Quatre Spitfires volent en
formation au dessus du chanel dans un ciel bas et chargé poursuivis par un
Focke-Wulf quand soudain…
… Je me réveille !
L’escadrille Normandie Niemen est en réalité composée de motos Vintage et le
Focke-Wulf est une Béhème qui mijote dans son jus depuis les seventie’s.
Nous revenons indemnes, gelés, ravis et repus de la https://www.facebook.com/normandybeachrace/, un évènement planétaire digne de la Daytona Beach ou
des records de vitesse dans l’Utah sur le lac salé de Bonneville.
Nos motos sont les filles de la Triumph Bonneville, la Bonnie des records aussi
sexy que sa grand-mère en crinoline et la course sur la plage Riva Bella de
Ouistreham relève de la même filiation.
Comme la Daytona Beach originelle des années trente, ce sont des runs
successifs par deux motos ou voitures préhistoriques qui s’affrontent sur le
sable le temps du format américain d’un quarter of miles avec cette folie
ricaine d’absence de règles autres que mettre du gaz et qu’importe la
cylindrée, tous les moyens sont bons pour franchir la ligne le plus vite
possible.
La Daytona Beach et devenue la
Daytona Week et se court désormais sur le speedway, un anneau de bitume.
La survivance de cette course folklorique et originale n’existe plus qu’en
France, à ma connaissance
Rouler sur et dans le sable avec une ancêtre requiert beaucoup de travail pour
présenter ces mécanique en état et du courage à moto, à fond sur les engins
ruant comme des broncos cherchant à se débarrasser de leurs pilotes sur fond de
rock à Billy dans la sono couverte par le vent.
Nous sommes sur le retour.
Sainte Thérèse (elle est belle ma basilique, elle est belle !) à la sortie de la ville nous a gratifiés de ses larmes de pluie et nous n’avons plus que Lisieux pour pleurer jusqu’à Evreux.
Je me régale depuis quelques heures du spectacle des motos roulant courtoisement en quinconces, le travail de leurs suspensions, la belle symétrie et la voix rassurante des tromblons d’échappement, la beauté des courbes et le mouvement des hommes sur leur machine en symbiose avec la sinuosité des trajectoires.
Avec ces motos du voyage dans le monde d’avant, la conduite est un art en trois dimensions. Réduire sa vitesse avant un virage sans toucher au frein avant très susceptible dans ces conditions d’adhérence et sans vraiment couper, gardant un filet de gaz, mettre sur l’angle et remettre les watts poliment - adhérence, je t’aime-sans à coup, redresser la machine puis incliner à nouveau dans la dimension d’à coté.
Nous aurions pu venir en bagnole, mais qu’en serait-il de cette amitié de poilus des tranchées de 14 qui a soudé notre groupe et donné du rire à chaque vanne de chambrée lors de nos petits déjeuner ?
Je vous laisse comparer la
visibilité d’un pare-brise grand écran à choix multiple de vitesse
d’essuie-glace et un bon dégivrage en écoutant France musique avec les quelques
centimètres de nos visières embuées offrant une vision de Gilbert Montagné –on
va s’encastrer- entre deux gouttes.
Pour ne pas faire un empilage de ferraille, il faut garder l’œil rivé sur le
lumigon rouge de la bécane de devant, et deux doigt sur la manette de frein
dans un brouillard glacé où vous ne voyez pas vos mains sur le guidon.
Se décaler de la trajectoire et ne pas trop compter sur l’allumage préventif du
feu stop car un by de 1200 CC ça freine bien du moteur quand tu coupes.
En guise de Mozart ou de Benjamin Biolay, ce sera plutôt la bande-son de la
bourrasque dans les oreilles et le siège chauffant en option sur la bagnole qui
n’est pas proposé par Triumph ni BMW viendra à vos regrets quand le froid
humide de la pluie commencera à envahir l’intimité de vos vêtements.
Je reviens dans mon rêve de tout à l’heure.
Le leader Delta Kilo enquille
droit dans ses bottes sans couper les gaz une belle courbe et je suis dans son
sillage.
Depuis Ouistreham, j’essaie de rester au contact à chaque accèl.
Il renvoie comme à Roland Garros : sa moto repart souple et rapide telle une
balle dans le sifflement aérodynamique, surtout dynamique, et je le vois
s’éloigner vigoureusement dans la bruine soulevée par sa machine.
Le Wocke-Wulf juste derrière Truxton Echo Roméo et Mark IV modèle Bogoss « Au
bonheur des Dames » resserre la formation.
La paix a dû être signée après le débarquement à Ouistreham car il nous dépasse
sans lâcher sa rafale dans le vrombissement de son moteur de chez Bayerische
Motoren Werke.
Nous ne sommes plus que des humains pacifiques réunis par la même passion des
belles mécaniques en quête d'aventures hors la vie des feux rouges et des
frigos à remplir.
Pas vraiment détendu en
courbe avec cette inclinaison exagérée sous la pluie, louvoyant sur ma savonnette la selle coincée entre mes petites jambes tétanisées, je me vois terrorisé rejoindre le Walhalla buvant du Calva dans
le crâne de mes ennemis.
Mais non, je suis vivant !
Le vent, l’ondée, la pression de l’air sur le buste, les mains comme des pinces
à linges accrochées au guidon d’un linceul séchant sur un fil tendu entre Dreux
et Chartres, la fraicheur, le bonheur de partager ce moment qui va vite devenir
irremplaçable dans nos mémoires, c’est ça : vivant !
Elégance de cœur, de fringues et d’amitié, j’ai passé un bon moment.
Oui, Marc « j’irai revoir [ta] Normandie » par respect pour ton talent de logisticien du gite et du couvert !
Oui, Jean-Michel j’essaierai d’apprendre de toi la maitrise d’une machine de cent bourriques sur le gras/mouillé des routes de Beauce avec une savonnette à l’arrière et ton coté musical quand tu nous fais rugir tes orgues d'échappements qui me font sursauter au moindre tunnel transformé en cathédrale!
Oui, Ludo-jeune j’admire ton parcours de motard Tintin de 7 ans que je te souhaite jusquà 77 ans et ta machine la plus authentique de toutes !
Grand merci gentlemen d'être mes amis et total respect, Le Boss*, pour cette bande à Bonnie !"
Ouistreham-Septembre 2020
* Delta Kilo sur la T100