En 1939, Henri de Weindel publiait en feuilleton dans lePopulaireune biographie romancée de l'empereur François-Joseph. J'en extrais deux épisodes avec leurs illustrations, dans lesquels l'auteur s'intéresse aux problèmes résultant de la pratique des mariages consanguins dans les grandes familles régnantes.
Il ne faut pas s'attendre dans un roman historique à trouver l'expression de la réalité historique des faits. Le romancier historique cherche souvent l'appât du lectorat et joue souvent volontiers sur la sensation voire même le scandale.
Dans certains grands théâtres de petites villes provinciales, on a coutume de faire représenter, par la même troupe, des œuvres disparates. On allie le plaisant au sévère et la comédie, pendant sept à huit heures consécutives, alterne avec le drame sur les planches de ces établissements où, pour la plus grande joie du public, évoluent de véritables forçats de l'art dramatique.
Il semble que la famille de François-Joseph ait donné, ainsi, un spectacle divers et lamentable au public qui se pressait sur les gradins de son théâtre intime : la tragédie et le vaudeville s'y succédèrent pendant toute la moitié du dix-neuvième siècle, de manière ininterrompue et cruelle, provoquant, tour à tour, les quolibets et l'émotion des spectateurs. Quelques-uns de ces ouvrages, à représentation unique, furent donnés, en partie, devant la foule, mais la plupart ne rencontrèrent qu'un public restreint et, si l'on peut ainsi dire, de privilégiés. Considérons d'abord la tragédie. Le drame, dans la maison des Habsbourg, provient de la raison d'Etat, laquelle, ici, se trouve intimement liée à la question religieuse. L'Autriche, empire catholique, ne pouvait trouver d'alliance pour les rejetons de ses souverains que parmi les familles régnantes catholiques, toutes — comme les Habsbourg, et pour les mêmes causes — dégénérées et tarées. Les mariages, en effet, se devaient contracter entre proches puisque cinq familles seulement entraient dans le giron de l'Eglise catholique, apostolique et romaine : les Habsbourg d'Autriche, les Wittelsbach de Bavière, les Bourbons d'Espagne, les Savoie d'Italie, enfin les Saxe de la ligne Alber- tine. Il y avait bien encore les Cobourg, de Belgique, mais, à raison de leurs origines moins pures que celles des autres maisons royales catholiques, on répugnait, dans la fière lignée des Habsbourg, à toute union avec la famille de Léopold. Il convient de dire, car ces choses puériles représentent, pour des gens qui en vivent, une grosse importance, que les Cobourg de Belgique se contentent de trouver le début de leur fortune avec Léopold Ier, qui s'éleva au trône en 1831, alors que les Habsbourg font remonter leur origine à Everard III, qui régna sur le comté de Nordgau, en Basse-Alsace, dès l'an de pillage, de viol et de meurtre 898. De plus, pour des raisons politiques, aucune union ne put être conclue depuis plus d'un siècle entre les maisons de Habsbourg et de Savoie. Les deux maisons les plus touchées par la dégénérescence, parce que les membres de ces familles se sont le plus souvent unis lés uns aux autres, à travers les siècles, sont les maisons de Habsbourg et de Wittelsbach, celles-là mêmes auxquelles appartenaient, d'une part, François-Joseph et, d'autre part, Elisabeth. Les unions se conclurent avec une telle persistance entre ces deux maisons que le mariage de l'empereur d'Autriche et de la fille du duc Maximilien de Bavière peut être considéré comme une manière d'inceste, tant les liens du sang devenaient nombreux entre eux. François-Joseph et Elisabeth apportaient chacun, en offrande, un joli cadeau dans leur propre corbeille de noces : celle-ci, par hérédité, la folie ; celui-là, de même manière, l'épilepsie. On a mal élucidé le point de connaître si, pendant son dernier séjour à Corfou, l'impératrice Elisabeth ne fut pas atteinte d'aliénation mentale, mais il est nettement prouvé que l'empereur François-Joseph fut épileptique, comme le furent et l'empereur Joseph II et le propre grand-père de François-Joseph, S. M. François Ier. Il importe d'ajouter, pour clore temporairement ce cycle lamentable, que l'empereur actuel d'Autriche-Hongrie avait transmis son mal à son fils, le malheureux prince Rodolphe, et que sa fille cadette, l'archiduchesse Marie-Valérie, mariée elle aussi à un de ses cousins, François-Salvator, archiduc d'Autriche-Toscane, était épileptique, comme l'était son frère, comme l'était son père et comme le furent deux de ses aïeux. On conçoit, dans ces conditions, les soucis que sa propre famille causa au souverain. En exceptant même le pire de tous les drames, celui de Mayerling, dans lequel le prince héritier, Rodolphe, trouva la mort, les incidents tragiques apparaissent nombreux au cours de l'existence agitée de l'empereur. L'un de ceux qui la troublèrent le plus, du fait surtout de la terreur ineffaçable que l'impératrice en conçut, fut la mort mystérieuse, de Louis II de Bavière, cousin de l'impératrice, un Wittelsbach, et, par cela même, représentant la plus dégénérée de toutes les cours catholiques d'Europe.
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