L’iconographie de la gaine Scandale (2/3) : retour au bas…

Publié le 11 novembre 2020 par Albrecht

1951, Illustrateur Jean Léger, hprints.com

Ayant assuré son hégémonie dans la gaine, Scandale joue de son image de marque pour attaquer, en 1951, le marché ultra-compétitif du bas.

Article précédent : L’iconographie de Scandale (1/3) : du bas à la gaine…

Bas Scandale ? Oui, Illustrateur Jean Facon Marrec, 1951

C’est encore Jean Facon Marrec qui, avec cette préparation d’artillerie en faveur du nouveau-né de la marque, réaffirme la charte graphique.


Moi j’ai une gaine et des bas Scandale
Illustrateur Jean Facon Marrec, 1951, hprints.com

Mais la silhouette en X, idéale pour la gaine, se révèle peu pratique pour la promotion des bas. Ce sont désormais d’autres illustrateurs et d’autres parti-pris graphiques qui vont entrer dans l’arène.

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Chapeau bas devant le bas Scandale
Illustrateur Pierre Fix Masseau, 1951, hprints.com

La première campagne se base sur un jeu de mot assez faible.


Tout ce qui vous touche de plus près
Illustrateur S.N Lesage, 1952, hprints.com

Il est clair que le parti de stylisation et l’agressivité du fond rouge, dont la force de frappe se sont usées ne suffisent plus à exprimer toute l’ambition de la marque.


1952-53 : la période Gruau

Le bas Scandale, Gruau, 1952

En trois magistraux coups de canon graphiques, Gruau donne au nouveau-né une image à la fois de séduction et de simplicité : le bas de la femme qui s’informe, marche plus vite ou monte plus haut. Le bandeau inférieur n’oublie pas de faire référence au produit-phare, la gaine.

Elégant Mat

Solide Transparent

Chaussant Adhérent

Puis une salve en sept coups énumrèe les sept qualités du bas. Je les ai disposés dans l’otdre donné par le texte récapitulatif, qui semble correspondre à une certaine logique de symétrie entre les graphismes.

Extensible (forme explicite) Extensible (forme implicite)

Les illustrations existent en couleur ou en noir et blanc, avec la qualité explicitée ou glosée dans le commentaire (« Propos optimistes autour d’une jambe »).

Qu’en pensez-vous ? Les yeux bandés on reconnaît…

La gaine Nylon 75, Gruau, 1952

Celle que je préfère Elle est étonnante

La gaine Nylon 75, Gruau, 1953

Gruau se charge aussi, dans la même veine, de vanter en trois points les qualités du vaisseau amiral, la nouvelle gaine Nylon 75. Le bandeau inférieur n’oublie pas de faire référence au produit complémentaire.


Encore un succès à l’actif de Scandale : la gaine Nylon 75, 1952, Maurice Paulin

Ne mettant pas tous ses oeufs dans le même panier, la nouvelle gaine recourt à un illustrateur moins radical pour cette campagne très conventionnelle.


Very secret, le nouveau soutien-gorge à bonnets composés
Charles Lemmel, 1953, hprints.com

Charles Lemmel revient pour soutenir le produit le plus américain de la gamme, mais avec la charte graphique tricolore désormais de rigueur.

Le bas Scandale avec la gaine Scandale Le gaine Scandale avec le bas Scandale

Jean Jacquelin; 1953

Parallèlement, Jean Jacquelin tente de réintroduire la femme en X, mais coupée en deux, comme emblème unique pour la gaine et le bas.

Rue de la Paix, affiches de Jacquelin, photo M.Deval, hprints.com

Ce tryptique dressé face à l’Opéra, sorte d’autel provisoire à la Ligne idéale, marque le triomphe de la marque.


1954-57 : la période Diaz

Vous changez de produit ? Changez de dessinateur

hprints.com

Privilégiée est la femme qui ne porte que le bas 66-12 , Diaz, 1954

Avec la prospérité revenue, la publicité sur les prix s’efface devant celle sur l’exception.

Un style très « Broadway » Les mannequins de Jean Patou portent la nouvelle gaine, photo Luigi Diaz, hprints.com

La gaine Avant-garde, 1955

Pour sa nouvelle gaine, la marque fait une excusrion côté photographie, en invoquant tantôt « Broadway », tantôt Jean Patou. Mais c’est sur le terrain de la créativité graphique qu’elle se sait attendue.

Ces pinces révolutionnent l’industrie de la gaine Faite au moule

La gaine Avant-garde, Diaz, 1955

Après le style épuré de Gruau qui magnifiait l’élégance et la ligne, le style rapide et griffonné de Diaz cadre bien avec le côté « spectacle » qu’il s’agit maintenant de marteler.

C’est sa coupe brevetée En Amérique aussi

Ces six pinces Une pression uniforme

Etre tout à fait à l’aise, hprints.com Vous vous féliciterez

La gaine Avant-garde, Diaz, 1956

Diaz décline à loisir l’image de la performeuse sur les planches, en gants noirs et chapeau de sorcière, alternant esquives, saluts et passes avec une facilité souveraine.

Moi, je suis à la page Moi, j’ai la taille fine Moi, je suis souple

La gaine Scandale, Diaz, 1956

Dans cette variante où les mots Avant-Garde ne sons plus mis en avant, les gants disparaissent, le chapeau tourne au sombrero, la cape à la muleta, et les poses cambrées surjouent la chorégraphie, face à un taureau invisible, d’une torera invincible….

Moi, j’ai une ligne jeune,1956 Moi, je suis à mon aise, 1957

…qui peut se transformer en effeuilleuse au dernier stade..


Moi, je suis tranquille, 1957

…ou se montrer tout à fait sage.

Moi, je suis à la page Moi, j’ai la taille fine Moi, je suis à mon aise

La gaine Scandale, Roger Blonde, 1956

Pour ratisser large, un nouveau venu, l’illustrateur Roger Blonde, se voit confier l’équivalent en style géométrique, avec les mêmes slogans (sauf le derner).


Un joli bas c’est autre chose, Le bas Scandale, Diaz, 1956

En plus sage, les publicités pour les bas reprennent la thématique du spectacle.

Les imitations

Kayser Nylons, Vogue, Mars 1956 Le-Bourget, Diaz, 1959


1954-56 : la tentative américaine : Morrow

Parallèlement à la campagne de Diaz pour la France, Scandale slance sous la marque Tru-Balance une campagne similaire aux Etats-Unis, signée par l’illustrateur Morrow.

La gaine Scandale à la conquête de l’Amérique France’s most famous girdle comes to America

La campagne est lancée simultanément des deux côtés de l’Atlantique : aux USA, le personnage est également une entraîneuse au chapeau de sorcière, la couleur retenue est le fuschia, et la méthode, le scandale : des fesses nues entre deux bites.

1955

L’idée quelque peu paradoxale de la campagne est la comparaison sans et avec gaine : les silhouettes strictement identiques illustrent le slogan « Je ne sens comme si je ne portais rien », alors que stricto sens elles tendraient à prouver que la gaine ne sert à rien.

The « built-in shape », 1955

La deuxième campagne, moins provocante, ne fait plus référence à la nudité, et se contente de signaler l’originalité technique de la gaine : la forme intégrée.

Faites de votre nouvelle forme un Scandale, 1956

La troisième campagne tente une provocation assagie.


Vous devriez être dans la forme où je suis, 1956

La quatrième itération, bien modeste, signe la fin de l’aventure américaine.


Un concurrent grenoblois : les soutiens-gorge Lou

De 1958 à 1962, certaines publicités Lou profitent manifestement de la notoriéré de la charte graphique de Scandale

1958 1959

1959 1959

Lou tente une recette que Scandale n’avait pas explorée : associer à la brutalité du fond rouge et du logo noir le fini d’un dessin tiré d’une photographie d’actrice.

1962

Trois ans plus tard, le dessin cède carrément la place à la photographie.

1961 1962 1963

Lou investit néanmoins dans le graphisme en confiant au célèbre illustrateur Brenot, sur trois années successives, le soin d’imiter la mise en page à la Scandale.



Résolu !, 1962

Dans une veine différente, on peut également verser au dossier cette tentative.


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