Cet article de recherche d’une équipe de la Norwegian University of Science and Technologie (NTNU) s’attaque aux conséquences des modifications profondes induites par le COVID-19 dans l’univers professionnel. Plusieurs grandes entreprises, ou plus petites, ont annoncé qu'elles prévoyaient de prolonger l'option télétravail pour les salariés qui le souhaitent, même à l’issue de la pandémie. Le télétravail, qui devient la nouvelle norme dans de nombreux secteurs et pour de nombreux postes offre des avantages pour beaucoup de salariés, mais pas tous. Bien conscients qu’un plus grand nombre d’entreprises, et de salariés, vont élargir ou adopter ce mode de collaboration, même une fois la pandémie « résolue », ces psychologues insistent sur l’importance de pouvoir aussi se réunir physiquement, non seulement pour répondre à nos besoins d’interactions sociales, mais aussi pour maintenir la qualité du travail.
Oui, le travail à domicile a ses avantages, mais le télétravail comporte aussi ses pièges :
Pami les avantages,
- une plus grande flexibilité dans l'organisation des moments de travail et de vie familiale dans le cours d’une journée, ce qui semble réduire considérablement le stress pour de nombreuses personnes ;
- le gain de temps sur les déplacements et les réunions parfois trop longues ou fréquentes : ce temps peut être utilisé pour d'autres activités, professionnelles, ce qui accroît la productivité des salariés, personnelles, ce qui optimise l’équilibre vie personnelle/vie professionnelle ;
- avoir son bureau à domicile -ce qui n’est pas forcément à la portée de tous- permet d’être moins distrait et parfois plus efficace ;
- pour les employeurs, le télétravail est une opportunité de réduire les frais de déplacement et les coûts de structure ;
- le télétravail est aujourd’hui reconnu et pratiqué par de nombreuses universités dont plusieurs vont prolonger cette option de cours en distanciel. Cela suggère la possibilité pour une entreprise de former à distance ses salariés, et de manière efficiente ;
Mais comment le télétravail affecte-t-il la collaboration et la qualité du travail, que ce soit en petites équipes ou dans les grandes entreprises ? Cette réponse digitale en réponse à une urgence sanitaire a encore été peu étudiée sous cet aspect de la coordination et de l’esprit d’équipe et d’entreprise. Cependant, il est clair que les salariés ne pourront travailler exclusivement dans des environnements physiquement séparés, auront besoin d'occasions de rencontre avec leurs collègues, de mise en commun des ressources de chacun et de cohésion sociale ou d’entreprise.
L'une des conclusions des experts, est que nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les pratiques de travail restent les mêmes alors que nous « les déplaçons » et « les mettons à distance ».
Au fur et à mesure que les conditions de travail changent autour des pratiques, les pratiques elles-mêmes changent également.
Ici, au-delà de ses propres réflexions, cette équipe internationale de chercheurs dirigée à la NTNU a collecté des données, par questionnaire et par entretiens, auprès de 1.600 étudiants et de 16 membres des personnels académiques, s’est concentrée sur leurs fonctionnements universitaires respectifs et décrypté les situations spécifiques aux nouvelles approches de travail et d’apprentissage.
L’analyse préliminaire des données montre une grande variabilité dans les conséquences de ces nouvelles situations de travail en fonction des individus et des groupes. Ainsi :
- certains participants sont devenus plus efficaces dans leur nouveau milieu de travail, en raison par exemple de distractions plus rares et d’une plus grande capacité à prioriser ses tâches ;
- d'autres sont devenus moins efficaces, par exemple en raison d'une moindre motivation et d'un manque de structure et de cadre au quotidien ;
- certains déclarent comme bénéfiques le fait d’avoir, avec le « distanciel » plus de tranquillité et de flexibilité dans la vie quotidienne, tandis que d'autres se sentent plus seuls et moins motivés en raison du manque de contact social et physique avec leurs pairs ;
- certains professeurs déclarent des horaires plus chargés, notamment en raison des cours des enfants, eux-aussi au domicile, durant la période de confinement ;
Travail d'équipe et du travail numérique : c’est le paradoxe de cette première analyse, car si le travail à domicile ou réparti à distance au sein d’une équipe permet une flexibilité considérablement accrue dans l’organisation du travail de chacun, il réduit la flexibilité dans l'exécution du travail pour chacun, en raison même de la nécessité de sa répartition précise entre les membres de l’équipe et de l’absence ou de la réduction du dialogue entre collègues. Le dialogue à distance devient lui-aussi moins flexible, planifié et donc moins flexible, moins informel et moins spontané. Ainsi la flexibilité accrue dans la journée de travail, permise par le télétravail, peut en pratique réduire la flexibilité du travail lui-même. Pourquoi ?
Ce paradoxe de la flexibilité est largement lié, avec la distance, au besoin beaucoup plus important de structure, de planification et de clarté dans la communication numérique. Les réunions doivent être planifiées avec beaucoup plus de détails et de soins, laissant moins d’opportunité -parfois bénéfique- de s'écarter de l’ordre du jour.
La fin de l’intuition et de la spontanéité ? « Nous perdons la capacité de capter les signaux de la pièce, comme nous le faisions lorsque nous étions ensemble dans un espace physique ». Plusieurs aspects liés à la communication numérique rendent également difficile de suivre le fil, d’être force de proposition et de réagie avec spontanéité. Du côté de l’employeur, apporter de petites clarifications nécessaires à ses collaborateurs prend une certaine solennité car cette action qui auparavant pouvait être simple et non programmée est désormais planifiée et réfléchie. La flexibilité pour accomplir une tâche s'en trouve donc souvent réduite, ce qui peut affecter la qualité de travail.
La persistance dans l’erreur est un autre désavantage évoqué par de nombreux participants : par peur de déranger un collègue ou volonté d’assumer jusqu’à la prochaine réunion en ligne, les gens risquent de travailler seuls et dans l’erreur trop longtemps, plutôt que clarifier leur tâche en cours de route.
« Nous n’osons plus déranger les autres, d'ailleurs nous ne savons pas ce qu'ils font en ce moment ».
Source: Journal of Praxis in Higher Education Oct 2020. Learning of academics in the time of the Coronavirus pandemic
Équipe de rédaction SantélogOct 26, 2020Rédaction Santé log