le taux positivité, lui aussi, augmente dangereusement, atteignant aujourd'hui environ 6% (6 personnes sont dépistées positives sur 100 personnes qui sont testées). Sur les trois derniers jours, près de 50 000 nouveaux cas positifs ont été détectés, ce qui fait de la France la championne d'Europe. Ce n'est pas un titre de gloire.
31 700 décès n'est pas non plus un titre de gloire. On ne peut pas reprocher au gouvernement ce triste chiffre et en même temps, refuser les mesures sanitaires qu'il veut mettre en place pour freiner la poursuite folle du virus.
Aujourd'hui, de nombreux services de réanimation dans les hôpitaux commencent à être sous tension. Les hôpitaux parisiens ont annulé 20% des opérations planifiées. Dans toute la France, près de 1 100 personnes occupent actuellement un lit en service de réanimation pour cause de covid-19, ce qui est une hausse significative depuis cinq semaines (le nombre a triplé en cinq semaines). Il faut compter environ trois semaines pour voir les effets d'une mesure sanitaire, entre les cas positifs détectés et les entrées en service de réanimation. Hélas, toute la population est désormais touchée, même les plus vulnérables. Et quand je dis vulnérable, ce n'est pas seulement les plus âgés. C'est aussi certaines maladies, ou même l'obésité, qui, jusqu'à l'année dernière, n'était en principe pas punie de peine de mort. Sauf si le virus mortel se propage.
Et Olivier Véran dans tout cela ?
Moi, je lui tire mon chapeau pour le travail et la responsabilité qu'il assume. C'est vrai qu'aujourd'hui, il est un peu le monsieur tristus du gouvernement. Sa dernière conférence de presse le 23 septembre 2020 pour faire le point sur la situation sanitaire a marqué un tournant dans la politique du gouvernement. Il était temps. Il faut revenir aux fondamentaux. Toujours revenir aux fondamentaux : protéger les vies. Protéger efficacement les vies.
Olivier Véran est arrivé au gouvernement le 16 février 2020 comme Ministre des Solidarités et de la Santé pour remplacer Agnès Buzyn partie faire la campagne des municipales dans un pari incertain. Olivier Véran, qui a fêté son 40 e anniversaire en plein confinement (le 22 avril 2020), connaît bien son ministère.
Médecin neurologue au CHU de Grenoble, également diplômé de l'IEP de Paris, Olivier Véran a été le suppléant socialiste de Geneviève Fioraso, députée de Grenoble et nommée au gouvernement de 2012 à 2015. Olivier Véran a retrouvé les bancs de l'Assemblée Nationale en juin 2017, cette fois-ci élu sur son nom propre dans la même circonscription (où avait été élu Alain Carignon) mais avec l'investiture de LREM. Il a été rapporteur général du budget de la sécurité sociale, ce qui en a fait l'un des meilleurs connaisseurs de la santé publique en France.
Son origine professionnelle peut expliquer pourquoi, dès le début de sa prise de fonction, la prise en charge du covid-19 a été faite principalement dans les hôpitaux en négligeant la force de frappe de la médecine de ville. Ce sera l'un des sujets de réflexion après la crise sanitaire, comment mieux prendre en compte les généralistes dans la politique de santé publique. Ils sont les premiers témoins de la maladie, celle avec la forme grave comme celle avec la forme modérée.
Durant tout l'été, Olivier Véran a alerté le gouvernement sur le risque d'une recrudescence de l'épidémie en France. Non seulement il n'a pas été écouté mais il a été dit que le Président Emmanuel Macron aurait exprimé son agacement sur la gestion des tests PCR. Une telle communication est particulièrement déplacée. S'il remet en cause publiquement l'action d'un de ses ministres, il faut aller jusqu'au bout et le démettre. Cela n'a pas de sens de discréditer publiquement et de le maintenir en place : quelle va être son autorité, aussi bien aidé ?
La reprise en main a eu lieu le 11 septembre 2020 avec une intervention de Jean Castex sur le front de la crise sanitaire. Olivier Véran est revenu sur le devant de la scène pour faire un point hebdomadaire de la situation sanitaire, le premier a eu lieu le 17 et le deuxième le 23 septembre 2020. À chaque nouveau point, un nouveau serrage de vis.
L'enjeu est géant puisque si les mesures de restriction n'étaient pas efficaces, il faudrait alors penser à un nouveau confinement, ce que personne ne veut parce que lui aussi a créé des dégâts sociaux et économiques. S'il y a bien une restriction des libertés, c'est dans l'éventualité d'un confinement, pas dans l'obligation du port du masque qui est une mesure assez peu contraignante par rapport au confinement.
Beaucoup de démagogues voient dans l'opposition aux mesures barrières, voire dans le refus de voir la réalité sanitaire gravissime, la possibilité d'une nouvelle notoriété et d'une nouvelle popularité auprès des personnes qui voudraient sortir de ce cauchemar de pandémie (ce que souhaite tout le monde). Le complotisme a pris également un nouvel essor, amplifié par les réseaux sociaux, accusant principalement les dirigeants politiques d'avoir "inventé" le virus pour contrôler la population (ce qui fait que chaque "opposant" dans son pays accuse les dirigeants de son pays, sans comprendre que la pandémie est un phénomène mondial qu'il faut bien combattre si on ne veut pas se retrouver avec des dizaines de millions de morts qu'on leur reprocherait le cas échéant).
Au-delà des maladresses et incohérences du gouvernement à trouver le juste équilibre entre le freinage de l'épidémie et le redémarrage économique (une mission impossible), il faut insister sur trois éléments.
Le premier élément, c'est que la liberté ne peut aller qu'avec la responsabilité. Liberté individuelle, responsabilité collective. Droits, devoirs. Jamais l'une sans l'autre. La responsabilité, c'est de ne pas mettre en danger de mort les autres, les proches, les moins proches, et cela par ses gestes. C'est exactement le même principe que la conduite sur une route : je ne suis pas seul sur la route, ma liberté est restreinte, on pourrait même me retirer complètement ma liberté de conduire si je n'avais plus de point sur mon permis (je serais alors un chauffard), tout cela pour ne pas mettre en danger la vie des autres usagers de la route.
D'où le deuxième élément : il ne s'agit pas d'avoir peur, la plupart des chauffards qui mettent en danger la vie d'autrui n'ont jamais eu peur ni de se tuer ni de tuer leurs proches embarqués dans la même galère. On n'agit pas par peur, les gestes barrières ne sont pas la conséquence de la peur. Si je porte un masque, ce n'est pas parce que j'ai peur d'attraper le covid-19, car mon masque ne me protège pas du virus. Si je mets un masque, c'est pour ne pas contaminer ceux qui m'entourent, car ce virus est bien étrange puisque beaucoup de personnes contaminées n'ont aucun signe clinique, aucun symptôme, ce qui fait que, sauf à me faire dépister tous les jours, je ne sais pas si, à un jour donné, je suis porteur du virus. Dans le doute, je fais donc attention, pas à moi, mais aux autres, à ceux que je croise, rencontre. Ce n'est pas la peur le moteur, c'est la solidarité et le respect de la vie des autres. Exactement comme lorsque je conduis sur la route.
Beaucoup de personnes se trompent, pensent que le masque serait une ceinture de sécurité alors que c'est une pédale de frein. Car il faut freiner la circulation du virus.
Le troisième élément, c'est que ne jurer que par la liberté individuelle est une erreur de bon sens et de lucidité. Elle a bon dos, la liberté, lorsqu'on se retrouve en soins intensifs, voire dans la morgue. Elle a bon dos lorsqu'on a des séquelles, lorsque les capacités respiratoires sont réduites. Elle a bon dos, la liberté, lorsqu'on perd des êtres chers à cause de l'irresponsabilité d'insouciants ou d'insoumis, ces pseudo-résistants qui pensent être résistants alors qu'ils ne font que faciliter la circulation du virus. Si l'on voulait reprendre l'analogie oiseuse de l'Occupation, ce seraient plutôt des collabos, ils facilitent l'expansion de l'ennemi, le virus.
C'est la même erreur de penser liberté quand on doit lutter contre le terrorisme. Les victimes du terrorisme sont heureuses de se savoir libres ...dans un cimetière, ou à l'hôpital, parfois invalides à vie. La première des libertés, c'est de pouvoir vivre, la première des libertés, c'est que sa sécurité soit assurée, son intégrité physique et mentale, que sa personne soit protégée.
Pas de liberté sans responsabilité, mais aussi pas de liberté sans sécurité.
La communication du gouvernement doit être simple et rapide pour marquer les esprits. À cet égard, saluons les nouveaux clips qui mettent en scène une famille : un ado au lycée qui est avec ses amis, un adulte avec ses collègues de travail, aucun des deux ne font beaucoup attention aux gestes barrières. Les deux, de la même famille, vont voir leur grand-mère pour un anniversaire. Chaleur humaine et familiale. Sourire, rire, émotion, joie. Mais quelque temps plus tard, la grand-mère contaminée se retrouve en soins intensifs et lutte pour survivre. Le court-métrage est d'autant plus fin qu'on ne sait pas qui a transmis le virus puisqu'il y a deux possibilités (trois même), ce qui évite de mettre en accusation une catégorie particulière de la population (les étudiants, etc.).
Cela ne tient qu'à nous tous, les citoyens, d'empêcher la propagation d'une maladie qui a fait déjà suffisamment de morts pour qu'on la prenne au sérieux. Cela ne tient qu'à nous d'éviter d'arriver à de nouvelles extrémités étatiques, à un retour, d'une manière ou d'une autre, au confinement. À quoi cela rime de nier la réalité ? À souhaiter un nouveau confinement ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (26 septembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Olivier Véran.
Le cap de 1 million de décès franchi.
Conférence de presse du Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran le 23 septembre 2020 à Paris (vidéo).
Finie, l'épidémie de covid-19 : vraiment ??
Karine Lacombe.
Claude Huriet.
Didier Raoult.
Madagascar : la potion amère du docteur Andry Rajoelina contre le covid-19.
Covid-19 : où est l'Europe de la Santé ?
Michel Houellebecq écrit à France Inter sur le virus sans qualités.
Covid-19 : le confinement a sauvé plus de 60 000 vies en France.
Du coronavirus dans les eaux usées ?
Le covid-19 n'est pas une "simple grippe"...
Le coronavirus de Wuhan va-t-il contaminer tous les continents ?
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200926-olivier-veran.html
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