La plupart d’enfants déplacés internes sont assis sur des briques de terres pour suivre les cours. Faute d’argent, les écoles publiques refusent de leur donner des tables bancs, en violation flagrante des lois internationales sur l’éducation.
Nbetnkoum est un petit village situé à 40 km de Foumbot dans le département du Noun dans la région de l’Ouest, et à moins de 50 km de la région du Nord-Ouest. En raison des conflits armés dans la région du Nord-Ouest, de nombreux habitants ont fuis les combats pour traverser à pied et se retrouver à Nbetnkoun. Les autorités locales ont vite été débordées par l’arrivée de plus de cinq milles familles la plupart sans aucune famille d’accueil. Avec ce flux migratoire énorme, l’unique école primaire publique bilingue du village a été pleine à craquer. Ce mardi matin, l’école primaire publique bilingue de Nbetnkoun voit arriver de nombreux élèves comme d’habitude. L’établissement accueille près de huit cent élèves pour les classes de primaires et maternelles. En cette rentrée 2020-2021, trois quart des élèves sont des déplacés de la région du Nord-ouest. Ils sont bien plus nombreux que les autochtones, ce qui n’était jamais arrivé ici.
Dans les différentes salles de classes de la sil au cm1 du groupe un, on constate qu’une dizaine d’élèves par classes sont assis sur des briques de terres. Les autres, les autochtones, sont assis confortablement sur des tables bancs. La directrice du groupe 1 Brunhilda Kuah affirme que ce sont les enfants déplacés qui prennent place sur les briques de terres parce qu’ils n’ont pas payés les frais d’Ape, et aussi parce que l’établissement n’a pas les moyens de les acheter les tables bancs. « C’est depuis deux ans que nous vivons cette situation. Pour ne pas renvoyer les enfants chez eux, nous sommes obligés de les laisser suivre les cours dans les mauvaises conditions. Beaucoup de ces enfants ont perdu leurs parents dans la guerre à Bamenda, certains n’ont même pas d’uniforme. Nous avons demandé de l’aide à la mairie et au sous-préfet mais jusqu’ici rien n’a été fait », s’alarme-t-elle.
Meilleures conditions de vie John, âgé de 7 ans est élève en class one, la section anglophone. Mal vêtu, avec des vêtements vétustes et présentant un état de santé précaire, il a du mal à rester concentré pendant le cours de lecture. A force de jouer dans la salle de classe poussiéreuse, à l’observer, il fait pitié. Il affirme qu’il vient à l’école sans argent de poche, ni nourriture et reste sans manger du matin jusqu’à 16 h lorsqu’il rentrera chez lui. « Souvent à la recréation, c’est nous les enseignants qui cotisons pour acheter à manger à ces enfants », explique un enseignant. Les plus heureux ont des petits beignets vendus à 10 Fcfa à l’entrée de l’établissement. « Beaucoup n’ont même pas fait tous leurs vaccins.
Pourtant c’est exigé lors de l’inscription des enfants. Mais on ne peut pas les chasser. Ils n’ont pas de livres, ils ne sont pas suivis à la maison par leurs parents, parce que la plupart de temps les devoirs donnés en classe ne sont pas faits. Il est urgent d’aider ces enfants », se plaint un autre enseignant.
Au groupe II de l’école, Francis Wimkaraf le directeur explique que beaucoup d’autres enfants sont restés dans les quartiers et ne parviennent même pas à venir à l’école faute d’argent. « Chaque jour nous avons de nouveaux élèves. Très peu pourront suivre les cours jusqu’à la fin de l’année scolaire puisqu’ils vivent au rythme de déplacement de leurs parents qui sont constamment en train de chercher de meilleures conditions de vie », regrette le directeur. Le maire de la ville de Foumbot, Njoya Inoussa et le sous-préfet Eymard Plong que nous avons rencontrés affirment être au courant de cette situation. « Le ministre de l’administration territorial a remis du matériel récemment ici. Nous attendons la seconde phase de remise de ces dons pour aider les déplacés anglophones » a tranché le sous-préfet.
De graves violations de loi sur l’éducation
Le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ratifié par le Cameroun souligne à l’article 13 que les Etats parties au présent pacte reconnaissent le droit de toute personne à l’éducation. Ils conviennent que l’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de la dignité et renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le même accord rappelle que « l’enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous ». D’ailleurs le 24 juillet 2000, une circulaire signée par le chef de l’Etat a décrété la gratuité de l’école primaire publique au Cameroun. Il n’est donc pas normal que des traitements dégradants soient encore observés au niveau de l’enseignement de base, comme c’est le cas à Nbetnkoun.